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2. L'acceptation versus le contrôle

La personne examine ses sensations, ses émotions, ses pensées en scrutant ou contrôlant son environnement intérieur et extérieur pour qu’il corresponde à la « bonne façon d’être ou de faire ».

Les stratégies de contrôle des états intérieurs sont valorisées pour plusieurs raisons :

1) Le contrôle fonctionne quand il s’agit de gérer des choses extérieures à soi-même. Il est possible de sortir de l'environnement extérieur un objet qui dérange. Il est tentant de croire qu'il est possible d'agir de la même manière avec les états intérieurs.
2) Il est souvent demandé aux enfants de contrôler leurs pensées et leurs émotions (ex : une mère qui demande à son fils d’arrêter de pleurer lui dit indirectement qu’elle souhaite qu’il la soulage de son propre malaise de le voir triste. Elle demande à son fils de faire ce qu’elle n’arrive pas à faire elle-même.)
3) En tant qu'enfant, il y a souvent des messages implicites qu’un adulte n’a pas peur et ne pleure pas. L’enfant intériorise qu’il devrait être capable de contrôler ces réactions intérieures parce que les autres le font. Cela ne veut pas forcément dire que les gens apprennent vraiment à contrôler leurs états, mais plutôt à les taire devant les autres. Plus tard, l’enfant peut réaliser la manière déguisée dont les adultes gèrent leurs émotions en prenant de l’alcool, des tranquillisants, en blâmant les autres, etc.
4) Les médias et la société renvoient souvent l’image que le bonheur se résume à une absence d’émotions difficiles.
5) Il arrive que le contrôle des états intérieurs (distraction, absorption dans une tâche, etc.) fonctionne à court terme. Par exemple, une personne peut avoir des pensées qu’elle est sans valeur et devenir un bourreau de travail. Cela n’enlève en rien la pensée qu’elle se sent défectueuse au fond d’elle-même. Le syndrome de l’imposteur en est un bel exemple. Lorsqu’elle est applaudie, la personne a toujours l’impression que les autres la trompe derrière les apparences.

S’il était possible de contrôler ses états intérieurs (à long terme!), il est fort probable que peu de personne serait malheureuse sur terre. Il semble pourtant difficile de remettre en question la stratégie du contrôle, malgré les piètres résultats observés dans les faits et ses conséquences néfastes. Les états intérieurs sont souvent déjà présents en soi lorsque l'individu prend conscience de leur existence. Personne ne demande la présence de pensées désagréables, elles arrivent automatiquement. De plus, le fait de s’impliquer dans la direction de ses choix de vie augmente l'exposition à des réactions internes désagréables (angoisse, insomnie, attentes, déceptions, blessures, etc.). En cherchant à contrôler l’incontrôlable, l'individu cherche souvent alors à manipuler l’environnement (en s’isolant, en fuyant l’intimité relationnelle, en se donnant une pseudo forte estime de soi, etc.). Le contrôle devient alors une protection contre ce à quoi « être vivant » expose. De plus, il peut devenir épuisant de toujours surveiller cet intérieur pour s’assurer qu’un monstre ne sortira pas des rideaux. La thérapie de l’acceptation et de l’engagement rappelle qu’il y a autant de vie dans un moment de douleur que dans un moment de bonheur.

L’alternative au contrôle est l’acceptation. La métaphore du poste de radio permet d’illustrer cette alternative. Imaginez l’existence de deux boutons de contrôle (comme ceux du « volume » et de la « balance ») sur une stéréo. Disons que le bouton du volume représente le degré « d’anxiété » (ou tout autre état intérieur désagréable: colère, culpabilité, pensées dérangeantes, etc.). Ce bouton est gradué de 1 à 10. Le discours intérieur d'une personne ressemble souvent à « l’anxiété est trop élevée. Elle est au maximum de 10 et je veux la baisser à 0. Je souhaite y arriver. » Toute son attention est placée sur ce bouton d’anxiété. Il est cependant possible d'envisager la possibilité de l’existence d’un autre bouton (« la balance »).

Ce bouton est peut-être le seul sur lequel il est possible d'agir, celui du « degré d’acceptation ou d’accueil » (le bouton de «la balance»)? Ce bouton renvoie à la capacité d’ouverture à l’expérience sans chercher à la manipuler, l’éviter, la fuir, la changer ou la modifier. Quand l’anxiété (l’inconfort, dépression, souvenirs déplaisants, pensées obsessives, etc.) est au niveau 10, et qu’une personne cherche de toutes ses forces à la contrôler, à la baisser, à l’enlever, alors elle lutte contre l’anxiété. Le degré d’acceptation est alors à 0. Prenons une autre image, une clef à cliquet sert à resserrer un boulon : une fois la clef enclenchée (qu’importe la direction du mouvement), elle ne fait que resserrer le boulon davantage. De façon similaire, quand le bouton de l’anxiété est élevé et celui de l’acceptation faible, la clef est enclenchée de sorte que l’anxiété ne peut baisser. En effet, si la personne lutte pour ne pas se sentir anxieuse, alors l’anxiété elle-même devient une préoccupation de plus. Elle aurait beau actionner la clef dans tous les sens, elle continuerait à serrer le boulon dans le même sens. Pour cette raison, l’objectif de la thérapie est d’utiliser davantage le bouton de l’acceptation. La personne a beau chercher à contrôler l’anxiété, cela ne donne souvent pas grand chose. Ce n’est pas qu’elle manque d’intelligence ---quoiqu’en dise son cerveau, mais son expérience lui démontre que ça ne fonctionne pas. Si elle augmente le bouton de l’acceptation, le niveau du bouton d’anxiété s’ajustera librement. Parfois il sera bas, d’autres fois, élevé, mais dans les deux cas, il n’y aura plus de lutte inutile menant toujours dans la même direction. L’acceptation est une position active d’accueil et d’ouverture à l’expérience vécue et elle n’a rien à voir avec la passivité de la résignation. Le travail thérapeutique consistera à s’exposer progressivement à des états intérieurs désagréables et à changer cette attitude face à l’inconfort à l’aide d’exercices expérientiels et de métaphores.

Adapté du chapitre « Control Is The Problem, Not The Solution » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson (1999)

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