ACT in French (ACT en Français)

ACT in French (ACT en Français)

Bonjour, bienvenue sur les pages en français de l'Association for a Contextual Behavioral Science - ACBS!

Vous trouverez ici des informations sur l'ACT, la théorie des cadres relationnels, et des outils cliniques.

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Autres sites en français présentant des informations sur l'ACT et la RFT:

- Le Magazine ACT
- Faire Face à la Souffrance (site du livre Faire face à la souffrance)

admin

0. ACT en quelques mots

0. ACT en quelques mots

La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (Acceptance and Commitment Therapy, Hayes, Strosahl & Wilson, 1999, 2011) s’inscrit dans le courant des thérapies comportementales et cognitives de troisième génération.


Ses principales caractéristiques sont la distanciation de ses pensées problématiques, l'acceptation de ses émotions et sensations difficiles ou douloureuses et l'engagement d'actions en phase avec ses valeurs de vie librement choisies.


Là où certaines approches cognitives visent à remettre en cause la réalité ou la rationalité de ses pensées, l'ACT propose plutôt de les reconnaitre comme des pensées, ni plus, ni moins, de s'en distancer et d'observer si régler son comportement sur ces pensées contribue à nous faire avancer vers ce qui est important. Pour les émotions et sensations inconfortables et douloureuses, là où les thérapies comportementales et cognitives cherchent à obtenir une baisse de l'émotion ou une réduction des sensations à travers l’exposition, l'ACT vise à cultiver l'acceptation, c'est à dire l'accueil de la totalité de son expérience intérieure du moment. On peut dire que l'ACT propose une nouvelle approche du travail sur les cognitions et les émotions.


Pour l'ACT, la psychopathologie nait et se renforce de la lutte contre son expérience intérieure, c'est à dire des actions que l'on engage pour ne pas ressentir ou penser quelque chose. C'est ce que l'on nomme l'évitement expérientiel. Cet évitement peut prendre bien des formes qui toutes ont en commun l'effort fait pour éviter ou changer son expérience intérieure — quand ces efforts limitent les actions qu'il serait important d'engager. Lorsque c'est le cas, l'évitement expérientiel résulte en un rétrécissement des actions engagées et une vie qui se vide de sens et de vitalité. À l'opposé de l'évitement expérientiel, l'ACT vise à promouvoir la flexibilité psychologique, qui représente la capacité d'accueillir la totalité de son expérience intérieure du moment afin de maintenir ou de modifier ses comportements visant à se rapprocher de ses valeurs de vie.


L'ACT n'est pas seulement une approche clinique. Hayes et ses collaborateurs l'ont forgé à partir d’une théorie du langage et de la cognition basé sur le conditionnement opérant de Skinner (1957) et qui élargit les théories de l'apprentissage aux processus cognitifs complexes : la Théorie des Cadres Relationnels (TCR, Hayes, Barnes-Holmes & Roche, 2001). Cette théorie rend compte de la manière dont les processus langagiers normaux nourrissent une relation littérale avec le produit de ses pensées et l'évitement expérientiel. Elle permet de comprendre pourquoi la lutte contre la souffrance est la tendance naturelle des humains dotés de langage. L’ACT est une application clinique de cette théorie.


Sur le plan philosophique, l’ACT est imprégnée du contextualisme fonctionnel. Cette position philosophique soutient qu’un comportement est influencé par une multitude de facteurs externes (ex. cultures, politiques, normes sociales, histoire personnelle) et internes (ex. pensées, émotions, sensations ainsi que les relations qu’entretient la personne avec ses contenus personnels) : le contexte. Face à autant de variables d’influence, il est difficile de définir de façon univoque l’origine d’un comportement. Le contextualisme fonctionnel propose d’analyser les comportements en partant par l’autre bout de la chaine comportementale : les conséquences. De ce point de vue, aucun comportement, aucune pensée ne sont « vrais » à priori. Ils sont utiles ou non. Leurs conséquences vont dans le sens attendu ou non en fonction des objectifs qu'on lui avait choisi. En résumé : est-ce que ça fonctionne ?


Pour répondre à cette question, l’ACT propose d’observer le comportement depuis une certaine position : ce qui est important. Qu’est-ce qui est important ? Que recherche l’être humain ? De quoi a-t-il besoin pour « bien vivre » ? Ces questions, l’humanité se les posent depuis des millénaires. Elles ont reçu de nombreuses réponses. Une réponse en particulier est transversale à de nombreux courants philosophiques et psychothérapeutiques : le sens.


Étant donné que chaque être humain a une histoire propre, vit dans un contexte qui lui est unique, ce qui fera sens pour l’un ne le fera pas nécessairement pour l’autre. Le sens de la vie est personnel à chacun.


Cette perspective humaniste-existentielle de l’ACT est développée autour de la notion de ce qui a de la valeur aux yeux de la personne et de l’engagement comportemental dans cette direction. Ce que je fais donne-t-il du sens à mon existence ? Mes comportements sont-ils emprunts de mes valeurs personnelles ? Sinon, que puis-je faire pour m’engager, ici et maintenant, en direction de ce qui est important pour moi ?


La question du symptôme et de son élimination devient alors secondaire. L’ACT ne cherche pas à modifier la fréquence, la forme ou le contenu des expériences psychologiques difficiles ou douloureuses. L’ACT cherche plutôt à intervenir sur la manière dont on aborde ses expériences intérieures pour qu’elles ne fassent plus obstacle à agir en direction de ce que l'on voudrait dans la vie. Cela implique d’encourager le client/patient à s’autoriser à agir en direction de ses valeurs, même lorsque ses expériences problématiques se présentent à lui.

L’acceptation, la défusion (c’est à dire la distanciation), le contact avec le moment présent (c'est à dire la pleine conscience) sont autant d’outils mis à la disposition du client/patient, non pas pour éliminer le « symptôme », mais pour augmenter sa flexibilité en présence de celui-ci et lui permettre de choisir la direction qu’il souhaite prendre au regard de ce qui est important pour lui dans la vie.


En résumé, l'ACT est une thérapie qui met la pleine conscience, l'acceptation de ses émotions et la distanciation par rapport à ses pensées problématiques au service d’un engagement, ici et maintenant, de comportements permettant de se rapprocher de ses valeurs de vie personnelles.


Bibliographie
Hayes, S. C., Barnes-Holmes, D., & Roche, B. (2001). Relational frame theory: a post-Skinnerian account of human language and cognition. New York: Kluwer Academic/Plenum Publishers.
Hayes, S. C., Strosahl, K., & Wilson, K. G. (2011). Acceptance and commitment therapy: an experiential approach to behavior change. New York: Guilford Press.
Hayes, S.C, Strosahl, K.D., & Wilson, K.G. (2012). Acceptance and commitment therapy: The process and practice of mindful change (2nd edition). New York, NY: The Guilford Press.

Et en français:
Pour les professionnels :
Monestès, J.-L., et Villatte, M. (2011). La thérapie d'acceptation et d'engagement ACT. Paris : Masson 2011
Schoendorff, B., Grand, J., & Bolduc, M.-F. (2011) La thérapie d'acceptation et d'engagement, Guide Clinique. Bruxelles : deBoeck
Harris, R. (2012) Passer à l'ACT, Pratique de la thérapie d'acceptation et d'engagement. Bruxelles : deBoeck.
Pour le grand public:
Schoendorff, B. (2009) Faire face à la Souffrance, choisir la vie plutôt que la lutte avec la thérapie d'acceptation et d'engagement. Paris : Retz.
Harris, R. (2010) Le piège du bonheur, Créez la vie que vous voulez. Montréal : Editions de l'Homme
 

Egide Altenloh

1. Qu'est-ce que l'ACT ?

1. Qu'est-ce que l'ACT ?

 

L'ACT (thérapie d'ACceptation et d'engagemenT, à prononcer comme le mot «acte») est une psychothérapie cognitivo-comportementale appartenant à ce qui a été décrit comme la troisième vague des thérapies comportmentales et cognitives. Elle repose sur une théorie du langage (la théorie des cadres relationnels) élaborée en continuité avec les efforts de B.F. Skinner pour développer une approche scientifique du comportement humain. Comme toutes les thérapies comportementales, l'ACT attache beaucoup d'importance à la validation empirique des principes qui la fondent et à la documentation de son efficacité par l'expérimentation clinique.

Plutôt qu'une nouvelle psychothérapie, l'ACT peut être comprise comme une nouvelle façon de concevoir la psychothérapie. L'ACT ne s'inscrit pas «contre» la thérapie cognitive, la psychanalyse ou les thérapies existentielles; elle leur emprunte d'ailleurs bon nombre de techniques qu'elle intègre dans un cadre conceptuel original s'appuyant sur une philosophie contextualiste fonctionnelle.

Toute psychothérapie vise à un changement. La théorie des cadres relationnels explique comment les modalités de fonctionnement du type particulier d'intelligence que ses capacités langagières confèrent à l'être humain impliquent inévitablement un niveau élevé de souffrance dans un large éventail de situations. L'ACT cherche à favoriser l'acceptation des événements privés (pensées, images, sensations) désagréables dans les situations où leur évitement conduit au renoncement à des actions correspondant aux valeurs choisies par la personne ou à la persistance dans des actions contraires à ses valeurs. L'ACT vise ainsi à augmenter la flexibilité comportementale.

L'intelligence verbale, ressource adaptative principale de l'humanité dans la lutte pour la survie fonde aussi la possibilité pour l'être humain d'orienter son comportement en fonction de valeurs offrant des perspectives allant au-delà d'expériences de satisfaction à court terme. Le travail sur les valeurs constitue un des aspects importants de la thérapie. Prendre un engagement, c'est choisir maintenant une attitude future dont on sait qu'elle pourra entraîner un inconfort à court terme mais contribuera à la direction qu'on souhaite donner à sa vie.

Paradoxalement, l'intelligence verbale fonctionne aussi comme un système restreignant considérablement les capacités de l'être humain à contacter le moment présent et elle lui ouvre la possibilité d'éviter non seulement des situations extérieures dangereuses mais aussi des états intérieurs désagréables. Cet évitement d'expérience joue un rôle important dans le développement et le maintien des problématiques définies par les nomenclatures psychiatriques comme des troubles anxieux, des troubles dépressifs ou des troubles de la personnalité.

Le langage demeure le principal moyen de communication entre thérapeute et patient. Le recours à la métaphore et au paradoxe ainsi qu'à des exercices visant à donner l'occasion de faire des expériences plutôt que d'acquérir des connaissances verbales sont largement utilisés par le thérapeute pour développer (chez lui-même comme chez les patients qui le consultent) la capacité d'appréhender en pleine conscience toutes les facettes de l'expérience du moment présent afin d'augmenter la liberté de faire des choix qui ne soient pas restreints par des mécanismes d'évitement ou d'échappement.

Le traitement ne vise pas à changer le contenu des événements privés mais à en modifier le contexte, notamment le contexte de littéralité dans lequel les sons formant un mot ou une phrase acquièrent les fonctions perceptives des réalités qu'ils désignent. Quand ce mouvement réussit, il permet d'accepter plus facilement des événements privés désagréables. L'évitement n'est alors plus la seule issue et l'engagement dans des actions au service des valeurs choisies devient possible.

Pour en savoir plus sur l'ACT, explorez ce petit bréviaire en français. Si vous maîtrisez l'anglais, vous aurez accès à des informations plus complètes sur l'ensemble du site ACBS.

Philippe Vuille

Interview avec Kelly Wilson 31 Juin 2008 Chicago

Interview avec Kelly Wilson 31 Juin 2008 Chicago

Kelly Wilson PhD est un des trois initiateurs, avec Steve Hayes et Kirk Strohsal de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) et un des animateurs d’ateliers de formation à l’ACT les plus populaires. Il est renommé tant pour l’intensité de l’aspect expérientiel de ses ateliers que pour la clarté et la rigueur de ces exposés et analyses scientifiques et cliniques. Docteur Wilson est professeur de Psychologie à l’université du Mississipi, Oxford.

Docteur Wilson Bonjour. Pouvez-vous nous dire ce que la thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) apporte de plus que la TCC classique ?

La TCC traditionnelle a fait des progrès incroyables dans les années 70 et 80 et a réellement révolutionné la psychothérapie. Pour beaucoup de gens souffrant d'anxiété, de dépression, d’autres troubles de psychoses même, la TCC a eu un impact considérable en termes de réduction de symptômes très difficiles. Ce dont elle s’est un peu moins préoccupée c'est d’une chose qui préoccupait les psychothérapeutes humanistes du début des années 60 comme Victor Frankl : la question du but et du sens de la vie. Bien sûr, en TCC on fixe des buts, mais peu de protocoles parlent de manière extensive des valeurs. Prenons par exemple les expositions qui sont très communes en TCC. L'exposition c'est très difficile émotionnellement à la fois pour le thérapeute et le client. A l'intérieur d'un modèle de l’ACT on utilise l’exposition de manière assez nouvelle et toujours dans le contexte des valeurs de vie plus larges du client. Dans un chapitre sur les valeurs que j'ai écrit il y a quelques années je cite le cas d’une femme qui souffrait d'agoraphobie et avec qui nous avons passé du temps à comprendre l’impact de l'agoraphobie sur sa vie - non pas seulement le fait qu'elle ne pouvait pas sortir - mais la manière dont ça l'empêchait d’être pleinement présente dans la vie de sa fille, par exemple d’assister aux concerts et aux cérémonies de remise de diplômes de sa fille. Et donc quand on faisait le travail d'exposition on s'arrêtait occasionnellement quand le travail était très difficile pour se reconnecter avec les choses vraiment importantes dans sa vie au service desquelles on faisait cette exposition. La recherche expérimentale de base sur le stress nous apprend que quand l’exposition à des stresseurs est faite dans un contexte de valeurs l’impact est très différent, au niveau physiologique même, que quand elle est faite dans un contexte d’habituation.

Au service de ce qui est important pour le client, plutôt que dans la perspective de faire baisser les symptômes ?

Oui mais on voit aussi des réductions de symptômes avec l’ACT ! Mais il est vrai que le but ça n'est pas de réduire les symptômes mais bien de faire avancer leur vie en direction de leurs valeurs. Cela dit, une personne souffrant de dépression et qui se met à agir en phase avec ses valeurs verra le plus souvent sa dépression se lever. Ça n’est pas le but, mais c’est très souvent un des résultats.

On décrit l’ACT comme une thérapie expérientielle…

Métaphoriquement c’est comme si je cherchais à vous apprendre à nager. Je pourrais vous décrire en détail ce que c’est que nager et comment on fait. Je pourrais même vous décrire le contact de l’eau sur la peau en fonction de la pression et de la vitesse. Vous apprendriez beaucoup de choses sur la natation. Mais si vous vouliez vraiment nager, on ne pourrait faire l'économie de vous mettre à l'eau. C'est seulement ainsi que vous pourriez vraiment ressentir ce que ça fait que nager et ce que cela fait de tourner la main dans l’eau de telle et telle manière. L’ACT porte une attention toute particulière à cela et on entraîne les clients a porter une attention toute particulière avec ce que cela fait de faire ces expériences.

Donc ça fait partie des traitements basé sur la mindfulness. Est-ce une thérapie de la pleine conscience ?

Oui tout à fait. Cependant l'ACT est différent de la thérapie basée sur la pleine conscience qui repose sur un entraînement formel à la méditation. Même si certains protocoles ACT plus récent contiennent un peu de cet entraînement, cela ne représente qu’un des multiples composants. Il y a un autre aspect de la mindfulness qui m'intéresse tout particulièrement : comment apporter cette attitude de présence attentive et ouverte de la mindfulness à l'interaction thérapeutique. Je suis en train de préparer un ouvrage sur cette question qui se va s'intituler « La mindfulness pour deux ». Que se passerait-il si l’on cultivait cette présence attentive et qu'on l’appliquait à l'échange qu'on a avec nos clients ? En quoi cela changerait la qualité de l'interaction qu'on a avec eux ? Donc il y a aussi ces éléments-là dans l’ACT.

À quoi peut-on s'attendre en participant à un atelier de deux jours avec vous ?

Le premier jour de l'atelier servira à orienter les participants vers le cœur d'un traitement ACT. En particulier je contrasterai l’ACT avec les modèles de TCC un peu plus traditionnels de manière à ce que vous puissiez voir comment se situe l’ACT en relation avec ces modèles. Ça sera la partie où je vous parlerai de la natation. On regardera aussi une vidéo car une chose est de parler d’un traitement, une autre de le voir en action. Et puis on se mettra à l'eau. J'ai un certain nombre d'exercices qui permettront aux gens de faire l’expérience de manière très directe des processus de changement qui nous le pensons sont très importants dans la thérapie d'Acceptation et d'Engagement. Le deuxième jour sera surtout composé d’exercices expérientiels. De manière à ce que les gens puissent voir directement si une telle approche peut leur apporter quelque chose et choisir ensuite s’ils souhaitent poursuivre.

Très intéressant. Et quelle est l’importance personnelle de ce travail pour vous ?

Pour moi c'est quelque chose qui vient du cœur. L'ACT est un modèle qui ne divise pas le monde entre ceux qui sont malades et ceux qui vont bien. Nous pensons que les processus qui font souffrir nos clients bien que différents en termes de magnitude, ne sont pas de nature différente. Ces mêmes processus nous font souffrir nous aussi. Mon intérêt personnel et mon engagement dans ce travail vient de me demander comment serait un monde où l’on pourrait se libérer de manière à pouvoir pleinement s’engager dans les actions qui sont vraiment importantes pour chacun d’entre nous. J’y pense en regardant mes clients, mes étudiants et aussi mes enfants. Et je pense que les technologies de l’ACT sont vraiment faites sur mesure pour pouvoir adresser ces questions absolument fondamentales à la fois pour nous-mêmes et pour ceux autour de nous et qui sont importants pour nous.

Docteur Wilson merci beaucoup. Nous aurons grand plaisir à vous accueillir à Aix-les-Bains du 10 au 12 Octobre 2008.

Merci à vous et à bientôt.

benjamin schoendorff

2. Aspects théoriques

2. Aspects théoriques
Cette section regroupe des textes décrivant les fondements théoriques sur lesquelles s'appuie la thérapie d'acceptation et d'engagement. Vous y trouverez une description du troisième vague.
Philippe Vuille

2.1. Vous avez dit comportementale ?

2.1. Vous avez dit comportementale ?

 

Le behaviorisme et la personne de B.F. Skinner sont associés, en particulier dans le domaine francophone, à des images négatives. Le behaviorisme radical de Skinner est confondu avec le behaviorisme méthodologique ou behaviorisme «stimulus-réponse» de Watson. Comme l'expérimentation animale portant principalement sur des rats et sur des pigeons a joué un rôle fondamental dans les recherches de Skinner, on lui a reproché de vouloir réduire l'être humain à ce qu'il a en commun avec les animaux, reproche encore étayé par le fait qu'il a adopté une position déterministe mettant en question la notion de liberté. Dans l'avant-propos qu'il a rédigé à la traduction française de «Science et comportement humain», A. Dorna résume la manière dont Skinner est vu en France : Disons brièvement que l'oeuvre scientifique et "morale" de Skinner se trouve entourée d'une étrange inimitié au sein des milieux académiques et intellectuels en France. Certains jugements, transmis généralement de bouche à oreille, sont repris par des journalistes désinformés et également par des enseignants au point que des "bruits de couloir" sont présentés comme des "vérités" incontestables à force de les marteler sans discernement.

Il faudrait écrire un livre ou plusieurs pour réfuter ces critiques. D'autres s'en sont chargés. On lira avec profit l'ouvrage de Marc Richelle B.F. Skinner ou le péril behavioriste. J'en extrais le passage suivant : Pour le behavioriste (...) la psychologie, si elle veut être une science, doit se donner pour objet des phénomènes observables à l'aide des méthodes habituelles des sciences de la nature; elle doit rechercher objectivement les variables dont ces phénomènes sont fonction. Cette position a paru à beaucoup inadmissible, parce qu'elle réduirait le champ de la psychologie aux seuls actes moteurs accessibles à l'observateur et en exclurait ces innombrables événements intérieurs que tout être humain sait se dérouler en lui. En fait, c'est se méprendre sur le parti pris méthodologique du behaviorisme. Il ne nie nullement les phénomènes intérieurs. Mais, d'une part, il dénie au sujet l'aptitude à en fournir une analyse scientifique (il rejoint en cela les positions de Freud et de Janet); d'autre part, il dénie aux événements psychiques internes, ou, si l'on veut, aux événements mentaux, un statut foncièrement différent de celui des conduites aisément observables de l'extérieur. Le problème de la psychologie est de les rendre accessibles à l'analyse, de les traiter comme des comportements et non comme des sources abstraites et invérifiées de comportements. L'antimentalisme, qui constitue l'un des traits dominants du behaviorisme actuel, n'est pas négation des événements mentaux, mais refus de les invoquer comme explication.

La définition opérationnelle des concepts utilisés en psychologie est considérée par le behaviorisme skinnérien comme un critère de premier ordre pour la validité scientifique du discours.

Dans leur présentation de la psychothérapie analytique fonctionnelle (Functional Analytic Psychotherapy), une thérapie appartenant comme ACT à la troisième vague des thérapies comportementales, Kohlenberg et Tsai décrivent les tenants et aboutissants du behaviorisme radical : Le behaviorisme radical est une théorie riche et profonde qui tente de s'approcher des racines du comportement humain. Les lapsus, l'inconscient, la poésie, la spiritualité, la métaphore figurent parmi les sujets qui ont été discutés par les behavioristes radicaux. Les sentiments et les autres expériences privées sont pris en compte et "les stimulations prenant naissance à l'intérieur du corps jouent un rôle important dans le comportement." (Skinner, 1974) (...) Skinner rejette l'idée selon laquelle, quand nous connaissons quelque chose, l'expression de notre connaissance est constituée par une représentation de ce que l'objet de la connaissance est et que l'objet de notre connaissance a une identité plus ou moins permanente comme un élément réel de la nature. Nous "chosifions" volontiers des événements parce que nous avons l'habitude de discourir à propos d'un monde composé d'objets dont nous avons la sensation qu'ils possèdent une consistance et une stabilité inhérentes. En fait, le but de découvrir des vérités objectives que la science s'était fixé s'est avéré impossible à poursuivre. Au coeur de la science il y a soit le comportement des scientifiques, soit les artefacts produits par leur activité, et le comportement scientifique est vraisemblablement contrôlé par le même genre de variables qui gouvernent tous les autres aspects de la complexité du comportement humain. Le chercheur n'est donc rien de plus qu'un organisme en train de se comporter si bien que les intérêts et les activités de l'observateur scientifique ne peuvent jamais être complètement désintriqués des observations qu'il produit. Cette position anti-ontologique de Skinner se rapproche d'un point de vue constructiviste ou Kantien.

Si Skinner s'est intéressé au comportement des animaux, c'était pour pouvoir ultérieurement construire sur des bases conceptuelles solides étayées par des travaux expérimentaux reproductibles et vérifiables, une psychologie qui rendrait compte du comportement humain. En 1938, il écrivait dans les dernières pages de «The Behavior of Organisms» : Le lecteur aura remarqué qu'il n'est pratiquement fait aucune allusion à une possible extension au comportement humain dans cet ouvrage. Cela ne signifie pas que l'intérêt pour le comportement du rat est présenté comme une fin en soi. L'importance qu'il y a à développer une science du comportement dépend en grande partie de la possibilité de l'étendre ultérieurement aux affaires humaines. (...) Il n'est pas possible pour le moment de dire si une telle extrapolation est ou non justifiée. Il est possible que le comportement humain présente des particularités qui requerront une approche différente. (...) Je puis dire que les seules différences que je m'attends à voir mises en évidences entre le comportement du rat et celui de l'être humain (hormis une immense différence en matière de complexité) résident dans le domaine du comportement verbal.

L'étude du comportement verbal a occupé Skinner pendant toute la seconde partie de sa carrière. L'ouvrage dans lequel il a présenté sa théorie du langage (Verbal Behavior, 1957) n'a pas permis le développement d'une ligne de recherches expérimentales fructueuses. La théorie des cadres relationnels représente une nouvelle manière de concevoir une théorie fonctionnelle du langage reposant sur les principes fondamentaux du behaviorisme.

Philippe Vuille

2.1.1. Quelques notions fondamentales

2.1.1. Quelques notions fondamentales

Les expériences classiques de Pavlov sur la salivation des chiens ont abouti à la notion de conditionnement répondant. Si on présente de la nourriture à un chien, pour peu qu'il en ait été privé depuis suffisamment longtemps, ce stimulus va déclencher une réponse, en l'occurrence la production de salive. Cette relation entre un stimulus et une réponse n'a pas à être apprise ou conditionnée.

Si l'on fait régulièrement précéder la présentation de nourriture par le tintement d'une cloche, le son de la cloche acquerra bientôt la fonction qui est celle du stimulus nourriture dans le contexte en question : Le tintement de la cloche conduira donc aux mêmes conséquences que la présentation de nourriture.

Le phénomène du conditionnement répondant s'observe essentiellement dans les réactions autonomes médiatisées par le système nerveux neuro-végétatif. Les réponses ainsi conditionnées ne dépendent que très peu de leurs conséquences, contrairement à ce qu'on observe dans le conditionnement opérant, dont le paradigme demeure la situation expérimentale inventée par Skinner avec la fameuse «boîte» dans laquelle un rat reçoit un granule de nourriture à chaque fois qu'il appuie sur un levier. Une telle situation expérimentale simple permet de définir de manière précise et reproductible des termes sur lesquels on pourra édifier une construction théorique solidement fondée.

Ainsi, un opérant est une classe de réponses définie de manière fonctionnelle. Dans l'exemple de base que nous avons choisi, l'opérant est donc constitué par l'ensemble des réponses qui vont avoir pour conséquence la présentation de nourriture. Il faut remarquer qu'une telle définition est fonctionnelle et non topographique. Il importe peu que le rat utilise les pattes de devant pour appuyer sur le levier. S'il s'assied dessus ou qu'il l'actionne avec le museau, ces réponses seront également considérées comme faisant partie de l'opérant. Lorsque les réponses appartenant à une classe donnée augmentent en fréquence quand chacune d'entre elle est suivie par une certaine conséquence, on dit que cette réponse a été renforcée.

Une modification simple de notre expérience de base permet de définir un terme supplémentaire : Si l'abaissement du levier par le rat ne conduit à la présentation d'un granule de nourriture que lorsqu'une lumière verte est allumée, la lumière verte acquerra bientôt la fonction d'un stimulus discriminatif. Skinner (Science et comportement humain, 2005, p. 110) utilise le vocabulaire suivant : «Nous décrivons les contingences en disant qu'un stimulus (la lumière) est une occasion pour une réponse (...) d'être renforcée

Hineline et Wanchisen (Hineline, P.N, Wanchisen, B.A, Correlated Hypothesizing and the Distinction between Contingency-Shaped and Rule-Governed Behavior, in Hayes, 1989) soulignent les subtilités inhérentes à une approche apparemment simpliste : «Le comportement opérant est par principe un comportement interprété en relation avec ses conséquences, les événements le précédant ou l'accompagnant jouant un rôle favorisant, "occasionnant" ou modulateur. Les rapports entre le comportement opérant et les événements qui l'entourent impliquent un mode particulier de causalité interactive que Skinner (1981) a appelé la "sélection par les conséquences", le comportement et ses conséquences dans l'environnement constituant en l'occurrence des relations en boucle fermée. L'entité ainsi sélectionnée est mercurielle : Elle n'est jamais présente comme un tout; on peut certes y discerner une organisation mais c'est celle d'un motif en activité plutôt que celle d'une structure matérielle. Il y a dans ce concept central de l'analyse du comportement une subtilité et un aspect abstrait qui demeurent souvent ignorés. L'opérant (notion à laquelle il faudrait, pour être précis, toujours adjoindre le terme de classe) est une entité impalpable en raison de sa dispersion.»

Catania (Learning, 4th Ed.1998, p. 410) décrit comme suit la notion de stimulus : «Tout événement physique, toute combinaison d'événements ou relation entre événements.» Il signale encore que l'absence d'un événement peut constituer un stimulus et insiste lui aussi sur la notion de classe, que ce soient des classes définies par des propriétés physiques comme l'ensemble des lumières s'inscrivant dans un certain registre de longueurs d'onde et d'intensités ou des classes définies par certaines fonctions comportementales (par exemple une classe de stimuli discriminatifs efficaces dans un contexte donné.)

Lectures recommandées : Science et comportement humain est un des rares ouvrages de Skinner actuellement disponibles en traduction française. La lecture en est parfois difficile mais toujours intéressante.
La quatrième édition du passionnant (et parfois ardu...) Learning de Catania n'est malheureusement disponible qu'en anglais.

Philippe Vuille

2.1.2. La définition opérationnelle des termes utilisés en psychologie

2.1.2. La définition opérationnelle des termes utilisés en psychologie

Le behaviorisme radical attache de l'importance à une définition opérationnelle des concepts qu'il utilise.

Ce point a été développé de façon simple par E. Reese en 1966 dans «The analysis of human operant behavior» :

Ce qui caractérise le scientifique, c'est l'attitude d'objectivité et d'«honnêteté intellectuelle» qu'il adopte vis-à-vis de son objet d'étude ainsi que l'insistance avec laquelle il se concentre sur des données empiriques observables et mesurables. Une description scientifique du comportement commence avec l'observation d'un certain comportement. Vous pourriez par exemple, en traversant le campus avec un ami par une journée bien ensoleillée, constater que ses pupilles deviennent très petites et remarquer aussi, plus tard, peut-être au crépuscule, que ses pupilles sont bien plus grandes. Vous pourriez alors attirer son attention sur le phénomène et apprendre une des premières principales règles de la science : Elle doit pouvoir être communiquée. Afin de communiquer avec d'autres personnes qui souhaiteraient vérifier ses découvertes, le scientifique doit être en mesure de définir ses termes; le mode de définition en usage est la définition opérationnelle. Une définition opérationnelle décrit ce qu'il faut faire (y compris les mesures à effectuer) pour d'observer le phénomène défini. (Nous utilisons le terme «observer» dans le sens de voir, entendre, ressentir, sentir [tactile ou gustatif] ou discriminer de tout autre manière.) Les opérations définissant le changement de taille de la pupille que vous avez observé pourraient simplement consister dans le fait de disposer une règle graduée à proximité de l'oeil d'une personne et de mesurer le diamètre de la pupille à différentes heures de la journée.

Dans «On the principle of operationism in a science of behavior», un article publié en 1975 par Jay Moore dans la revue «Behaviorism» qui est recommandé comme une bonne introduction aux questions difficiles mais fondamentales discutées dans l'article publié en 1945 par Skinner sur la question, on trouve la définition originale du principe d'opérationisme formulée par le physicien P.W. Bridgman en 1927 : Chaque concept que nous utilisons ne signifie rien de plus qu'un ensemble d'opérations. Si le concept est physique, comme la longueur par exemple, il s'agit alors d'opérations physiques concrètes, c'est-à-dire celles par lesquelles la longueur est mesurée. Si le concept est mental, comme celui de la continuité mathématique, il s'agira d'opérations mentales, à savoir celles par lesquelles nous déterminons si une certain aggrégat de magnitudes est continu. Moore souligne que quand bien même ce principe visait en premier lieu à clarifier la pensée critique en physique, il a été favorablement accueilli comme une découverte méthodologique importante pour la pensée scientifique en général. S.S. Stevens devait publier dans les années 20 une série d'articles dans lesquels il a établi une interprétation du principe d'opérationisme pour l'adapter à la science psychologique, interprétation qui a bientôt été acceptée par l'ensemble de la discipline. L'article de Moore fait le point des particularités de l'interprétation du principe d'opérationisme données par Kantor en 1938 puis par Skinner en 1945.

Le 18 février 2006, Jacqueline A-Tjak disait sa difficulté à comprendre la définition donnée par Skinner d'une observation scientifiquement valable :

Une observation ne peut prétendre à la validité scientifique que quand elle a été contrôlée par des événements-stimuli particuliers (essentiellement ceux de nature non-verbale) et par une histoire générale de renforcement pour le fait de parler de manière contrôlée par ce type d'événements, par opposition au fait de parler sous le contrôle de facteurs liés à la composition de l'audience, d'états de renforçabillité etc.

Kelly Wilson lui a répondu le même jour (vous trouverez le texte original anglais de sa réponse sur la page où les membres de l'ACBS peuvent aussi télécharger le fameux «article de 1945»)

Skinner parle ici du concept de définition opérationnelle. Il a participé en 1945 à un séminaire consacré à cette question. Sa contribution, intitulée «Operational Analysis of Psychological Terms» est bien connue des accros de l'analyse du comportement qui l'appellent simplement «l'article de 1945». Nous l'y voyons développer un point de vue sur l'opérationisme bien différent de celui de la plupart de ses contemporains. Il y affirme essentiellement que c'est dans ses déterminants, c'est-à-dire dans son contexte, que réside la signification d'un terme. Ainsi, si nous voulons connaître la signification d'un terme, il nous faut une analyse des conditions contextuelles qui l'ont généré et qui le maintiennent (les stimuli discriminatifs, les stimuli renforçateurs, les opérations d'établissement). Dans l'article de 1945, Skinner propose que nous soumettions le discours des scientifiques à la même analyse que tout autre comportement. Les répercussions sur la question de la «validité» des observations verbales d'un scientifique sont les suivantes : Dans la mesure où le comportement du scientifique est renforcé de manière prédominante par une capacité accrue à prédire et influencer les événements (principalement non-verbaux) qui constituent son objet d'étude, ses observations sont «valables.» Dans la mesure où elles sont renforcées par des renforçateurs dispensés par la société comme l'argent, la réputation, les éloges (plutôt que par une capacité accrue à prédire et influencer), elles sont «invalides». Je pense que c'est ça qui est vraiment radical dans le behaviorisme radical : L'accent mis sur la nécessité de ne pas appliquer l'analyse seulement au comportement des organismes faisant l'objet de l'expérience, mais aussi à celui du scientifique qui l'effectue et à celui du théoricien dont les constructions intellectuelles ont orienté la recherche.

Pour un analyste du comportement, comprendre les déterminants dans le contexte, c'est tout simplement ce que nous appelons comprendre.

Je dis à mes étudiants que s'ils veulent comprendre ce que Skinner veut dire dans pratiquement tout ce qu'il écrit, c'est dans l'article de 45 qu'ils trouveront la clé du royaume. Le Skinner de 1945 est un homme en pleine maturité. Il a dans les années qui ont suivi raffiné et élaboré son analyse, mais c'est ici qu'on en trouve le coeur et l'esprit. Il y a dans ce petit article toute l'épistémologie de Skinner, sa théorie générale, sa théorie du comportement verbal. Si vous comprenez ce que Skinner écrit ici, alors vous pouvez passer à la lecture d'«Au-delà de la liberté et de la dignité» et de «About Behaviorism» et voir ce qu'il en fait dans ces livres provocateurs.

Inutile de le dire, en tant qu'accro de la psycho, j'aime cet article. J'aimerais ajouter que ce qu'écrit Jay Moore sur l'opérationisme est bien plus facile à lire que l'article de Skinner (...)

Philippe Vuille

2.1.3. Le conditionnement aversif

2.1.3. Le conditionnement aversif

Une des raisons pour lesquelles le comportementalisme a mauvaise presse réside dans l'assimilation qui en est faite avec des techniques de conditionnement aversif telles qu'elles ont été illustrées dans le film de Stanley Kubrick «Orange mécanique».

Les manuels de thérapie comportementale (comme par exemple l'ouvrage classique de Martin et Pear) mettent en garde contre les risques inhérents à l'utilisation des techniques aversives et les questions éthiques qu'elles posent. L'excellent Coercion and its Fallout de Murray Sidman n'a jamais été réédité (ni traduit en français) mais reste disponible d'occasion. On peut en résumer le propos comme suit : Les techniques aversives de modification du comportement sont efficaces mais elles ont des effets secondaires dévastateurs. Elles peuvent conduire à la suppression temporaire du comportement visé mais n'ajoutent rien au répertoire comportemental du sujet chez qui elles favorisent l'émergence de stratégies de dissimulation, d'échappement et de fuite, la personne ou l'instance administrant la contrainte ou la punition acquérant automatiquement le statut d'un stimulus aversif.

Skinner était un utopiste qui rêvait de développer une science du comportement qui permettrait de définir et de mettre en place des conditions de vie garantissant à chacun le maximum de liberté (voir à ce propos son ouvrageWalden 2). Cette position continue à inspirer ceux qui se réclament de la tradition behavioriste. La notion de liberté n'est pas incompatible avec une position déterministe. Nous pouvons concevoir la liberté comme un état dans lequel notre comportement est soumis à un minimum d'influences résultant de processus de conditionnement aversif.

D'un point de vue théorique, les points suivants sont importants pour comprendre la thérapie ACT :

1. L'association d'une conséquence punitive avec un stimulus quelconque donne lieu à un conditionnement aversif. Lors de présentations futures du même stimulus, les conséquences pour l'organisme conditionné seront de trois ordres:
a. Une réaction neurovégétative
b. Le déclenchement de comportements d'évitement
c. La cessation de tout autre comportement dans lequel l'organisme était engagé. Le conditionnement aversif a donc pour conséquence un rétrécissement marqué du répertoire comportemental.

2. Le langage et la forme d'intelligence qui lui est associée (et qui le rend possible) représente un mécanisme de survie particulièrement efficace. Il a aussi ses inconvénients : Des objets et des notions qui ne sont pas présents peuvent donner lieu à un conditionnement aversif chez l'être humain. On sait que beaucoup de chiens connaissent des réactions anxieuses marquées devant les feux d'artifice habituellement tirés lors de la fête nationale suisse qui est aussi un événement à l'occasion duquel rues et maisons sont pavoisées; on n'a cependant jamais vu un chien se mettre à trembler devant un drapeau suisse, alors qu'un être humain est capable de ce type d'extension qui peut se poursuivre à l'infini et qui a notamment pour conséquence que des notions abstraites et des «événements privés» comme des pensées, des émotions ou des sensations corporelles peuvent donner lieu à un conditionnement aversif chez l'homme avec pour conséquence les trois réactions 1a, b et c décrites plus haut.

Le but du traitement n'est pas tant de réduire les composantes 1a et 1b que de restaurer autant que possible une flexibilité comportementale en présence du stimuli aversif. Nous aimerions que, en même temps qu'il a peur, le sujet puisse continuer à s'engager dans des activités autres que l'évitement et la fuite. Ce but est poursuivi grâce à des exercices d'exposition, d'activation comportementale et de défusion.

Philippe Vuille

2.2. Le contextualisme fonctionnel

2.2. Le contextualisme fonctionnel

«On peut définir la philosophie comme réunissant les hypothèses préalables à toute analyse et les règles d'évidence (critères de véracité) utilisées pour concevoir et évaluer des théories et des progrès dans la connaissance des la réalité» (Fox, 2005). Comme Gödel l'a montré dans le domaine des mathématiques, il est impossible de construire un système symbolique qui ne repose pas sur des axiomes ne pouvant eux-mêmes pas être analysés en utilisant le système en question. De manière plus générale, il n'est pas possible de tenir un discours sur le monde sans adopter de manière au moins implicite un système d'hypothèses pré-analytiques et de critères de véracité - donc une position philosophique. A ce titre, nous faisons tous de la philosophie sans le savoir comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir ! Notre ignorance en la matière nous permet de ne pas nous rendre compte quand, pour critiquer la position d'un adversaire dans un débat d'idées, nous utilisons notre propre système de référence pour nous en prendre aux points d'ancrage du système de pensée de l'autre. «Il est en effet malhonnête de dire : "Mes présupposés et mes valeurs correspondent mieux à mon système de référence que vos présupposés et vos valeurs ne correspondent à mon système de référence; donc, mes présupposés et mes valeurs sont les meilleurs." Tout ce que l'on peut honnêtement dire, c'est : "Voici mes présupposés, voici mon système de référence. Et voici ce qui se passe (c'est une description, non une évaluation) quand on adopte ce système-ci plutôt que celui-là".» (Hayes et al., 1999)

«Il est donc particulièrement important pour tout discours scientifique que la position philosophique sur laquelle il s'appuie soit clairement énoncée; cela en améliore la cohérence, diminue le risque de malentendus, évite des débats sans objet et permet de comparer et d'évaluer les théories de manière plus constructive» (Fox, 2005).

Dans un ouvrage publié en 1942, le philosophe S. Pepper a proposé une classification des différents systèmes philosophiques en grandes catégories correspondant à des «visions du monde» ou «hypothèses sur le monde» articulées chacune autour d'une métaphore fondamentale et d'un critère de véracité. Par métaphore fondamentale, il entend «un concept ou un objet dont la compréhension est évidente pour le sens commun et qui peut fournir une analogie de base sur laquelle une démarche de compréhension analytique du monde pourra s'étayer. A chaque métaphore fondamentale correspond de manière indissociable un critère de véracité à l'aune duquel la validité des analyses pourra être évaluée» (Fox, 2005). La pertinence de ces différents systèmes peut être évaluée en fonction de leur précision et de leur portée. «Le concept de précision fait référence au nombre d'explications différentes découlant, pour un phénomène donné, de la mise en oeuvre des concepts fondant une vision du monde (moins il y en aura, plus la précision sera grande), le concept d'étendue (en anglais scope) fait référence au nombre de phénomènes susceptibles d'être expliqués en utilisant ces concepts. Toutes les visions du monde visent à l'étendue complète et la précision absolue - mais aucune ne parvient complètement à un tel idéal. Les 4 visions suivantes s'en rapprochent le plus : Le formisme, le mécanisme, le contextualisme et l'organicisme» (Fox, 2005).

L'approche de la psychologie présentée sur ce site internet repose sur une variété de contextualisme appelée contextualisme fonctionnel.

Philippe Vuille

L'approche mécaniste versus l'approche contextuelle fonctionnelle

L'approche mécaniste versus l'approche contextuelle fonctionnelle

Notre façon de concevoir le monde est fondée sur un système d’hypothèses ou un système de références. Ce n’est pas parce qu’il y a différents systèmes de références, qu’un système est meilleur qu’un autre, mais c’est simplement une manière de se positionner face à l’objet d’étude.

Comme l’a déjà mentionné Dr Philippe Vuille, on peut s’entendre sur quatre visions principales du monde : le formalisme (centré sur la forme et les symboles, les mathématiques), l’organicisme (la vie est le résultat d’une organisation, par exemple, la maladie est causée par une lésion d’organe), le mécanisme et le contextualisme ou constructivisme.

L’approche mécaniste prédomine dans la compréhension de l’être humain, autant aux niveaux médical que psychologique. On essaie de comprendre l’être humain comme s’il était une machine : on analyse les parties + on cherche des relations entre les parties + les forces qui régissent la machine. On prétend qu’on peut découvrir toutes les parties d’une machine et comprendre son fonctionnement. Sur le plan psychologique, on prétend qu'il est possible d'expliquer le fonctionnement psychologique d’une personne par un modèle de compréhension univoque, considéré comme étant une description véridique, ou une vérité objective de la psyché humaine. Tel que le conçoit l’empirisme de Locke, la connaissance serait alors un calque du monde extérieur sur notre cerveau. En constatant la diversité des théories psychologiques avec chacune des logiques internes très intéressantes, on peut se questionner quant au choix d’une théorie particulière comme étant un modèle exact de compréhension d’un client. Alors, comment choisir, parmi toutes ces théories, celle à privilégier? Les résultats thérapeutiques pourraient nous éclairer. Mais souvent, dans la plupart des approches psychologiques, une fois que la logique du fonctionnement psychologique du client est établie, qu’il y ait changement ou pas, cela ne remet pas en question la justesse, l’évidence ou la vérité du modèle. La thérapie est présentée comme un moyen et non un résultat. Les processus psychologiques internes « les pensées, émotions, attentes, désirs, etc ..» sont analysés et décortiqués et on crée des liens entre eux. On est alors dans la compréhension, la cohérence, la prédiction des comportements, la correspondance qu’ils ont entre eux. Les clients établissent une compréhension de leur problème par des conclusions sur eux-mêmes. La thérapie repose sur l’insight et la compréhension du problème et le résultat est secondaire.

Dans l’approche contextualiste, on prétend qu'il y a une variété d’explications possibles au comportement humain de par toutes les variables du contexte actuel et historique qui peuvent l’affecter. Tenter de retracer la vraie histoire ou de faire des liens peut être intéressant. Mais ce qu’on sort de son contexte se vide de son sens. Mettez-le dans un autre contexte et il prendra un autre sens. Pour cette raison, la compréhension du contenu des pensées, émotions, etc… n’est pas le focus de la thérapie. Comment fait-on pour s’y retrouver devant cette infinité de possibilités ? C’est l’utilité ou la fonction des phénomènes psychologiques dans leur contexte qui vont orienter la thérapie et non la quête d’une vérité objective ou le reflet d’une réalité. On est davantage intéressé aux conséquences que les phénomènes internes (pensées, émotions, images etc..) auront dans le contexte actuel de la personne . Quant une personne mentionne le contenu d’une phrase, on lui demande souvent « À quoi cela vous sert-il de vous dire cela? Où cela vous amène-t-il par rapport à vos valeurs? » plutôt qu'à savoir si cette pensée est vraie, rationnelle, adéquate (sens arbitraire). Toutefois, il est important de préciser que la compréhension ou faire des liens pourront être utilisés en thérapie s'il s'avère que de le faire est utile au client pour s'accepter (la mentalisation peut permet de le faire) et de s'ouvrir à son expérience subjective (incluant le désagréable). En d'autres termes, on est pas intéressé au contenu de cette compréhension, mais à quoi elle sert. On s’attarde donc à son utilité dans son contexte pour aller efficacement vers des buts valorisés. On ne s’attarde donc pas à la pensée en donnant de l’importance à son contenu, à moins que cette pensée ne devienne utile dans le contexte.

Par exemple, disons que l'on vous donne un plan de construction d’une maison ou une photo de cette maison et qu'on vous demande « quelle est la vraie représentation de cette maison? » Est-ce que vous êtes la personne qui va la construire ou vous voulez la reconnaître sur votre chemin? Il n’y a pas de vraie représentation en soi à part l’utilité de cette représentation dans le contexte. On parle alors de contexte fonctionnel.

Votre vérité n’est peut-être pas la même qu'une autre personne parce que vous avez des objectifs différents. Cette vérité pragmatique est différente de la vérité de correspondance ou d’association mentionnée précédemment avec la vision mécaniste. On ne parle pas d’une vérité ontologique, mais d’une vérité fonctionnelle.

Inspiré du chapitre « The Philosophical And Theoretical Foundations Of ACT » dans Acceptance and Commitment Therapy de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson

Cristel Neveu

La métaphore fondamentale

La métaphore fondamentale

La métaphore fondamentale du contextualisme

On parle souvent d'action-dans-son contexte ou d'événement historique (Pepper, 1942, p.232) pour caractériser la métaphore fondamentale du contextualisme et ces termes font référence à la manière dont le sens commun comprend tout événement de la vie. Prenez par exemple le simple fait de se brosser les dents. Comment comprenez-vous cet événement en termes de sens commun ? En premier lieu, il consiste en une multitude de caractéristiques dont l'ensemble concourt à le définir. «Se brosser les dents» ne peut se réduire à une brosse à dent, ni à une personne, ni au dentifrice, ni à la salle de bains, ni au fait d'appuyer sur le tube de dentifrice, d'effectuer des mouvements circulaires de la main ou encore de cracher dans le lavabo. Cet événement comprend tout cela à la fois; toutes ces choses et bien d'autres encore concourent à le définir et à le caractériser. Pour comprendre, au sens commun du terme, une action ou un comportement, nous l'appréhendons avec son cadre ou son contexte du moment comme un tout intégré «dans lequel les nombreuses caractéristiques d'une action se fondent, à la fois entre elles et aussi avec leur contexte» (Gifford and Hayes, 1999, p.289). Nous pourrions bien sûr aussi analyser l'action de «se brosser les dents» comme une collection de composantes individuelles. Toutefois, notre expérience et notre compréhension quotidiennes de cette action sont celles d'un événement entier, complet, indissociable de son contexte.

Des considérations quant à son utilité, sa signification et sa fonction interviennent aussi dans notre compréhension (toujours au sens commun du terme) d'un événement donné et elles dépendent d'événements passés, de ce qu'on peut appeler le contexte historique de l'événement présent. Si nous nous brossons les dents, c'est probablement parce qu'on nous a dit que cela préviendrait la formation de caries ou parce qu'une négligence en matière d'hygiène dentaire a eu pour conséquence dans le passé des séances particulièrement douloureuses chez le dentiste. On se brosse les dents dans la salle de bains parce que l'expérience passée a montré que l'endroit s'y prêtait, on utilise une une brosse à dents et du dentifrice et on effectue des mouvements circulaires parce qu'on a appris à le faire. Tous ces événements passés, toutes ces expériences de vie et bien d'autres encore contribuent à notre compréhension du pourquoi et du comment nous nous brossons les dents. C'est la raison pour laquelle, pour le contextualiste, la notion de contexte fait référence à la fois au contexte actuel et au contexte historique d'une action. Il semble que Pepper se soit inspiré dans son utilisation de la notion de contexte de la manière dont le terme était utilisé par Dewey qui le définissait comme "la situation historique de la signification et de la fonction d'un comportement" (Morris, 1997, p. 533).

Les contextualistes analysent tous les phénomènes comme des actions_dans_leur_contexte. Un contextualiste ne séparera un événement de son contexte pour en faire des parties distinctes que lorsqu'il vise un but pratique particulier. Gifford and Hayes, 1999 écrivent : «Une approche contextuelle commence avec une action complète en situation et n'y délimite des composantes que lorsque des raisons pratiques le demandent (...) C'est l'entité complète qui est première : discriminations et distinctions utiles sont toujours secondaires» (p. 294) . Ainsi, lorsqu'un contextualiste élabore des théories et des analyses dans lesquelles le monde apparaît comme divisé en des sous-unités, c'est toujours pour atteindre un certain but et non afin de révéler la «véritable» organisation ou la «vraie» structure du monde. Dans le contextualisme, de telles divisions sont utilitaires et non fondamentales. Le contextualisme ne connaît en fait aucune «véritable» unité d'analyse et le contexte actuel et historique d'un événement donné inclut toujours l'ensemble de l'univers et toute l'étendue du temps. Comment donc un contextualiste peut-il savoir combien de caractéristiques (et lesquelles) de ce contexte potentiellement illimité il doit prendre en considération pour caractériser une action de manière adéquate ? En d'autres termes, comment un contextualiste détermine-t-il la «vérité» ou l'adéquation d'une analyse contextuelle ? Les considérations relatives au critère de véracité du contextualisme apporteront la réponse à ces questions.

Philippe Vuille

Le critère de véracité

Le critère de véracité

Cette page constitue la traduction de la page Truth Criterion.

Le critère de véracité du contextualisme

Une analyse basée sur la métaphore fondamentale du contextualisme consiste essentiellement en une description d'un certain événement ou phénomène et de son contexte actuel et historique. On ne sera pas surpris d'apprendre que la validité d'une telle analyse s'évalue sur la base de l'examen du contexte dans lequel elle a été générée. Les contextualistes déterminent en particulier la validité ou la «véracité» d'une analyse au regard de l'intention de l'analyste ou de la fonction qu'il a voulu lui donner. Si l'analyse inclut suffisamment de caractéristiques du contexte pour que le but dans lequel elle avait été élaborée soit atteint, elle sera considérée comme «vraie». En d'autres mots, pour un contextualiste, la véracité et la signification d'une idée résident dans sa fonction ou son utilité et non dans la mesure dans laquelle on peut dire qu'elle constitue un reflet de la réalité. On parle ainsi de fonctionnement réussi pour qualifier le critère de véracité du contextualisme, une analyse étant considérée comme vraie ou valable pour autant qu'elle permette une action efficace ou la réalisation d'un certain but.

La manière dont il conçoit la notion de vérité est révélatrice de l'ancrage du contextualisme dans la tradition philosophique d'un pragmatisme marqué par les figures de Charles Sanders Pierce, William James, Oliver Wendell Holmes Jr., George Herbert Mead et John Dewey. Le pragmatisme et le contextualisme ne s'intéressent pas à la recherche de vérités absolues ou fondamentales à propos de l'univers. Comme James l'a écrit, «la vérité d'une idée n'est pas une propriété inerte qu'elle contient. La vérité, c'est quelque chose qui arrive à une idée. Elle devient vraie, ce sont les événements qui la rendent vraie» (1907, p. 161).

Pour le contextualiste, c'est l'expérience humaine qui vérifie une idée; la «signification» en est essentiellement déterminée par les conséquences pratiques qu'elle peut avoir et sa «vérité» par la mesure dans laquelle ces conséquences peuvent être considérées comme une action réussie. La manière extrêmement fonctionnelle dont le contextualisme conçoit la notion de vérité et le fait qu'il insiste sur les conséquences empiriques des idées signalent l'influence d'une autre grande figure qui a marqué le courant de pensée pragmatiste : Charles Darwin. On peut concevoir le pragmatisme comme une application à l'épistémologie du sélectionisme de Darwin : Dans le pragmatisme, une idée est «sélectionnée» (elle est retenue comme vraie ou valable) si elle favorise le succès de l'action, de la même manière que, dans la sélection naturelle, une caractéristique du phénotype est «sélectionnée» (retenue par l'espèce) si elle favorise le succès de la reproduction. On ne sera pas surpris par cette influence dans la mesure où les idées de Darwin commençaient à s'imposer dans le monde universitaire à l'époque où les jeunes pragmatistes affûtaient leurs premières armes intellectuelles.

Philippe Vuille

2.3. La théorie des cadres relationnels

2.3. La théorie des cadres relationnels

Cette page constitue la traduction française de la page RFT.

La théorie des cadres relationnels (TCR) rend compte d'un point de vue explicitement psychologique du langage et de la cognition humaines. Conçue pour comprendre de manière pragmatique des comportements humains complexes, elle offre des instruments empiriques et conceptuels permettant d'aborder l'analyse expérimentale de pratiquement toute question significative dans le domaine visé. En outre, la TCR offre un compte-rendu fonctionnel de la structuredu savoir verbal et de la cognition, créant ainsi un lien important entre les perspectives traditionnellement divergentes de la psychologie cognitive et de la psychologie comportementale.

La TCR offre différents avantages par rapport aux théories du langage et de la cognition déjà élaborées. Nous pensons que ces avantages de la TCR la rendent intéressante non seulement pour les théoriciens behavioristes mais aussi pour les psychologues cognitivistes, les thérapeutes, les éducateurs et d'une façon générale toute personne intéressée à mieux comprendre la condition humaine. Cliquez sur un lien ci-dessous ou ci-contre (sous FAQ, vous trouverez par exemple des réponses (en anglais) à certaines question fréquemment posées à propos de la TCR) pour en apprendre davantage à propos de la TCR, ou visitez le forum RFT (en anglais) pour participer ou simplement assister aux discussions en cours.

Philippe Vuille

2.3.1. La TCR expliquée simplement (ou presque...)

2.3.1. La TCR expliquée simplement (ou presque...)

Le propos de la TCR est d'offrir une analyse du comportement verbal et des phénomènes cognitifs propres à l'être humain qui puisse s'appuyer sur les concepts de base définis par le behaviorisme dont la connaissance constitue un préalable indispensable à la compréhension de la discussion qui va suivre.

Le behaviorisme décrit comment des phénomènes de conditionnement conduisent à une transformation des fonctions d'un stimulus donné. Un stimulus peut avoir toutes sortes de fonctions :
• Des fonctions discriminatives (la couleur rouge d'un abricot offre l'occasion pour mon comportement de le choisir d'être récompensé).
• Des fonctions renforçantes (le goût sucré de l'abricot survenant comme une conséquence de mon action de le manger va entraîner une augmentation de la probabilité des comportements appartenant à cette classe de réponses).
• Des fonctions punitives. Le conditionnement aversif est généralement rejeté par les behavioristes en tant que technique de modification du comportement. Cela dit, on conseille aux propriétaires de chien qui trouvent judicieux de punir leur animal de ne pas le frapper de la main mais d'utiliser un journal roulé afin de diminuer le conditionnement de la main comme stimulus aversif. Dans cet exemple, le stimulus constitué par le journal roulé dans la main du maître acquiert des fonctions punitives.
• Etc. (on pourrait varier les exemples à l'envi).

Le stimulus constitué par quelques gouttes de citron sur la langue a la fonction de déclencher une sécrétion salivaire, et ce sans qu'aucun processus d'apprentissage ne soit nécessaire. Dans les expériences classiques de Pavlov, le stimulus initialement neutre du tintement de la cloche acquiert une fonction similaire de déclenchement de la sécrétion salivaire. Nous utilisons le terme de «conditionnement» pour désigner ce phénomène de transformation des fonctions d'un stimulus.

La manière la plus simple de définir un opérant consiste à en décrire la topographie (c'est-à-dire la forme concrète du comportement observé), ce qui n'est jamais tout-à-fait correct puisque la notion d'opérant est définie de façon fonctionnelle et non topographique. Ce type de raccourci est utile et ne pose pas de problèmes dans la plupart des applications pratiques; y recourir de façon habituelle peut toutefois rendre difficile la compréhension du concept d'opérant purement fonctionnel. L'exemple le plus typique d'un tel opérant est l'imitation généralisée : En renforçant une réponse à chaque fois que sa topographie est similaire à celle d'un comportement présenté et en variant fréquemment, sur un grand nombre d'essais, la forme de la gestique à imiter, on peut entraîner non seulement chez l'être humain mais chez bon nombre d'animaux une classe de réponses qui n'ont entre elles aucun point commun topographique tout en ayant la même fonction.

Répondre relationnellement constitue un autre exemple d'un opérant purement fonctionnel. Un singe ou une otarie peuvent être entraînées de manière à toujours choisir le plus grand de deux objets. Ainsi, dans une série d'essais, l'animal chez qui un tel opérant a été établi pourra être renforcé pour choisir l'objet B, plus grand que l'objet A. Au prochain essai, il choisira l'objet C, plus grand que l'objet B, ce quand bien même il venait d'être renforcé pour avoir choisi B. Beaucoup d'animaux sont capables de répondre ainsi à la relation entre les propriétés non-arbitraires de deux stimuli (relation pouvant en elle-même être considérée comme un stimulus).

L'être humain a la capacité d'apprendre à répondre relationnellement à des objets d'une manière qui n'est pas définie par les propriétés physiques des objets, mais par d'autres aspects de la situation (Hayes et al. 2001, p. 21). On parle alors de réponse relationnelle arbitrairement applicable (RRAA). Ce type de réponse s'est avéré très difficile à entraîner chez les animaux, y compris les primates, tandis qu'elle peut très facilement l'être chez les êtres humains à partir de l'âge (environ 18 mois) où leur compétence verbale commence à se développer.

Une réponse relationnelle de cette sorte ne dépend plus seulement des propriétés physiques des objets mis en relation (...) Elle est arbitrairement applicable. Nous entendons simplement par arbitrairement applicable le fait que, dans certains contextes, une telle réponse est sous le contrôle de particularités susceptibles d'être modifiées par simple convention sociale (Hayes et al., 2001, p. 21). Le fait que la pièce de 50 centimes suisse, plus petite que celles de 10 et de 20 centimes, vaut davantage, de la même manière que la «dime» américaine a plus de valeur que le nickel pourtant physiquement plus grand sont des exemples de ce que peut impliquer la notion de réponse relationnelle arbitrairement applicable (RRAA).

J.T. Blackledge nous offre une compréhension facilitée de la notion de propriété arbitraire ou non-arbitraire : le terme «non-arbitraire» désigne les propriétés physiques d'un stimulus susceptibles d'être, de façon immédiate, vues, entendues, senties (olfaction), goûtées ou touchées. Nous pouvons qualifier d'arbitraires toutes les autres propriétés d'un stimulus. Il est intéressant de remarquer que ce sont ces propriétés-là qui occupent l'essentiel de notre discours et de nos pensées : Ça, c'est bien, ça, c'est pas bien, ceci est important, mais pas cela, celui-ci est cher, cet autre est meilleur marché, c'est magnifique, c'est épouvantable, c'est honteux, etc. Blackledge propose encore un exemple de RRAA : On peut entraîner un phoque à choisir systématiquement le plus grand d'une série d'objets qu'il n'a jamais vus auparavant. Si on le mettait en présence du président des Etats-Unis, d'un employé de banque et d'un clochard, il choisirait celui qui est physiquement le plus grand des trois tandis qu'une personne disposant de compétences verbales ferait probablement la discrimination entre l'importance de l'homme et sa taille et réaliserait ainsi que, dans ce contexte, le plus grand n'est pas forcément le plus long. Le fait qu'en lisant ces lignes nous pouvons tous avoir des réactions différentes illustrant une variété d'opinions à propos du concept d'importance et de la manière dont il est appliqué dans cet exemple constitue une des subtilités du comportement verbal !

La TCR affirme que le fait de répondre relationnellement peut être décrit comme un opérant généralisé auquel les principes régissant le comportement opérant des organismes non-verbaux peuvent légitimement être appliqués. La notion de cadre ne doit pas être comprise dans une perspective mentaliste comme une structure qui serait localisée quelque part à l'intérieur du sujet mais comme une activité; la tendance du langage à «substantiver» par commodité des concepts se référant à des actions ou des processus peut ici encore poser problème. «Cadrer relationnellement» apparaît comme une compétence que nous acquérons très tôt dans la vie grâce à un entraînement portant sur un très grand nombre d'exemples. Le premier des cadres (il faudrait plutôt, pour être tout-à-fait correct, dire : la première des façons de cadrer relationnellement) que l'enfant apprend est le cadre de coordination. «Ça, c'est une balle !» Les mots «ça c'est une...», la gestique avec laquelle nous pointons l'objet ainsi que d'autres aspects du contexte fonctionneront comme un Crel, un signal contextuel susceptible d'entraîner l'application d'un type particulier de réponse relationnelle à la balle elle-même et à l'événement auditif "balle". Dans le cas particulier, un "cadre de coordination", avec pour résultat une relation d'équivalence (Hayes et al. 2001, p. 30). A travers des centaines et des milliers d'exemples de ce type, l'enfant est récompensé à chaque fois qu'il émet une comportement montrant qu'il a cadré correctement. Typiquement, l'adulte lui dira ensuite : «Où est la balle ?» et renforcera un comportement d'orientation en direction de la balle par des marques d'approbation et de tendresse. Une fois cette première modalité bien établie, différentes façons de cadrer contrôlées par d'autres signaux contextuels seront acquises : Cadre d'opposition, cadre de distinction, cadre de comparaison, cadre hiérarchique, cadre temporel, etc. Il est intéressant de remarquer que la dimension physique appelée «temps» ne peut être ni touchée, ni vue, ni entendue, ni goûtée, ni sentie. Elle constitue un exemple des domaines que l'aptitude à la RRAA ouvre à l'être humain.

L'action de cadrer relationnellement a pour conséquence une transformation des fonctions d'un stimulus. Si vous entendez le mot «chocolat», il y a de fortes chances que cette suite de sons acquière pour vous certaines des fonctions du chocolat réel. Peut-être visualiserez-vous l'emballage de votre marque préférée, peut-être entendrez-vous le son du papier d'argent qui se déchire ou celui de la tablette qui se rompt, peut-être aurez-vous une réminiscence du goût d'un carré de chocolat fondant dans votre bouche ? Vous aurez remarqué que les différentes phrases qui précèdent ont éveillé en vous différentes modalités sensorielles. Chaque phrase a constitué un Cfunc, un signal contextuel contrôlant laquelle des fonctions du chocolat a été transférée par le fait de cadrer relationnellement le son «chocolat» (ou la suite de signes tracés sur le papier formant ce mot) avec la confiserie brune obtenue à partir de la fève du cacaoyer. Si je vous parle d'un grand verre de jus d'orange bien frais sur un plateau par une chaude journée d'été, les fonctions du jus d'orange qui sont transférées ne sont pas les mêmes que si je vous dis que vous avez renversé le même verre de jus d'orange sur la robe de votre voisine dans une soirée de gala.

Nous avons vu que les relations d'équivalence établies par le cadre de coordination ne sont qu'un cas particulier des différentes façons de cadrer décrites par la TCR. Dans une relation d'équivalence, la théorie classique du comportement parle du «transfert» des fonctions du stimulus. Dans d'autres types de cadrage comme le cadrage d'opposition, les fonctions d'un stimulus ne sont pas simplement transférées mais transformées, comme le montre l'exemple suivant : Supposons qu'une personne a été entraînée à choisir le stimulus B comme le «contraire» du stimulus A. Supposons maintenant que nous avons donné à A une fonction punitive conditionnée, par exemple en associant régulièrement A à une perte de points. Nous pouvons prédire que B va alors acquérir une fonction renforçante en vertu de sa relation d'«opposition» au stimulus punitif A (...) Il ne paraîtrait pas correct dans un tel cas de dire que les effets renforçants ont été «transférés» puisqu'ils ont été acquis de manière indirecte par le biais de la relation d'opposition entre B et un stimulus punitif. Il semble plus approprié d'utiliser le terme de transformation plutôt que celui de transfert et c'est pour cette raison que la TCR a adopté le terme général de transformation des fonctions d'un stimulus. Nous continuerons à utiliser le terme de transfert des fonctions d'un stimulus, mais nous le réserverons aux situations dans lesquelles la relation sous-jacente a pour effet la dérivation de fonctions similaires à celles qui avaient été entraînées ou qui étaient préexistantes (Hayes et al. 2001, p. 32) .

Pour suivre jusqu'ici, vous avez sans doute dû surmonter quelques difficultés. En voici une dernière qui me donne encore et toujours du fil à retordre : Immédiatement après la dernière phrase de la citation tirée de la page 21 dulivre consacré à la TCR par Hayes et al., on lit : Dans les situations de langage naturel, cette classe de réponses n'est toutefois généralement pas appliquée de manière arbitraire car le langage est étroitement lié aux caractéristiques non-arbitraires de l'environnement. Ainsi, comme le résume Blackledge la TCR décrit essentiellement l'application non arbitraire de réponses relationnelles dérivées arbitrairement applicables. Il reconnaît que la terminologie semble difficile et est résolument technique, mais nous venons d'en décrire la plupart des composantes. Il vaut la peine de lire l'article dans lequel il a réalisé le tour de force de résumer une théorie complexe en 13 pages relativement faciles d'accès. J'espère mettre prochainement une traduction de ce texte à disposition des lecteurs francophones.

C'est la capacité d'appliquer de façon arbitraire des réponses dérivées relationnellement qui rend possible le langage humain et qui lui donne toute sa puissance (pour le meilleur et pour le pire). Une fois que nous avons en main ce merveilleux outil, nous devons nous en servir pour interagir (de manière si possible efficace) avec un monde essentiellement fait de choses «non-arbitraires» qui peuvent être vues, toucées, senties, etc. Cette dualité, ces allers et retours entre la dimension arbitraire et la dimension non-arbitraire sont probablement au coeur de l'ambiguïté de beaucoup de problèmes auxquels nous devons faire face. Et représentent aussi une des difficultés majeures dans la compréhension de la TCR !

Philippe Vuille

2.3.2. Les avantages de la TCR

2.3.2. Les avantages de la TCR

Cette page constitue la traduction de la page Advantages of RFT.

Les avantages de la TCR comme approche du langage et de la cognition humaines.

Il existe de nombreuses théories – issues de diverses disciplines – qui s'efforcent d'expliquer le langage et la cognition humaines. Qu'est-ce que la TCR peut bien offrir d'unique ou de particulier sur un terrain déjà aussi densément occupé ?

Nous croyons que l'approche fonctionnelle et contextualiste choisie par la TCR pour aborder la compréhension des comportements humains complexes a permis le développement d'un système d'analyse offrant de nombreux avantages par rapport aux modèles traditionnels du langage et de la cognition (modèle structuraliste, modèle de la «transmission de l'information») (Blakledge, 2003). On citera notamment :

• La TCR est une approche parcimonieuse reposant sur un relativement petit nombre de principes et de concepts de base pour rendre compte des phénomènes du langage et de la cognition.

• La TCR est précise, elle permet de mener une étude du langage humain en accord avec les processus qui la composent dont la définition est soigneusement spécifiée.

• La TCR a une large portée, elle propose des explications plausibles et de nouvelles approches empiriques pour un large éventail de comportements humains complexes, à la fois en matière de réflexion théorique et de recherche appliquée (citons la résolution de problèmes, les métaphores, le soi, la spiritualité, les valeurs, le comportement gouverné par des règles, la psychopathologie, etc.)

• La TCR a de la profondeur, c'est-à-dire que ses analyses concordent avec des descriptions bien admises à d'autres niveaux d'analyse. Elle rend par exemple compte de manière plausible de phénomènes culturels comme l'amplification de la connaissance; des recherches récentes en neurologie montrent que les processus cérébraux pouvant être mis en évidence chez des sujets s'engageant dans des réponses relationnelles dérivées correspondent aux prédictions émises par la TCR pour les phénomènes liés au langage; le type d'histoire d'apprentissage postulée par les modèles connectionnistes pour que des cadres relationnels soient établis concorde avec la TCR.

• Les principes de la TCR sont accessibles à l'observation directe, en particulier dans des conditions de laboratoire; ainsi, il n'est jamais nécessaire d'affaiblir la théorie en inférant des structures ou des processus non-observables comme des schémas cognitifs ou des instruments d'acquisition du langage.

• La TCR est solidement étayée par des recherches expérimentales qui en ont sans exception confirmé les principes. Au-delà de plus de 30 publications scientifiques explicitement consacrées à la TCR, la théorie rend compte de façon pertinente des données recueillies dans les centaines d'études effectuées depuis 1971 dans le domaine de l'équivalence des stimuli. La TCR a passé avec succès tous les tests empiriques auxquels elle a été soumise; à l'heure actuelle, chacun des principes qu'elle affirme est étayé par un minimum de données et aucune donnée contredisant la théorie n'a été recueillie.

• La TCR comporte des applications cliniques directes, ce qui ne semble pas être le cas des autres théories du langage et de la cognition humaines. Les applications cliniques de la TCR (en particulier la thérapie d'ACceptation et d'engagemenT mais aussi des méthodes visant à un changement d'attitude ou des procédures mises en oeuvre pour les problèmes de préjugés et de discrimination) ont fait l'objet de près de 30 études expérimentales qui en ont montré l'efficacité et bon nombre d'applications potentielles sont encore en voie de développement.

• La TCR est générative. La théorie conduit rapidement au développement d'approches expérimentales nouvelles dans pratiquement tous les domaines importants du langage et de la cognition humaines, approches qui se sont avérées (jusqu'à présent) fructueuses.

• La TCR est testable. Son affirmation principale (à savoir que le fait de dériver des relations peut être compris comme un comportement opérant obéissant aux lois de l'apprentissage) est accessible à l'expérimentation. Si les cadres relationnels n'ont pas un développement progressif, s'il ne sont pas contrôlés par le contexte, s'il ne répondent pas au formage par le biais de l'entraînement reposant sur la présentation d'exemples multiples et s'ils ne répondent pas aux conséquences, alors la théorie est fausse. De plus, l'affirmation émise par la TCR selon laquelle la notion de cadre relationnel constitue le phénomène fondamental du langage humain peut être soumise à l'expérimentation de manière directe et pragmatique. Si par exemple la TCR ne permet pas de développer des interventions éducatives plus efficaces que celles couramment utilisées, il faudra considérer la théorie comme un échec. (Voir la section sur les résultats expérimentaux).

• La TCR est progressive. La TCR étaie les phénomènes appartenant à la «ceinture de protection» du paradigme comportementaliste tout en restant générative dans le sens décrit ci-dessus (voir Lakatos pour cette façon de concevoir la progressivité). La TCR est une théorie comportementale reposant sur l'ensemble des principes comportementaux de base connus à l'heure actuelle mais elle entraîne le comportementalisme dans une direction fondamentalement nouvelle comportant des implications profondes et stimulantes dans pratiquement tous les domaines en relation avec les comportements humains complexes. Et elle fait sans alourdir les principes de base du paradigme behavioriste de corrections surajoutées.

• La TCR est cohérente. Son fondement philosophique est clairement articulé. Ses présupposés sont clairement énoncés; ses concepts soigneusement définis; et tous ces différents niveaux s'ajustent entre eux sans déhiscence.

Philippe Vuille

2.3.3. L'intelligence verbale

2.3.3. L'intelligence verbale

Comme la rapidité du cheval ou la longueur du cou de la girafe, l'intelligence humaine est un produit de l'évolution. Elle a donc été sélectionnée comme un mécanisme de survie permettant la matérialisation de dangers qui ne sont pas immédiatement présents, la mise en oeuvre de stratégies d'anticipation ainsi que l'élaboration d'une organisation sociale basée sur des règles verbalement transmissibles. L'intelligence est un outil de survie, pas un outil de bien-être. En même temps qu'elle confère à l'être humain un pouvoir inconnu de tout autre être vivant, elle l'afflige d'une lucidité lourde à porter : Quels que soient les avantages et les qualités du lieu dans lequel je me trouve, mon intelligence va automatiquement en repérer les inconvénients et me faire miroiter un ailleurs meilleur. Aussi heureux mon présent soit-il, elle va me dresser la liste des pertes auxquelles je peux m'attendre et des catastrophes que je puis encourir. Elle fonctionne ainsi comme une formidable machine à pourrir l'ici et le maintenant.

Notre capacité de représenter virtuellement des réalités futures ou lointaines comme si elles étaient présentes nous protège contre des dangers avec lesquels nous n'avons jamais eu de contact immédiat et nous permet d'échafauder des solutions à des problèmes complexes sans avoir à multiplier les essais et les erreurs. Mais nous ne pouvons pas l'inactiver temporairement comme on débranche son téléphone quand on veut être tranquille. La théorie des cadres relationnels qui propose un compte rendu scientifique du fonctionnement de l'intelligence humaine nous aide à mieux comprendre pourquoi.

Nous avons appris dès notre plus jeune âge à utiliser l'intelligence pour agir sur le monde qui nous entoure. Nous ne sommes pas davantage conscients de son fonctionnement que de la matérialité de l'air que nous respirons et il est probablement encore plus difficile de prendre conscience du fonctionnement de l'intelligence qu'il ne l'est d'être attentif à sa respiration. La voix intérieure qui sans cesse commente nos actes, planifie et prévoit, regrette ou critique, nous est si familière que nous avons tendance à nous confondre avec elle et à croire que ce qu'elle nous dit est la vérité – surtout quand elle nous dit que c'est la vérité !

Agir avec intelligence sur la réalité extérieure apporte des expériences de succès, des satisfactions grisantes. L'enfant reçoit très tôt le message qu'il peut aussi appliquer son intelligence pour modifier son monde interne : Ne pleure pas, ce n'est pas grave. Il ne faut pas avoir peur, il n'y a pas de monstres ici. Du haut de ses trois pommes, il peut avoir l'impression que les adultes réussissent à faire ce qu'ils préconisent puisqu'il ne les voit pas pleurer ou trembler.

Votre intelligence vous dit sans doute qu'il est effectivement possible de se faire une raison, de se convaincre que tout ira bien, et qu'il vaut mieux «penser positif» comme le préconise le «psy» de service dans votre journal du dimanche. Mais que vous dit votre expérience ? La question est complexe. Machine à survivre, sans cesse à l'affût de nouveaux problèmes à résoudre, l'intelligence a naturellement tendance à produire des pensées «négatives». On peut l'utiliser pour penser positif comme on peut utiliser une voiture pour rouler en arrière : On ne dispose alors que d'une seule vitesse fort lente et la position de conduite est peu naturelle. On fera un bout de chemin, mais pour un long voyage, on finira toujours par se retrouver en marche avant car la voiture est construite pour ça. Le psychanalyste René Diatkine a résumé l'aspect tragique de la condition de l'homme en disant : «A partir du moment où il quitte les bras de sa mère pour marcher seul vers le tombeau, la dépression est l'état naturel de l'homme».

L'intelligence fonctionne à merveille lorsqu'il s'agit d'éliminer un inconfort dans le monde situé à l'extérieur de la peau. Quand on cherche à éliminer un inconfort dans le monde intérieur, à se débarrasser d'une douleur, à oublier un souvenir pénible, à se convaincre qu'un événement qu'on redoute ne va pas se produire, elle est souvent utile... pour autant que la douleur ne soit pas trop forte ni trop durable, que le souvenir ne soit pas trop insistant ni l'inquiétude trop tenace. Les situations où l'application de l'intelligence au monde intérieur aboutit au but recherché apparaissent comme des exceptions confirmant la règle valable pour les événements privés (les pensées, les images mentales, les émotions, les sensations physiques) : Moins vous les voulez, plus vous les avez. L'ACT considère que ces caractéristiques de l'évitement d'expérience constituent un mécanisme jouant un rôle central dans de nombreuses psychopathologies.

Philippe Vuille

2.3.4. L'évitement d'expérience

2.3.4. L'évitement d'expérience

Le concept de l'évitement d'expérience Hayes et al. 1996 est pris en compte d'une manière ou d'une autre par les principales écoles de psychothérapie. Lever le refoulement empêchant les représentations mentales menaçantes d'accéder à la conscience représente un des objectifs thérapeutiques principaux de la psychanalyse freudienne. Les thérapeutes rogériens cherchent à promouvoir une attitude d'ouverture devant l'expérience. La thérapie gestaltiste considère que le blocage ou l'interruption d'émotions est au coeur de nombreux problèmes psychologiques, une position à laquelle adhèrent aussi les tenants de la psychothérapie existentielle qui s'intéressent toutefois plus particulièrement à l'évitement de la peur de la mort.

Les thérapies comportementales et cognitives ont abordé le problème différemment en développant des procédures permettant aux patients de mieux réussir à éviter certaines expériences pénibles comme des pensées «négatives» ou des états émotionnels désagréables. Toutefois, des approches récemment développées comme la thérapie comportementale-dialectique ou ACT prennent en compte l'évitement d'expérience comme un aspect central de leur démarche thérapeutique et les thérapies cognitives constructivistes évoluent vers une position où il s'agit moins de contrôler les émotions négatives que de les prendre en compte comme un aspect essentiel de l'expérience vécue.

Ce sont les compétences verbales de l'être humain qui le rendent capable de construire des stratégies pour éviter des événements privés comme des pensées, des images ou des sensations physiques en même temps qu'elles créent les situations où de telles stratégies apparaissent comme nécessaires puisque des stimuli internes peuvent se voir conférer par conditionnellement relationnel les fonctions de dangerosité de réalités extérieures menaçantes.

Prenons l'exemple d'un rat entraîné à presser un levier A s'il a récemment reçu un choc électrique et un levier B s'il n'a pas été récemment choqué. Presser le levier A revient pour lui à «dire» qu'il a été choqué. Cela ne lui pose aucun problème: le choc était certes aversif mais le fait de le «rapporter» ne l'est pas puisqu'il n'a pas pour conséquence l'expérience d'un nouveau choc, mais l'obtention d'un granule de nourriture. Un être humain pourra par contre éprouver de grandes difficultés à parler d'un événement traumatisant, puisque, comme en rend compte la TCR, quand il interagit symboliquement avec un événement, les fonctions du référent sont psychologiquement présentes dans le symbole et vice-versa et peuvent de surcroît, dans certaines conditions, s'étendre à d'autres symboles via un réseau de termes en relation les uns avec les autres. En raison de ce phénomène de transformation bidirectionnelle des fonctions d'un stimulus, la souffrance éprouvée au moment du traumatisme est revécue par le sujet quand il en parle ou quand il y pense.

Le terme «émotion» désigne un processus complexe dans lequel des sensations physiques sont associées à des cognitions sous forme de pensées verbales et/ou de représentations imagées, la composante cognitive comportant régulièrement une dimension d'évaluation : La joie, la détente et l'amour sont «bonnes» tandis que l'angoisse, la colère et la tristesse sont «mauvaises». Pour un être humain, l'angoisse n'est pas simplement un état caractérisé par la présence simultanée de certaines sensation physiques et de certaines tendances à l'action, mais une catégorie verbale évaluative et descriptive intégrant un large éventail d'expériences comme des souvenirs, des pensées, des évaluations et des comparaisons sociales. La bidirectionalité des processus fondant le langage crée l'illusion que le caractère «mauvais» que nous attribuons à l'anxiété constitue une qualité inhérente à l'émotion elle-même. Nous disons «c'est une mauvaise émotion» et non «c'est une émotion et je l'évalue comme mauvaise».

Les processus fondant le langage et la cognition humaines sont le résultat d'un processus de sélection favorisant les caractéristiques propres à favoriser la survie. Ils sont donc axés sur la reconnaissance et l'élimination des dangers. Une fois qu'un événement privé est évalué comme «mauvais» ou «dangereux», il va donc tout naturellement devenir la cible des processus cognitifs tant de fois renforcés par les innombrables succès qu'il nous assurent dans la maîtrise de l'environnement matériel, ce d'autant plus que notre éducation et notre culture nous ont appris qu'il devait être possible de les appliquer à notre monde intérieur. Combien de fois nous a-t-on dit – parfois avec beaucoup de tendresse et avec les meilleures intentions du monde – de ne pas pleurer ou de ne pas avoir peur ? La plupart d'entre nous n'avons vu que très exceptionnellement, quand nous étions petits, ces géants qui nous donnaient l'exemple fondre en larmes ou trembler de peur. Contrôler les manifestations émotionnelles et contrôler l'expérience de l'émotion sont pourtant deux choses bien différentes. L'enfant qui réussit à s'empêcher de pleurer ne devient pas heureux mais simplement silencieux. Le fait que notre culture accepte l'idée que les pensées et les émotions sont la cause de comportements favorise aussi les efforts pour éviter celles qui sont négatives puisqu'elles risqueraient de conduire à de «mauvaises» actions.

Les conséquences à court terme d'un comportement ont un impact bien plus grand sur sa fréquence que les conséquences éloignées. Quand bien même elles s'avèrent souvent destructrices ou à tout le moins contre-productives à long terme, les manoeuvres d'évitement d'expérience apportent généralement un soulagement à court terme. De nombreux facteurs contribuent ainsi à l'installation et au maintien de l'évitement d'expérience qui peut être considéré comme un comportement appris, généralisé, entretenu par renforcement négatif.

Il existe de nombreuses situations où l'évitement d'expérience est utile : S'absorber dans un travail pour chasser l'inquiétude que nous cause l'attente d'un être cher voyageant sur une route dangereuse, se distraire de la douleur d'une intervention dentaire en pensant aux prochaines vacances, etc. J'aime bien illustrer l'aspect potentiellement problématique de l'évitement d'expérience par un petit exercice : J'allume une allumette et je demande au patient de l'éteindre avec une méthode simple, rapide et intelligente. Je n'ai encore rencontré personne qui ait utilisé un autre moyen que de souffler dessus. Je propose ensuite d'imaginer une situation de début d'incendie de ma bibliothèque, avec des flammes de 50 cm de haut et j'encourage le patient a essayer de les éteindre en utilisant la même méthode simple, rapide et intelligente. Il est facile de se rendre compte qu'on ne va ainsi qu'attiser le feu.

La capacité de l'être humain à éviter délibérément certains stimuli repose sur son aptitude à formuler et à suivre une règle verbale. Cela devient problématique lorsque ce sont des pensées que l'on cherche à éviter puisque la règle qu'il faut construire pour y parvenir contient l'objet qu'on veut fuir. Les travaux expérimentaux sur la suppression de pensées confirment que les contenus psychiques que le sujet cherche à éviter ont tendance à devenir envahissants et nous pouvons facilement aider le patient à en faire l'expérience. Nous lui demandons d'imaginer un aliment qu'il apprécie particulièrement comme un gâteau au chocolat en en détaillant quelques aspects visuels et gustatifs, puis nous lui proposons de s'efforcer pendant deux minutes de ne pas y penser.

Bien des aspects de l'expérience que l'on cherche à éviter ne répondent que peu ou pas du tout au contrôle verbal. Les réactions anxieuses sont ainsi largement l'effet de conditionnements répondants, elles sont médiatisées par le système nerveux neuro-végétatif que l'on appelle aussi «autonome», précisément parce qu'il n'est pas soumis au contrôle volontaire. Quand l'anxiété devient la «chose» à éviter à tout prix, le moindre signe d'angoisse devient menaçant et mobilise des stratégies de contrôle. Dès qu'elles sont perçues comme inefficaces – dès que les «flammes» sont trop grandes pour pouvoir être «éteintes» – un mécanisme de cercle vicieux est amorcé. Les attaques de panique obéissent vraisemblablement à une logique de ce type.

En fonction de notre histoire, nous sommes tous dépositaires d'un registre plus ou moins étendu de processus de conditionnement aversif qui vont avoir pour conséquence que certaines situations de réalité mais aussi certaines pensées, certaines images, certaines sensations physiques vont mobiliser une tendance à l'évitement d'expérience. L'ubiquité et le caractère envahissant des processus relationnels expliquent comment les efforts d'évitement doivent sans cesse être renouvelés. Je pense à ces bougies truquées qu'on met parfois sur les gâteaux d'anniversaire. Elles s'éteignent quand on souffle dessus mais se rallument peu après, conduisant la victime de la plaisanterie à s'époumonner en vain. L'évitement d'expérience peut ainsi devenir une occupation de plus en plus contraignante et envahissante, au détriment d'activités qui iraient dans le sens des valeurs qui nous sont chères. La souffrance «positive» liée aux émotions et aux pensées désagréables est ainsi diminuée au prix de la souffrance «négative» liée à l'appauvrissement d'une existence privée de toutes les activités auxquelles il faut renoncer en attendant d'en avoir fini avec ce travail de Sisyphe. Certains changements que nous devons mettre en oeuvre dans notre vie pour qu'elle ressemble davantage à ce que nous voulons en faire vont inévitablement s'accompagner d'événements privés inconfortables. Là aussi, l'évitement d'expérience a des conséquences délétères. Enfin, certaines formes d'évitement d'expérience sont en elles-mêmes destructrices : L'abus d'alcool et d'autres toxiques offre un exemple et les troubles du comportement que l'on considère parfois comme «addictifs» comme les troubles alimentaires, le jeu pathologique ou le «workaholism» peuvent entrer dans ce cadre.

Philippe Vuille

2.4. Le comportement gouverné par des règles

2.4. Le comportement gouverné par des règles

Skinner avait défini le concept de règle comme équivalent à un stimulus spécifiant la nature des contingences. Toutefois, son analyse n'était pas complète en ce sens qu'elle n'incluait pas les processus nécessaires chez l'auditeur pour que la règle puisse être comprise.

Les processus de cadrage relationnel étudiés par la TCR décrivent comment des mots et des phrases acquièrent une signification pour celui qui les entend (Hayes & Hayes, 1989), préalable indispensable pour qu'une règle au sens où l'entendait Skinner d'un stimulus spécifiant la nature des contingences puisse avoir une influence sur le comportement.

Nous distinguons avec des néologismes trois modalités fonctionnelles selon lesquelles une règle peut exercer son influence (Zettle & Hayes, 1982): La pliance («ply»), le pistage («tracking») et l'augmentage («augmental»).

La première et la plus simple des façons dont nous apprenons à suivre une règle correspond au concept d'obéissance : nous sommes récompensés pour avoir suivi la règle et punis pour l'avoir transgressée. Je mets mon bonnet pour que maman soit contente, ou pour éviter qu'elle soit fâchée. Ce type de règle est donc suivi en raison de renforcements d'ordre social. En fonction des conditions émotionnelles de renforcement et de punition avec lesquelles elles ont été assorties, certaines des règles qui nous ont été fixées pour être une bonne fille ou un bon garçon vont s'avérer extrêmement résistantes à toute modification et la moindre velléité de nous comporter autrement que ce qu'elles nous prescrivent pourra mobiliser une réaction émotionnelle intensément aversive à laquelle nous n'échapperons qu'en nous montrant, une fois encore, obéissants, «compliants», d'où le terme de «pliance». Il est important de noter que les comportements de rébellion ou de résistance pour lesquels nous utilisons le terme de «contrepliance» ne diffèrent pas fondamentalement de la pliance en ce sens que, quand on prend systématiquement le contre-pied d'une règle établie, ce sont une fois encore les conséquences d'ordre social et non les contingences naturelles qui déterminent le comportement. Il y a donc une grande similitude fonctionnelle entre les actions d'obéissance et les actions de révolte.

Nous apprenons ensuite à suivre une règle par l'expérience de récompenses et de punitions qui ne sont plus dispensées par des personnes, mais simplement par le résultat de notre comportement. Si la règle représente un «mode d'emploi» correct du monde qui m'entoure, les conséquences d'un comportement conforme à la règle seront renforçantes. Je mettrai maintenant mon bonnet quand il fait froid parce que j'ai fait à maintes reprises l'expérience qu'il m'apportait un confort accru. Une telle règle me signale quel est le chemin à suivre pour arriver au but qui est le mien, d'où le terme que nous avons choisi pour traduire le concept de «tracking». Toute pliance nécessite qu'un membre de la communauté verbale fasse une discrimination à propos de la source du comportement qu'il observe. Dans ce sens, la contingence impliquée dans la pliance est toujours arbitraire. Par contraste, le pistage met celui qui suit une règle en contact avec les contingences naturelles qui vont déterminer si le comportement sera maintenu. Signalons en passant que la distinction «naturel/arbitraire» n'est pas la même que la distinction «non-social/social». Une règle disant à quelqu'un comment se comporter pour être aimé par les autres pourrait par exemple constituer une instance de pistage. La distinction entre pliance et pistage est fonctionnelle et non formelle. Une règle peut être présentée sous toutes les apparences d'une piste et induire néanmoins une pliance. L'adolescent auquel son père dira de manière parfaitement pertinente : «Tu n'auras que des ennuis si tu continues à fréquenter ce genre d'amis» va probablement lui rétorquer qu'il devrait cesser d'essayer de le contrôler. (Hayes et al. 1999, p. 36)

La façon probablement la plus élaborée dont nous pouvons suivre une règle correspond à la notion d'augmentage. Un augmenteur est une règle qui va modifier la manière dont un événement fonctionnera en tant que conséquence d'un comportement. La publicité fait un usage étendu de cette forme de règles. Si nous entendons, un jour d'été, la voix sortant du poste de radio nous suggérer qu'un bon coca bien glacé serait vraiment la manière la plus cool de nous passer la soif, il y a des chances pour que la fonction renforçante de cette boisson soit au moins momentanément accrue pour bon nombre d'entre nous. Les processus d'augmentage sont en relation avec la notion de valeur et nous les utilisons dans le travail thérapeutique pour construire la motivation nécessaire au changement.

Si elle ouvre d'innombrables possibilités à l'humain, l'aptitude à voir son comportement influencé par des règles a un prix : le comportement gouverné par des règles est en effet remarquablement résistant à des changements dans les contingences naturelles. Dans une expérience (Hayes et al., 1986) où un groupe de sujets avaient appris à résoudre un problème par l'expérience d'essais et d'erreurs et l'autre par une règle apprise, seule la moitié de ce du second groupe ont pu le résoudre quand les données en avaient été modifiées à leur insu tandis que l'ensemble des sujets du premier groupe y parvenaient.

Philippe Vuille

2.4.1 Problématique des techniques d'affirmation de soi

2.4.1 Problématique des techniques d'affirmation de soi

L'entraînement aux techniques d'affirmation de soi est sans doute très utile mais nous observons souvent que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Je me souviens du précieux enseignement de Frédéric Fanget précisant qu'une situation où on serait menacé par des voleurs exigeant sous la menace d'un couteau qu'on leur remette son portefeuille n'était peut-être pas le moment le mieux choisi pour mettre en oeuvre la technique «JEEPP». Si elle constitue certainement une règle supplémentaire nuançant et précisant celles transmises par la technique, une telle remarque ne rémédiera probablement que très partiellement aux problèmes inhérents à une telle approche tels qu'ils ont été détaillés par Hayes et coll. dans un chapitre dont je traduis ci-dessous un extrait significatif :

Les approches comportementales de l'entraînement aux compétences sociales ont traditionnellement été sous-tendues par les hypothèses suivantes :

1. Le client est vu comme souffrant d'un déficit (ou d'un excès) dans un domaine particulier de compétences.

2. Le thérapeute est en mesure d'identifier et de décrire les compétences sociales que le client doit acquérir ou modifier.

3. Le thérapeute a la possibilité de faire acquérir les compétences en question au client grâce à des instructions verbales, des jeux de rôle et des processus de modelage.

4. Le thérapeute est en mesure de perfectionner les compétences en question en donnant au client un feedback quant à la manière dont ses performances se rapprochent de l'idéal qui lui a été enseigné.

Même si cette approche traditionnelle a parfois donné de bons résultats, elle reste problématique pour les raisons suivantes :

2.1.1 Opérationalisation du comportement cible

L'approche traditionnelle repose sur l'idée qu'il est possible d'opérationaliser le comportement particulier qu'on cherche à établir. Il demeure pourtant très difficile de décrire les composantes spécifiques d'une «compétence sociale». Puisque ce n'est que quand un comportement cible peut être opérationalisé que le thérapeute est en mesure de l'établir par formage d'approximations successives du comportement désiré, des centaines d'études ont été effectuées ces 20 dernières années pour identifier les composantes des compétences sociales; elles n'ont à ce jour permis d'identifier qu'une poignée de composantes qui ne rendent compte que d'une petite part de la variation des performances sociales.

Le problème semble résider dans le fait que les comportements sociaux sont extrêmement complexes et difficiles à classifier. Les compétences sociales peuvent inclure des classes entières de comportements ayant des similitudes fonctionnelles mais peu de points communs au plan structural et topographique. En plus de la forme des comportements concernés, des questions complexes de timing, de contrôle situationnel etc. rendent particulièrement difficile la tâche d'établir une liste des composantes des compétences sociales.

Compte tenu de notre hypothèse qu'une réponse n'a pas de sens en-dehors de son contexte, une spécification des comportements-cible est impossible sans référence au contexte. Si nous ignorons le contexte, nous ne pouvons plus que nous reposer sur des descriptions topographiques du comportement, c'est-à-dire sur la structure plutôt que sur la fonction du comportement. Une telle approche représente une distorsion complète de la perspective behavioriste. Le sourire produit par une personne à qui on a dit «Souriez et je vous donnerai un euro» n'est pas le même comportement que celui produit par un sujet découvrant dans son courrier la lettre d'un vieil ami.

Quand on s'intéresse à des difficultés sociales faciles à discriminer comme des comportements auto- et hétéroagressifs ou un manque d'hygiène, les définitions structurales peuvent s'avérer adéquates car on peut partir de l'a priori d'un contexte social consistant : Un manque d'hygiène aura les mêmes conséquences dans un vaste éventail de situations sociales et on pourra dans un tel cas s'en tenir à la mesure des topographies du comportement sans risquer de tomber dans la confusion.

D'autres actions vont par contre avoir des formes et des effets extrêmement variables selon le contexte dans lequel elles se produiront. Lorsqu'on essaie par exemple de répondre à des questions comme : «Comment est-ce que je peux arriver à être proche de quelqu'un ?» ou «Pourquoi est-ce que j'attire toujours des partenaires qui vont ensuite m'abandonner ?», la difficulté inhérente à la perspective topographique et structurale devient évidente. La littérature relative aux compétences sociales a traditionnellement cherché à opérationaliser de manière topographique les comportements-cible; une telle approche demeure ainsi problématique si l'on veut rester fidèle à un modèle privilégiant l'aspect fonctionnel.

Si l'on s'attelle à la mesure du contexte, les problèmes inhérents à l'approche classique deviennent évidents. Même s'il était possible d'identifier chaque composante des compétences sociales et de metre chacune d'entre elles en relation avec tous les contextes imaginables, il en résulterait une liste de plusieurs milliers de règles qui serait virtuellement impossible à enseigner. Il faudrait des générations pour la développer, et, comme beaucoup de comportements sociaux sont affaire de conventions qui changent avec le temps, cette liste devrait être constamment remise à jour.

2.1.2 Généralisation

Le problème de la généralisation représente une autre question que la littérature traditionnelle à propos des compétences sociales n'est jamais parvenue à résoudre de manière satisfaisante. On observe en effet certes des changements comportementaux dans le contexte dans lequel l'entraînement a été dispensé, mais il reste le plus souvent très difficile d'obtenir qu'ils se généralisent à d'autres contextes.

2.1.3 Entraînement reposant sur des règles

La littérature de base sur le comportement gouverné par des règles nous apprend que, lorsqu'on s'efforce d'enseigner un comportement précis, il risque de devenir insensible aux nombreuses autres contingences pertinentes à tout moment. Même s'il était possible d'identifier un ensemble particulier de comportements dont l'acquisition serait bénéfique pour un individu, le fait de l'établir par le biais d'instructions verbales est susceptible de le rendre insensible aux particularités d'une situation différant de la situation d'entraînement. En d'autres mots, le comportement restera sous le contrôle des instructions du thérapeute et non sous celui de la situation sociale dans laquelle le sujet évoluera le moment venu.

Philippe Vuille

2.5. Les thérapies de la troisième vague

2.5. Les thérapies de la troisième vague

Les thérapies comportementales de la troisième vague

La MBCT (en bon français thérapie cognitive basée sur la pleine conscience) et la thérapie comportementale dialectique (dialectical behavior therapy ou DBT) sont les représentantes les plus connues dans les pays francophones des thérapies de la troisième vague dans lesquelles l'ACT s'inscrit. D'autres thérapies appartiennent à cette mouvance comme la FAP (Functional Analytic Psychotherapy, que nous avons choisi traduire par psychothérapie basée sur l'analyse fonctionnelle) et la thérapie intégrative de couple (ICBT).

Après une première vague correspondant aux premières applications cliniques du behaviorisme et une deuxième vague née dans les années 1960 avec l'avènement de la psychologie cognitiviste, on a vu émerger dans les deux dernières décennies du vingtième siècle une troisième vague qui a été définie comme suit :

La troisième vague des thérapies comportementales et cognitives repose sur une approche centrée sur des principes empiriques; elle accorde une attention particulière au contexte des phénomènes psychologiques et s'intéresse davantage à leur fonction qu'à leur forme, ce qui a conduit au développement de stratégies de changement contextuelles et expérientielles venues s'ajouter à des techniques plus directement didactiques. Les approches thérapeutiques en question tendent à la construction de répertoires comportementaux d'une extension, d'une flexibilité et d'une efficacité accrues plutot qu'à l'élimination de problème définis de manière étroite et elles soulignent que les questions sur lesquelles elles se penchent concernent autant les cliniciens que leurs clients. La troisème vague reformule et synthétise les acquis des générations précédentes de thérapie comportementale et cognitive et les applique à des domaines et à des questions qui ont dans un premier temps été traitées par d'autres orientations thérapeutiques, ce dans l'espoir de mieux les comprendre et de les traiter avec une efficacité accrue.
(Hayes, 2004)

Il est intéressant de constater que les thérapies s'inscrivant plutôt dans une perspective cognitiviste comme la MBCT et les thérapies se réclamant du behaviorisme radical comme la DBT, la FAP ou l'ACT privilégient de la même manière des interventions portant sur le contexte plutôt que sur le contenu des phénomènes psychologiques problématiques.

Dans une sorte de synthèse dialectique entre une ancienne thèse et son antithèse, les thérapies de la troisième vague semblent en voie de guérir les plaies du passé et d'aplanir les anciens différends entre les perspectives comportementales et cognitive (...) Les interventions de la troisième vague ne représentent pas un rejet des premières et deuxième vagues de la thérapie comportementale et cognitive mais plutôt une transformation des phases précédentes aboutissant à une approche nouvelle, plus large et plus interconnectée. Ainsi, si les implications de ce mouvement peuvent être révolutionnaires, le processus qui le sous-tend est évolutif – comme on pouvait s'y attendre dans une domaine se réclamant explicitement de l'empirisme. (Hayes, 2004)

Philippe Vuille

2.5.1. La première vague

2.5.1. La première vague

La première vague des thérapies du comportement a vu le jour en partie comme une réaction contre les théories et la méthodologie qui dominaient le champ de la psychothérapie dans la première moitié du vingtième siècle. Même s'il existait différentes orientations au sein du mouvement behavioriste, l'importance attachée au respect du paradigme scientifique fonctionnait comme un ciment unificateur. Les premiers thérapeutes du comportement pensaient qu'une élaboration théorique n'avait de valeur que si elle reposait sur des principes scientifiques bien établis et que les techniques thérapeutiques mises en oeuvre devaient être clairement définies et rigoureusement évaluées.

La thérapie du comportement a pris directement pour cible les comportements et les émotions problématiques en s'appuyant dans son approche sur les principes du conditionnement classique et ceux du néo-behaviorisme. Le but n'était plus de résoudre le conflit entre les désirs et les craintes hypothétiques du petit Hans ou de ses semblables, le but était de le faire sortir de la maison et retourner à l'école (...) Le fait de se concentrer sur des changements concrets a toutefois aussi entraîné un certain rétrécissment du champ de vision des behavioristes. Les concepts psychanalytiques et humanistes qu'ils avaient rejeté étaient d'une grande richesse au plan clinique. Ils concernaient généralement des questions fondamentales inhérentes à la condition humaine comme le sens de la vie ou les raisons pour lesquelles il est si difficile pour un être humain d'être heureux.
(Hayes, 2004)

Le mouvement behavioriste s'est ainsi progressivement trouvé dans une impasse. Quand bien même Skinner avait rejeté les limitations du behaviorisme méthodologique et affirmé que des événements privés comme les pensées ou les sensations pouvaient légitimement faire l'objet d'une analyse scientifique, sa tentative de fournir un compte-rendu expérimentalement fondé du langage et de la cognition humaines (1957) a été un échec.

Philippe Vuille

2.5.2 La deuxième vague

2.5.2 La deuxième vague

L'adoption par les psychologues cognitivistes d'un modèle théorique plus souple faisant appel à des structures internes hypothétiques a permis la transition de la première à la deuxième vague des thérapies comportementales. Pour Franks et Wilson (1974, p. 7) "on peut étudier des processus ou des événements inférés et rester fidèle aux principes du behaviorisme pour autant que ces événements ou ces processus comportent des référents mesurables et opérationnels.”

Comme certaines types d'erreurs cognitives paraissaient caractériser certains groupes de patients, des recherches ont été développées pour identifier directement les erreurs en question ainsi que les méthodes nécessaires pour les corriger. Certains thèmes principaux de la première vague des thérapies du comportement ont été conservés dans la deuxième, en particulier l'accent mis sur des changements dans le contenu ou ce qui a parfois été appelé des "changements de premier ordre". De la même manière que les praticiens de la première vague s'efforçaient de remplacer l'anxiété par un état de relaxation, les thérapeutes de la deuxième vague ont cherché à affaiblir ou à éliminer les pensées irrationnelles, les schémas cognitifs pathologiques ou les styles de traitement de l'information erronés en insistant sur leur détection, leur correction, leur mise à l'épreuve et leur réfutation (...) Quand bien même l'accent était désormais mis sur les concepts cognitifs au détriment des principes comportementaux, rien ne semblait empêcher l'utilisation de méthodes empiriquement validées destinées à obtenir des changements de premier ordre touchant les comportements ouverts, les émotions, et les cognitions en fonctions des préférences du praticien et de la situation particulière à laquelle il se trouvait confronté. Dans ce sens, la deuxième vague a dans une large mesure assimilé la première. (Hayes, 2004 p.642-643)

Philippe Vuille

La psychothérapie basée sur l'analyse fonctionnelle

La psychothérapie basée sur l'analyse fonctionnelle

La psychothérapie basée sur l'analyse fonctionnelle (PBAF) a été développée par Robert Kohlenberg et Mavis Tsai. Elle repose sur une conception behavioriste radicale du rôle joué par la relation entre thérapeute et patient dans le processus thérapeutique.

Les auteurs distinguent différents types de «comportements cliniquement significatifs» (CCS) pouvant (entre autres) correspondre à la mise en action, dans le champ de la thérapie, des problèmes qui sont habituellement ceux du patient dans toute relation (CCS1) ou au contraire représenter un progrès (CCS2). Le travail du thérapeute consiste notamment à identifier les CCS2 et à leur apporter un renforcement naturel (par opposition au renforcement «artificiel» que peuvent représenter des renforçateurs comme les récompenses matérielles mais aussi les éloges et félicitations), la relation thérapeutique fonctionnant ainsi en quelque sorte comme une «pépinière» dans laquelle des compétences qui permettront au patient de se conduire de manière plus constructive dans des situations de rapprochement et d'intimité vont pouvoir s'exercer et se développer d'une manière favorisant la généralisation ultérieure aux situations de sa vie privée.

Il n'existe malheureusement pas de littérature consacrée à la PBAF en français. Un de mes rêves est de traduire un jour l'excellent livre de Kohlenberg et Tsai. Pour le moment, je n'ai achevé que l'introduction et le premier chapitre. Les membres de l'ACBS peuvent le télécharger à partir du lien s'affichant ci-dessous quand on s'enregistre sur le site.

Philippe Vuille

La thérapie intégrative comportementale de couple

La thérapie intégrative comportementale de couple

Andrew Christensen et Neil Jacobson ont développé la thérapie intégrative comportementale de couple en associant à la thérapie comportementale de couple orientée sur le changement des interventions destinées à améliorer l'acceptation émotionnelle. Dans le chapitre qu'ils ont écrit en collaboration avec K. Koerner dans le recueil «Acceptance and change: Content and context in psychotherapy», l'analyse des aspects problématiques de la relation de couple motivant la mise en oeuvre de stratégies d'acceptation est décrite comme suit :

Au cours de l'évolution d'une relation amoureuse, les partenaires découvrent inévitablement que leurs désirs et leurs besoins ne sont pas (en tout cas pas toujours) les mêmes. Ces différences peuvent concerner la capacité de chacun à donner et à recevoir un soutien émotionnel, la priorité relative donnée au travail, à la famille et à des buts personnels, la préférence donnée à la spontanéité ou au calcul dans la manière de passer le temps libre ou de dépenser l'argent, le style de prise de décision ou d'exercice de la fonction parentale, etc. Ils parviendront facilement à élaborer des compromis dans certains domaines mais d'autres pourront entraîner des conflits intenses et douloureux. Tous les couples trouvent des moyens de résoudre les conflits mais les couples consultant un thérapeute le font souvent parce qu'ils ont développé l'habitude de réagir à leurs différences sur un mode coercitif. L'un ou l'autre partenaire (ou les deux) essaie de résoudre le conflit en tentant de faire changer l'autre, d'obtenir de lui ce qu'il veut, ce dont il a besoin, en recourant à des moyens de plus en plus aversifs (bouderie, plaintes, pleurs, attitude d'ignorance, paroles culpabilisantes ou humiliantes, menaces de rupture, etc.) Dans la mesure où il résiste avant de céder, le partenaire mis sous pression augmente la probabilité que l'autre va devoir «augmenter le volume» pour obtenir le changement qu'il désire. En cédant par intermittences, il va sans le vouloir renforcer les techniques mises en oeuvre. Les deux partenaires adoptent habituellement à tour de rôle la position active et la position passive dans les interactions coercitives qui conduisent au développement d'un cercle vicieux de plus en plus aversif et douloureux pour chacun.

Les auteurs comprennent comme suit le fait qu'un tiers environ des couples traités en thérapie comportementale de couple «classique» n'en tirent pas de bénéfice :

L'explication la plus pragmatique de ces échecs est que les partenaires sont incapables de mettre en oeuvre les changements qui leur sont demandés.Quand ils en arrivent à consulter un thérapeute, ils sont enfermés dans des positions antagonistes, avec une attitude d'incrédulité ou de cynisme à propos de la capacité de l'autre à changer, aucun ne voulant prendre le risque d'un changement tant que l'autre ne fait pas le premier pas. Même les interventions les plus simples de l'approche traditionnelle exigent que le couple collabore. Vouloir étayer la thérapie sur la collaboration est une recette garantissant l'échec quand les positions dans le couple sont polarisées de manière rigide. De plus, l'apprentissage de nouvelles compétences n'aide pas le couple à éviter ou à désamorcer les disputes. (...) En même temps, les efforts du thérapeute en vue d'aider le couple à utiliser le renforcement positif pour favoriser le changement sont mis en échec parce que les habitudes qui se sont naturellement développées dans le cours de la relation ont affadi et affaibli les renforçateurs qui augmentaient dans le passé l'intimité et le plaisir. Les auteurs soulignent encore le caractère envahissant d'une problématique qui ne se laisse que difficilement ramener à des déficits spécifiques susceptibles d'être palliés par l'apprentissage de compétences précises : La résolution de problèmes appliquée ponctuellement à chaque manifestation est inefficace en raison du grand nombre de comportements différents servant la même fonction. Ils mentionnent aussi le fait que le thérapeute, mis en situation d'échec, va être tenté d'appuyer sa démarche sur des attitudes directives et des renforcements artificiels qui vont s'avérer contre-productifs lorsqu'on souhaite augmenter l'intimité. Ils concluent en disant que la dernière et la plus importante des raisons pour lesquelles les approches traditionnelles orientées sur le changement, utilisées seules, risquent de rester inefficaces, réside dans le fait que les différences qui entretiennent le conflit ne sont peut-être simplement pas accessibles à un changement. Ces limites sont en parties dues au choix du partenaire. Les facteurs qui conduisent au choix du partenaire ne sont pas forcément celles qui favorisent la longévité de la relation, et les différences qui ont au départ attiré les partenaires l'un vers l'autre ne vieillissent pas toujours bien. Les différences peuvent aussi s'exacerber en réaction à des changements à l'intérieur ou à l'extérieur de la relation. Il devient beaucoup moins facile de poursuivre ses propres intérêts après la naissance du premier enfant; manquer de confiance en ses propres capacités ne devient un problème que lorsque le partenaire a connu une promotion sociale; un conflit entre économiser et dépenser devient manifeste au moment où les revenus diminuent avec l'entrée en retraite.

Les auteurs proposent donc d'intégrer dans le travail thérapeutique des interventions d'acceptation émotionnelle (AE).

Le terme «acceptation émotionnelle» désigne un changement dans le contexte interpersonnel influençant la réponse émotionnelle du partenaire qui se plaint. Ce changement survient en plus – et parfois en lieu et place – d'un changement du comportement problématique de l'autre. Le thérapeute structure l'interaction du couple durant la thérapie de telle manière que chacun des partenaires cesse de lutter pour changer l'autre et en vienne à appréhender le comportement jusque-là aversif de l'autre d'une manière nouvelle permettant d'amorcer, à propos des problèmes et des différences, un dialogue favorisant l'intimité (...) Le principe directeur du travail d'acceptation émotionnelle est d'identifer dans les modalités d'interaction du couple, dans le contenu des désaccords, les contingences associées avec la souffrance, l'accusation et les reproches. Ensuite, plutôt que d'essayer d'enseigner de nouveaux comportements qui n'ont que peu de chances de s'établir dans des circonstances peu favorables (un exemple serait de vouloir enseigner des compétences de communication au milieu d'une dispute) les interventions d'AE visent à modifier les aspects marquants de la situation de manière à tirer le meilleur parti des capacités des partenaires à répondre à la souffrance de l'autre avec compassion. Les interventions d'AE créent un contexte qui va naturellement exploiter le répertoire positif existant chez chacun des partenaires pour augmenter l'intimité et diminuer la détresse (...) Les interventions d'AE s'appuient sur les réponses émotionnelles normales. Une intervention d'AE, la réunion empathique autour du problème, augmente l'acceptation émotionnelle parce qu'elle amplifie la tristesse et la déception qui encouragent une approche empathique et qu'elles entrent en compétition et interfèrent avec les reproches, la colère et le repli défensif. La plupart des gens ont une longue histoire de comportements d'approche, de réconfort, de commisération et de consolation devant la détresse d'une personne aimée. Ainsi, dans le contexte d'une dispute, des commentaires du thérapeute soulignant ou modifiant certains aspects de la situation en rendant plus manifestes les émotions susceptibles de modifier l'empathie augmentent la probabilité que ces aspects vont exercer un contrôle sur le comportement. Ils vont aussi conduire rapidement à la modification de la manière qu'a la personne d'appréhender et de répondre à ce qui la dérangeait puisque la signification s'en trouve radicalement modifiée, d'où un effet allant bien au-delà du vécu dans la séance de thérapie. Quand le thérapeute réussit à favoriser l'acceptation émotionnelle, il en résulte une réorganisation des comportements en faveur d'un répertoire potentiellement disponible qui va bloquer les comportements problématiques ou interférer avec eux.

Philippe Vuille

2.6. Terminologie

2.6. Terminologie

Le behaviorisme radical attache une grande importance à la définition opérationnelle des termes qu'il utilise. La TCR a pour ambition d'étendre au domaine du langage et de la cognition humaines le registre des termes ainsi définis d'une manière correspondant à une épistémologie scientifique rigoureuse.

La thérapie ACT a été développée à partir des principes mis en lumière par la TCR. Nous utilisons cependant aussi dans notre discours un certain nombre de concepts dont la définition opérationnelle n'est pas satisfaisante ou complète. Steve Hayes a parlé de «jargon de niveau moyen» pour décrire ce genre de termes, à propos desquels il a écrit le 23.9.06 sur le forum international ACT : Nous avons besoin de termes cliniques de niveau moyen comme défusion, valeurs, pistage etc. pour passer des opérants relationnels au monde des comportements humains complexes et des contextes sociaux dans lesquels ils prennent place.

Dans la première partie qui traite des bases théoriques, il n'est pas question des valeurs; par contre, les différents aspects de la notion de comportement gouverné par des règles (CGR) y sont exposés dans le détail. Dans l'introduction à la seconde partie du manuel ACT de 1999 (consacrée aux applications cliniques), on peut lire l'avertissement suivant : Le ton des six chapitres qui vont suivre est passablement différent des précédents. Le discours scientifique repose sur des descriptions précises et techniques. Il dépend de la signification littérale et de la cohérence du discours à ce niveau. Le discours thérapeutique est purement pragmatique; dès lors, toute façon de parler qui va permettre de mener avec succès le travail à faire sera pragmatiquement "vraie" même si elle peut être scientifiquement "fausse" ou s'il peut y avoir incompatibilité entre une période de temps et une autre.

Le lecteur voudra bien garder ces remarques à l'esprit en furetant dans notre glossaire, qui est par ailleurs à considérer comme en construction.

Philippe Vuille

3. Aspects pratiques

3. Aspects pratiques

Cette section est consacrée à la description des différents aspects du processus thérapeutique.

ACT emprunte des techniques à diverses orientations psychothérapeutiques. Ce n'est toutefois pas la topographie des techniques qui importe, mais leur fonction. Elles sont en effet toujours mises au service de l'affaiblissement du contexte de littéralité établi par la communauté verbale/culturelle afin de favoriser l'engagement du patient dans des activités allant dans le sens des valeurs les plus chères à son coeur.

Comme dans toute psychothérapie, la relation thérapeutique est une composante essentielle du processus curatif.

L'analyse fonctionnelle demeure un instrument privilégié du thérapeute et l'un des buts de la thérapie est d'apprendre au patient à l'utiliser lui-même en situation.

Le recours à la métaphore, au paradoxe et à des exercices expérientiels favorisent le travail de «délittéralisation».

La façon le plus simple de décrire le déroulement de la thérapie est linéaire, elle ne rend toutefois pas compte de manière adéquate du fait que nous abordons toute situation de manière pragmatique en orientant toujours notre démarche en fonction des buts que nous voulons atteindre et de la conception que nous avons de la psychopathologie. Ainsi, les diverses composantes de la thérapie – que l'on peut aussi décrire selon un modèle à 6 facettes – peuvent être intégrés dans les interventions du thérapeute à tous les stades de la thérapie. Pour la clarté de l'exposé et pour rendre la compréhension du modèle plus facile à ceux pour qui il n'est pas familier, nous reprendrons dans notre résumé la structure linéaire organisant la partie clinique du livre ACT de 1999.

Nous aborderons ainsi successivement :

La futilité de la lutte
Les stratégies de défusion
L'expérience de «soi comme contexte»
La notion de valeurs
Donner son accord et s'engager

Philippe Vuille

3.0.1 La rigidité psychologique

3.0.1 La rigidité psychologique

Un des objectifs d’ACT (« la thérapie de l’acceptation et de l’engagement ») est de diminuer l'emprise du langage et de la pensée sur les comportements de l’individu lorsque ceux-ci l’empêchent de se connecter à l’expérience du moment présent et/ou de considérer ce qui est utile dans l’expérience vécue pour aller dans le sens de ses valeurs personnelles. La rigidité psychologique — décrite ci-dessous par la fusion cognitive, l’évaluation, l’évitement d’expériences désagréables et la justification — illustre les limites du langage et de la pensée.

Inspiré du chapitre « The Act Model Of Psychopathology and Human Suffering » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson (1999).

Cristel Neveu

1. La fusion cognitive

1. La fusion cognitive

La fusion cognitive est la tendance d'une personne à considérer le contenu de ses pensées comme s’il était le reflet de la réalité. Elle se traduit par une adhésion au contenu littéral de ses pensées. La communauté en général présente souvent le contenu des pensées comme un modèle de régulation des comportements, ce qui peut mener à confondre la pensée pour la réalité. Les comportements d'une personne deviennent alors le produit de relations dérivées entre stimuli et règles verbales (voir la théorie des cadres relationnels) et sont moins fondés sur l’expérience directe et l’utilité.

Le suicide peut être un bel exemple de comportement fondé sur l’adhésion à des pensées autant négatives que positives. Les gens formulent des conséquences à leur propre mort (aboutissement de la souffrance, constatations par autrui du mal ressenti, présence d’un meilleur monde ailleurs, d’une assurance-vie pour la famille, promesse d’un paradis, etc.). Ce contenu verbal renferme des termes à connotations positives (le paradis relié à une myriade d’événements positifs, l’absence de souffrance, l’espoir d’un meilleur monde). La personne refuse le contact avec la souffrance en imaginant un état sans souffrance, dans lequel elle aurait des pensées positives, des émotions agréables, des sensations confortables, et de tout ce qu’il faudrait qu’elle soit dans l’univers du « rationnel, positif, agréable, confortable, etc.». L’adhésion à ces règles verbales à connotations positives agit en renforçant la fuite de la souffrance et le comportement suicidaire (voir cadre d’opposition et d’équivalence de la théorie des cadres relationnels).

Il est possible d’assouplir cette adhésion aux règles verbales. Par exemple, en se disant « je suis nulle », la tendance naturelle d’une personne est d’adhérer à cette pensée comme si elle était la réalité. Elle oublie qu’une pensée n’est qu’une pensée et que selon le contexte actuel (quantité et qualité du sommeil, alimentation, neurotransmetteurs dans son cerveau, les personnes rencontrées dans la journée, etc.) et le contexte historique (entendre plusieurs fois par jour qu’elle était nulle dans son enfance, humiliation à l’école, ou tout autre possibilités, etc.), elle va avoir un certain type de pensée plutôt qu’un autre. En d'autres termes, ce n’est pas forcément parce que cette pensée remonte à la surface de son cerveau plus facilement qu’une autre qu’elle est plus réelle. Il est facile d'oublier qu’une pensée n’est qu’une pensée, une production du cerveau. L’objectif d’ACT est d’affaiblir cette domination verbale sur les comportements. Au lieu de se laisser guider aveuglément par le contenu des pensées pour percevoir le monde, il est possible de devenir conscient qu'une pensée est un processus du cerveau et alors trier, à partir de l’expérience vécue, ce qui est utile en fonction des valeurs. Quand une personne mentionne le contenu d’une phrase, comme par exemple, « je suis nulle », on peut demander « À quoi cela vous sert-il de vous dire cela? En quoi est-ce utile? Où est-ce que ce contenu vous amène? » On ne s’intéresse pas à savoir si le contenu est vrai (car trop arbitraire), mais en quoi il est utile à la personne (voir la section « approche contextuelle fonctionnelle versus approche mécaniste »). Malheureusement, la plupart du temps, la fusion cognitive incite à éviter les expériences désagréables alors que celles-ci peuvent rapprocher des valeurs (voir section « évitement des expériences désagréables »). Des exemples de fusion cognitive sont l’attachement à des principes, à des attentes, à des évaluations de type « avoir raison/avoir tort », bon/mauvais, etc. Par exemple, une personne qui cherche à tout prix à avoir raison dans une discussion plutôt qu’à reconnaître le point de vue d’autrui procède par fusion cognitive.

Voici d’autres exemples de fusion cognitive:

Fusion avec « l’histoire de vie » ou avec des souvenirs traumatisants du passé: en pensant ou évoquant verbalement un traumatisme passé, les mêmes émotions présentes lors de l’événement traumatisant réapparaissent. La personne perd alors contact avec son environnement actuel.

Fusion avec des événements futurs envisagés: une pensée d’inquiétude par rapport au futur est perçue comme un reflet exact du futur à venir plutôt qu’une production du cerveau émergeant dans le moment présent.

Fusion avec un passé, présent, futur conceptualisé: la pensée « la vie ne vaut pas la peine d’être vécue » est perçue comme une conclusion réelle à propos de la vie et de ses qualités plutôt qu’un processus d’évaluation verbale produit par notre cerveau (l’adhésion au contenu de cette conclusion produira alors une perte de vitalité, de sens à la vie, et de plaisir de vivre, consolidant à son tour la fusion à cette conclusion et engendrant un effet de rétroaction positive).

Fusion avec les évaluations (voir section suivante).

Cristel Neveu

2. L'évaluation versus la description

2. L'évaluation versus la description

L'évaluation versus la description: Si on demande à une personne de décrire une chaise, elle peut dire par exemple « elle est grise, en métal, de forme carrée, etc. » Si cette personne sort de la pièce et qu'elle revient un peu plus tard, la description sera la même. Si une autre personne décrit cette chaise, il y a de bonnes chances d’obtenir des descriptions semblables. Si on lui demande «est-ce une bonne ou une mauvaise chaise?», et si elle n'a pas de problème de dos, elle pourrait dire « oui, elle est confortable ». Si au contraire, elle a des problèmes de dos ou elle a mal dormi, elle pourrait répondre « je la trouve inconfortable ». Selon la personne qui va s’asseoir sur la chaise et l’histoire de ses expériences avec les chaises (habitude de s’asseoir sur des chaises ergonomiques ou pas, etc.), l’évaluation sera différente et donc, arbitraire.

La souffrance peut résulter de l'évaluation que la douleur est inacceptable. Par exemple, l’évaluation peut prendre la forme d'une lutte ou d'une non-acceptation de "ce qui est" par des jugements sur soi ou les autres, des accusations, etc. En fait, l’évaluation, quand elle n’est pas utile peut être une manière de fuir le contact direct avec les expériences de la vie, une forme d’évitement de vivre l’expérience vécue telle qu’elle se présente (aussi désagréable soit-elle). Il arrive d'observer ce phénomène lorsqu'une personne exprime à une autre un sentiment désagréable. La personne qui reçoit la plainte peut alors chercher à s'en défendre en rejetant le blâme sur l'autre ou se culpabiliser elle-même de n'être jamais adéquate, etc. Ce type d'évaluation empêche la résolution du conflit puisque la personne est plus occupée à évaluer la situation qu'à la régler ou à entendre le sentiment de l'autre.

Il existe différentes formes d’évaluation, dont les suivantes (inspiré du livre « Act On Life Not On Anger » de Eifert, Mckay, Forsyth) :

Le jugement (approprié/pas approprié, bon/mauvais, adéquat/inadéquat, normal/pas normal, etc.) : le cerveau cherche à mettre les gens ou soi-même dans des catégories prédéterminées par une norme (une étiquette), comme si c’était une vérité objective;

Les accusations: le cerveau a de la difficulté à composer avec la souffrance, donc il cherche à blâmer quelqu’un ou soi-même comme responsable de cette souffrance;

Prêter des intentions aux autres : le cerveau a de la difficulté à tolérer l’ambiguïté. Il cherche avidement à donner un sens aux comportements d’autrui et c’est ainsi qu’il attribue des intentions aux autres. Cela devient un problème lorsque ces conclusions sont prises pour des certitudes à propos de l’autre personne et qu'elles en dirigent les actions.

Cristel Neveu

3. L'évitement des expériences désagréables

3. L'évitement des expériences désagréables

Voici un exemple clinique d'évitement d'expérience désagréable: Une personne se présente avec un vide existentiel dans sa vie. Elle habite près de sa mère dans un appartement et elle n’a jamais eu de relation amoureuse, d’enfant ou de travail. Elle mentionne avoir refusé récemment une invitation pour une activité de fin de semaine. Elle ajoute qu’elle se serait sentie trop coupable d’abandonner ainsi sa mère. Sa mère n'a pas d'incapacité ou de limitation particulière.

Une question se présente alors : « Est-ce cette personne va attendre de ne pas se sentir coupable pour commencer à vivre sa vie? » De façon plus générale, est-ce qu'une personne doit attendre de n'être plus anxieuse, agressive, triste, coupable pour faire ce qu'elle souhaite faire de sa vie? il est possible que le problème ne soit pas tant l’angoisse, la culpabilité, la tristesse ou la colère, mais plutôt la réponse de cette personne à la présence de ses émotions (pensées, sensations, images, souvenirs, etc.) désagréables…

Il arrive que des gens restent coincés à l’intérieur d’un patron relationnel pour se protéger de ne pas ressentir des émotions désagréables. Par exemple, pour ne pas ressentir l’intensité de la culpabilité résultant de ne pas être disponible pour sa mère, la personne ci-dessus mentionnée semble prête à sacrifier tous ses projets de vie. Il est cependant possible d’apprendre à apprivoiser ces émotions désagréables progressivement en commençant par un contact à petite dose avec l’émotion désagréable. Au lieu de partir une fin de semaine au complet, cette personne peut se permettre de faire une activité personnelle une fois dans la semaine. Par exemple, elle peut décider d’inviter au cinéma une connaissance qu’elle rencontre régulièrement au parc. Si sa mère l’appelle 15 minutes avant la représentation du film pour lui demander un service (aller chercher du lait au magasin), elle peut lui exprimer poliment qu’elle aimerait bien répondre à sa demande, mais malheureusement, elle a un rendez-vous prévu et elle ne peut lui rendre ce service. Il est possible que la mère réagissent mal, malgré la manière respectueuse du refus de sa fille, peut-être parce qu'elle n’est pas habituée à la voir s’affirmer. Elle peut par exemple lui répondre en la blâmant ou encore, en lui raccrochant au nez. Le réflexe naturelle de la fille pourrait être de rappeler sa mère, de s’excuser et de lui dire « je vais répondre à ta demande, on ne va pas se disputer pour cela » afin d’éviter de ressentir la culpabilité. Dans ce cas, le risque est d'être prise de nouveau dans la spirale habituelle selon laquelle elle choisit le confort à court terme pour éviter les émotions désagréables accompagnant son évolution vers une plus grande autonomie.

Arrivé à la frontière de l’inconfort, là où une impasse commence, la tendance d'une personne peut être de se dire « oh non, non, je ne veux pas me sentir coupable, anxieux, rejeté, triste » et la spirale du confort à court terme l'emporte, même si à long terme, sa vie n’est pas ce qu'elle souhaite. Il est possible que pour avancer, il faille justement accepter d’apprendre à porter les inconforts, aussi intenses soient-ils, plutôt qu’à les éviter, les supprimer ou les fuir. Autrement, il est possible que ce ne soit plus la personne elle-même qui mène sa vie, mais la lutte contre l’inconfort et donc, l’inconfort lui-même. En passant ce temps à contrôler ses états intérieurs, cette personne est peut-être en train de perdre le contrôle de sa vie.

L’évitement des expériences désagréables est donc cet acharnement à fuir, éviter ou supprimer les occasions d’éprouver la présence de réactions intérieures désagréables (i.e., pensées dérangeantes, émotions, souvenirs, sensations physiques, etc.) lorsque celles-ci accompagnent les étapes nécessaires à l’accomplissement des choix de vie. Il existe plusieurs formes d’évitement. La suppression consiste à contrôler ou éliminer les états intérieurs désagréables (par exemple, l’utilisation d’alcool, de drogue pour réduire l’inconfort) et l’évitement des situations consiste à restreindre le répertoire des comportements pour éviter l’inconfort (l’isolement d’une personne, refus de faire des activités). En général, l’évitement a le désavantage de renforcer la répétition du malaise par un effet de boucle d’amplification. Des recherches ont démontré que ceux qui utilisent la suppression comme stratégie d’adaptation ont un plus haut niveau de symptômes dépressifs ou obsessionnels. Sur un ensemble de 1100 études quantitatives, une recherche a conclu qu’être en contact et ouvert aux émotions était corrélé à un meilleur résultat thérapeutique (Orlinski et Howard).

L’évitement expérientiel est un exemple de comportement gouverné par les règles verbales. Un tel comportement peut avoir un effet soulageant à court terme, mais c’est un éternel recommencement. Il est probable que s’il était si facile de se débarrasser des inconforts, tout le monde serait heureux! Souvent, quand une personne se dit « débarrasse toi de la pensée X », les mots inclus dans cette règle sont en relation bidirectionnelle (voir théorie des cadres relationnels). La règle crée elle-même la pensée X, juste par le fait de la nommer. En essayant d’éliminer certaines pensées et émotions, cette personne augmente leur emprise à déterminer ses comportements. Par exemple, l’anxiété n’est pas juste un état d’inconfort physique, car une évaluation hautement désagréable s’y ajoute. À cause de la bidirectionnalité du langage, le cerveau crée l’illusion que « mauvais » est une qualité intrinsèque à l’émotion. La tendance est de dire « c’est une mauvaise émotion » et non de constater qu’il s’agit d’une émotion à laquelle on attribue l’évaluation « mauvaise ».

Nous pourrions donc poser la question : serait-ce davantage le refus de vivre l’expérience avec tout ce qu’elle contient (par l’application de processus d’évitement et de fusion cognitive), c’est-à-dire l'attitude ou la relation d'une personne face à ses états intérieurs désagréables, qui serait responsable des symptômes psychologiques (dépression, anxiété, alcoolisme, etc) plutôt que la présence en soi d’états intérieurs ou d’événements extérieurs désagréables?

Cristel Neveu

4. La justification

4. La justification

LA JUSTIFICATION :

On pourrait se demander "pourquoi la personne ci-dessus mentionnée (voir la section "l'évitement des expériences désagréables") se sentait-elle coupable?" (Merci au cerveau de chercher la vraie réponse parmi les infinités de réponses possibles). Le cerveau a la capacité de tisser divers liens et de nombreuses possibilités du pourquoi, du comment, de tous les programmes enregistrés lors de ses interactions avec les environnements utérin, familial, scolaire, social, culturel, etc. L'esprit aime souvent entretenir la conviction qu’il va trouver LA CAUSE du problème par l’exploration, l’analyse rationnelle et il peut facilement oublier qu’il n'a pas forcément accès à tout le matériel dont il a besoin pour comprendre. Exposés à des millions d’informations à chaque instant, il est possible que l'être humain soit limité dans sa capacité à rassembler l’ensemble des influences pouvant expliquer un comportement. De plus, même si une raison est vraie, elle ne peut constituer qu’une partie infime de la vérité. En connaissant tous les faits de l’histoire de vie d’une personne, il y a énormément de liens possibles entre eux. Si on s’en tenait à cela, on pourrait célébrer la créativité du cerveau! Malheureusement, il arrive souvent que cette habileté fournisse des excuses et des raisons afin de ne pas respecter ce qui est valorisé par la personne. En effet, il peut être facile de s’en tenir à toutes ces raisons plutôt qu’au fait que la personne ne va pas dans la direction de ses choix de vie.

L’alternative proposée à la rigidité psychologique peut être résumée par la question fondamentale de l’ACT: Cette personne est-elle prête à accueillir tout le contenu intérieur qui l'habite et la traverse, complètement et sans s'en défendre, pour ce qu’il est (un processus interne) et non pour ce qu’il lui raconte, ET à faire ce qu’il est utile et nécessaire de faire dans sa vie, au moment présent et dans la situation, pour aller dans le sens de ses valeurs?

L’objectif d’ACT n’est pas de « se sentir mieux », mais de « mieux sentir » en transformant la relation qu'entretient la personne à son contenu intérieur. La manière d’exprimer un malaise psychologique est souvent comme suit : « Si je n’étais pas si anxieux, déprimé, dépendant, etc., je pourrais avoir une promotion, être en relation, etc. ». Il est prétendu qu’après avoir enlevé l’inconfort (les mauvaises émotions, pensées, sensations etc.), les engagements pourront se maintenir. Cela ne semble pas fonctionner parce qu'il est difficile de contrôler l’émergence ou l’apparition des états intérieurs. Ils sont souvent déjà présents en soi lorsqu'une personne prend conscience de leur existence. De plus, le fait d’aller dans la direction de ses choix de vie va mener à toutes sortes de réactions intérieures automatiques (angoisse, insomnie, désirs, déceptions, blessures, etc.). Le fait d'éviter ces réactions intérieures désagréables, risque d’éviter l’évolution et le changement. Bien qu’il soit difficile de contrôler l’apparition du contenu intérieur, il est possible pour la personne de choisir ce qu’elle va « faire avec ce contenu » ensuite. Si ce contenu est utile en fonction de ses valeurs, elle peut alors choisir de lui obéir. On pourrait dire que c’est ce qu’une personne choisit de faire avec son contenu intérieur qui détermine le SOI plutôt que son obéissance à ce contenu intérieur (une identité souvent arbitraire non choisie).

Cristel Neveu

3.0.2 Les six étapes de la thérapie

3.0.2 Les six étapes de la thérapie
Les étapes de la thérapie mentionnées ci-dessous ne suivent pas un ordre précis. Il peut être nécessaire d’approfondir une étape chez une personne, et non chez l’autre. Ces étapes fournissent les repères nécessaires à l’analyse fonctionnelle de la problématique d’une personne. Le thérapeute les utilise selon les besoins de la personne.
Cristel Neveu

1. Le désespoir créateur

1. Le désespoir créateur

Parfois une personne peut avoir l’impression d’avoir tout essayé dans la vie pour se sentir mieux et que ce sentiment "d'être mieux" ne dure qu’à court terme. Souvent, après avoir dépensé beaucoup d’effort pour changer l’inconfort (en l’évitant, en se raisonnant, en parlant à des amis), la personne peut se dire alors qu’elle n'y arrive pas (parce que le malaise revient toujours) et qu'elle a besoin d'avoir plus de confiance, d’estime d’elle-même, de motivation ou qu’elle est trop anxieuse, déprimée ou qu’elle n’a pas encore trouvé la bonne manière de régler son problème (malgré toutes les méthodes employées). Habituellement, dans les autres domaines de la vie, quand une personne met autant d’effort, elle obtient souvent des résultats. Et pourtant, dans ce cas, la personne persiste à éliminer l’inconfort à tout prix pour répondre à son exigence de se sentir mieux. Mais, qu’est-ce que cette expérience lui révèle? Et si c’était cet entêtement lui-même, le responsable de cette fausse piste?

Le désespoir créateur est cette reconnaissance qu’il est possible de se retrouver dans un cul-de-sac à répéter de différentes façons les mêmes processus mis en place par le cerveau (la fusion cognitive combinée à l’évitement des états internes désagréables). Est-il plus avantageux de considérer toutes les raisons que le cerveau lui raconte ou de s'en tenir à ce que son expérience vécue lui démontre? La première étape du traitement consiste donc à observer les coûts et bénéfices de cet entêtement contre ses états intérieurs désagréables dans le cheminement de ses choix de vie. Pour cette raison, la formule paradoxale de «désespoir créateur» est employée.

Inspiré du chapitre « Creative Hopelessness » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson (1999)

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2. L'acceptation versus le contrôle

2. L'acceptation versus le contrôle

La personne examine ses sensations, ses émotions, ses pensées en scrutant ou contrôlant son environnement intérieur et extérieur pour qu’il corresponde à la « bonne façon d’être ou de faire ».

Les stratégies de contrôle des états intérieurs sont valorisées pour plusieurs raisons :

1) Le contrôle fonctionne quand il s’agit de gérer des choses extérieures à soi-même. Il est possible de sortir de l'environnement extérieur un objet qui dérange. Il est tentant de croire qu'il est possible d'agir de la même manière avec les états intérieurs.
2) Il est souvent demandé aux enfants de contrôler leurs pensées et leurs émotions (ex : une mère qui demande à son fils d’arrêter de pleurer lui dit indirectement qu’elle souhaite qu’il la soulage de son propre malaise de le voir triste. Elle demande à son fils de faire ce qu’elle n’arrive pas à faire elle-même.)
3) En tant qu'enfant, il y a souvent des messages implicites qu’un adulte n’a pas peur et ne pleure pas. L’enfant intériorise qu’il devrait être capable de contrôler ces réactions intérieures parce que les autres le font. Cela ne veut pas forcément dire que les gens apprennent vraiment à contrôler leurs états, mais plutôt à les taire devant les autres. Plus tard, l’enfant peut réaliser la manière déguisée dont les adultes gèrent leurs émotions en prenant de l’alcool, des tranquillisants, en blâmant les autres, etc.
4) Les médias et la société renvoient souvent l’image que le bonheur se résume à une absence d’émotions difficiles.
5) Il arrive que le contrôle des états intérieurs (distraction, absorption dans une tâche, etc.) fonctionne à court terme. Par exemple, une personne peut avoir des pensées qu’elle est sans valeur et devenir un bourreau de travail. Cela n’enlève en rien la pensée qu’elle se sent défectueuse au fond d’elle-même. Le syndrome de l’imposteur en est un bel exemple. Lorsqu’elle est applaudie, la personne a toujours l’impression que les autres la trompe derrière les apparences.

S’il était possible de contrôler ses états intérieurs (à long terme!), il est fort probable que peu de personne serait malheureuse sur terre. Il semble pourtant difficile de remettre en question la stratégie du contrôle, malgré les piètres résultats observés dans les faits et ses conséquences néfastes. Les états intérieurs sont souvent déjà présents en soi lorsque l'individu prend conscience de leur existence. Personne ne demande la présence de pensées désagréables, elles arrivent automatiquement. De plus, le fait de s’impliquer dans la direction de ses choix de vie augmente l'exposition à des réactions internes désagréables (angoisse, insomnie, attentes, déceptions, blessures, etc.). En cherchant à contrôler l’incontrôlable, l'individu cherche souvent alors à manipuler l’environnement (en s’isolant, en fuyant l’intimité relationnelle, en se donnant une pseudo forte estime de soi, etc.). Le contrôle devient alors une protection contre ce à quoi « être vivant » expose. De plus, il peut devenir épuisant de toujours surveiller cet intérieur pour s’assurer qu’un monstre ne sortira pas des rideaux. La thérapie de l’acceptation et de l’engagement rappelle qu’il y a autant de vie dans un moment de douleur que dans un moment de bonheur.

L’alternative au contrôle est l’acceptation. La métaphore du poste de radio permet d’illustrer cette alternative. Imaginez l’existence de deux boutons de contrôle (comme ceux du « volume » et de la « balance ») sur une stéréo. Disons que le bouton du volume représente le degré « d’anxiété » (ou tout autre état intérieur désagréable: colère, culpabilité, pensées dérangeantes, etc.). Ce bouton est gradué de 1 à 10. Le discours intérieur d'une personne ressemble souvent à « l’anxiété est trop élevée. Elle est au maximum de 10 et je veux la baisser à 0. Je souhaite y arriver. » Toute son attention est placée sur ce bouton d’anxiété. Il est cependant possible d'envisager la possibilité de l’existence d’un autre bouton (« la balance »).

Ce bouton est peut-être le seul sur lequel il est possible d'agir, celui du « degré d’acceptation ou d’accueil » (le bouton de «la balance»)? Ce bouton renvoie à la capacité d’ouverture à l’expérience sans chercher à la manipuler, l’éviter, la fuir, la changer ou la modifier. Quand l’anxiété (l’inconfort, dépression, souvenirs déplaisants, pensées obsessives, etc.) est au niveau 10, et qu’une personne cherche de toutes ses forces à la contrôler, à la baisser, à l’enlever, alors elle lutte contre l’anxiété. Le degré d’acceptation est alors à 0. Prenons une autre image, une clef à cliquet sert à resserrer un boulon : une fois la clef enclenchée (qu’importe la direction du mouvement), elle ne fait que resserrer le boulon davantage. De façon similaire, quand le bouton de l’anxiété est élevé et celui de l’acceptation faible, la clef est enclenchée de sorte que l’anxiété ne peut baisser. En effet, si la personne lutte pour ne pas se sentir anxieuse, alors l’anxiété elle-même devient une préoccupation de plus. Elle aurait beau actionner la clef dans tous les sens, elle continuerait à serrer le boulon dans le même sens. Pour cette raison, l’objectif de la thérapie est d’utiliser davantage le bouton de l’acceptation. La personne a beau chercher à contrôler l’anxiété, cela ne donne souvent pas grand chose. Ce n’est pas qu’elle manque d’intelligence ---quoiqu’en dise son cerveau, mais son expérience lui démontre que ça ne fonctionne pas. Si elle augmente le bouton de l’acceptation, le niveau du bouton d’anxiété s’ajustera librement. Parfois il sera bas, d’autres fois, élevé, mais dans les deux cas, il n’y aura plus de lutte inutile menant toujours dans la même direction. L’acceptation est une position active d’accueil et d’ouverture à l’expérience vécue et elle n’a rien à voir avec la passivité de la résignation. Le travail thérapeutique consistera à s’exposer progressivement à des états intérieurs désagréables et à changer cette attitude face à l’inconfort à l’aide d’exercices expérientiels et de métaphores.

Adapté du chapitre « Control Is The Problem, Not The Solution » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson (1999)

Cristel Neveu

3. La défusion cognitive

3. La défusion cognitive

L'être humain a tendance à nager dans ses pensées comme les poissons nagent dans l’eau, inconscients de l’existence de l’eau qui les environnent. Il est facile d'être absorbé par ses pensées au point de ne pas se rendre compte qu’une pensée n’est qu’une pensée, une production du cerveau. Qu’arriverait-il si les poissons devenaient conscients de l’eau?

Au lieu de plonger dans le contenu de ses pensées, il est possible de les envisager comme des pensées qui traversent le cerveau, ni plus ni moins. C’est ainsi, qu’en thérapie, le thérapeute distingue le cerveau de la personne. La personne a des pensées, mais elle n'est pas sa pensée. Il arrive de répéter à toute vitesse une phrase pour faire perdre le pouvoir ou l'emprise d'une pensée sur la personne. La défusion cognitive est une forme particulière d’exposition aux stimuli verbaux de manière à percevoir une pensée pour ce qu’elle est, plutôt que pour ce qu’elle raconte, à percevoir les conceptions de soi-même et des autres comme des conceptions, les évaluations des autres et de soi-même comme des évaluations, etc, et par le fait même, à ne plus considérer le contenu de ces cognitions « si sérieusement » ou comme dangereux, destructif, hostile ou mauvais.

Mais si l'individu n'est pas ses pensées, alors « Qui est-il? » (voir prochaine section du soi contexte)

Adapté du chapitre « The Trouble With Thoughts » dans "Get Out Of Your Mind And Into Your Life" de Steven C Hayes (2005)

Cristel Neveu

4. Le soi contexte versus le soi concept

4. Le soi contexte versus le soi concept

Il est possible d’établir une distinction entre différentes composantes du SOI.

Le soi concept est le résultat d’un soi construit sur des concepts, des catégorisations verbales de soi-même (caractéristiques, qualités, défauts: besogneux, généreux, etc.), des évaluations de soi-même (estime de soi, degré de confiance en soi), et d’une identification au résumé de l'histoire de vie de l'individu. Par exemple, le fait d'avoir vécu un traumatisme (fait historique) devient une relation de cause à effet “Ce traumatisme m’amène à ne pas me sentir en sécurité dans ce monde” et sert d’explication au comportement actuel “Donc, parce que je ne fais confiance à personne, je m’isole et je ne peux pas vivre ma vie.”

Le soi descriptif est aussi fondé sur des catégories verbales, mais il est de nature descriptive de l’état de la personne dans le moment présent, sans caractère évaluatif. Par exemple : « présentement, je me sens comme ça , je pense ça, je vois ça etc. ». « L’alexithymie » est un terme clinique et un exemple de soi descriptif déficient pour désigner les gens qui ont de la difficulté à identifier et nommer leurs émotions présentes.

Le soi contexte n’est pas fondé sur des catégories verbales ou sur le contenu des pensées, des émotions, des sensations, des souvenirs, ou tout autre réaction intérieure transitoire qui traversent l'individu. Semblable au ciel toujours présent derrière la météo quotidienne, passagère et variée (tempête, soleil, pluie, verglas), le soi contexte est traversé par des émotions, des pensées, des sensations et tous les états intérieurs présents à un moment précis de la journée (la météo intérieure). En d’autres termes, le soi contexte est un espace accueillant ces états intérieurs temporaires, un fond continu et permanent. Il existe alors une distinction entre ce qui habite l'individu au quotidien de passager, transitoire et dépendant de toutes sortes de facteurs intérieurs et extérieurs (hormones, grippe, SPM, personnes rencontrées dans la journée, événements stressants etc..) et ce soi contexte toujours présent, stable malgré tous les événements et épisodes traversés dans le courant de la vie. Qu’importe le vécu d'une personne, il y a toujours à l’intérieur d'elle-même, ce fond indépendant des facteurs intérieurs ou extérieurs. Bien que l'individu a souvent tendance à plonger dans le contenu de sa météo intérieure et à croire que cette météo constitue son identité, le soi contexte se trouve plus profondément, immuable. Par exemple, certaines pensées à une certaine époque de la vie peuvent être différentes présentement. Il serait donc fragile de fonder son identité sur des bases aussi fluctuantes. Sans cette habileté à se connecter au soi contexte, les états intérieurs d’une personne peuvent facilement être extrêmement menaçants. Pour cette raison, la reconnaissance de ce soi contexte est essentielle dans la thérapie de l’acceptation et de l’engagement. Divers exercices expérientiels permettront à la personne de saisir cette dimension d’elle-même.

Éléments de réflexion : Il pourrait être utile de faire une distinction entre l’estime de soi et l’acceptation de soi. Il arrive souvent que des gens, affichant une grande estime d’eux-mêmes par leur reconnaissance sociale, leur réussite financière, leur apparence physique, leur assurance, se retrouvent complètement démolis suite à une faillite, une réputation détruite, un accident grave, etc. Parfois, une apparence plutôt trompeuse par la mise en place de mécanisme de compensation cache de profonds sentiments de défectuosité (alimentés par la dualité du soi concept : faible estime compensée par l’apparence d’une forte estime de soi). Il devient alors dangereux de fonder une estime de soi sur des variables aussi fragiles, pouvant disparaître du jour au lendemain. De plus, cette quête d’une pseudo estime de soi comme preuve à soi et aux autres d’être capable n’est pas forcément rassasiante à long terme. C’est un éternel recommencement! La personne se projette constamment dans le futur en quête de la prochaine preuve à faire et le moment présent lui glisse entre les doigts. L’acceptation de soi repose davantage sur l’accueil de toutes les composantes de la personne à partir du soi contexte. Il ne s’agit plus de rester dans les polarités ou dualités du soi concept (faible/fort; pauvre/riche, déficient/intelligent, etc.) et de chercher à se prouver que la personne appartient à un pôle plutôt qu’à l’autre. Ce qui détermine la direction de sa vie n’est plus cette quête d’estime de soi, mais plutôt cette fidélité à soi-même fondée sur des valeurs qui donnent du sens à la vie dans le moment présent. Il ne s’agit pas de réparer une identité perçue comme défectueuse (soi concept), mais de réorienter cette identité fondée sur des concepts (avec toutes ses réactions internes, incluant le sentiment de défectuosité) vers ce qui tient le plus à cœur (les valeurs).

Inspiré du chapitre « If I'm Not My Thoughts,Then who Am I? » dans "Get Out Of Your Mind And Into Your Life" de Steven C Hayes (2005)

Cristel Neveu

5. Les valeurs

5. Les valeurs

La façon la plus simple d’illustrer les valeurs est de demander à la personne « quelle personne aimeriez-vous incarner au quotidien dans les différentes sphères importantes de votre vie (familiale, conjugale, parentale, amicale, professionnelle, environnementale, etc.) ?». Il existe plusieurs questionnaires pour clarifier les valeurs d'une personne (traduit en français dans la section « matériel clinique de ce site »), utile pour cette étape de la thérapie. Une valeur est une direction et non un objectif à atteindre. Avoir une vie satisfaisante est souvent associée à l’atteinte d’objectifs personnels. Cette manière de concevoir peut amener un état de privation dans lequel l'individu est souvent en quête de quelque chose dans le futur qu'il n'a pas en ce moment pour être heureux. Ce faisant, son attention est sur la prochaine chose à atteindre et il devient facile d'être absent du présent. L’objet voulu est ailleurs dans le temps et l’espace. De plus, une fois l’objectif atteint, il peut en trouver un autre à atteindre pour répondre à un autre manque, et ainsi de suite. Une valeur n’est donc pas un objet à atteindre (objectif), mais un « principe directif » sous-jacent aux actions quotidiennes. Une valeur perdure dans le temps et ne peut jamais être atteinte. Il s’agit d’un processus : qu’est-ce que la personne sème dans son quotidien pour porter cette valeur ? Quel sens se trouve derrière ses gestes quotidiens? Une valeur peut inclure des objectifs, mais elle n’est pas l’objectif. En d’autres termes, s’il est important pour une personne d’être un partenaire amoureux, qu’est-ce que cette personne fait au quotidien pour démontrer l’importance de cet amour dans son couple ? Elle peut démontrer son amour par le biais d’objectifs (réserver du temps pour le couple, se marier, faire régulièrement des surprises à son partenaire, etc.), mais la valeur est ce qui motive ces objectifs. Un autre exemple de valeur peut être «d’être un parent présent pour ses enfants». Qu’est-ce que cette personne fait au quotidien pour semer dans cette direction ? Dans la thérapie de l’acceptation et de l’engagement, les obstacles relevant de la peur de l’engagement ou du rejet ne sont pas des raisons justifiant l’abandon des valeurs d’une personne. D’ailleurs, les valeurs révèlent les points de fragilité d’une personne. Une personne craignant l’intimité révèle souvent à quel point l’intimité est importante pour elle. Le travail thérapeutique consistera à apprivoiser, accepter et porter ces peurs en les considérant à partir du soi contexte, tout en poursuivant dans la direction de ce qui lui tient à cœur, l’objectif thérapeutique étant d’être plus vivant même si c’est plus souffrant. Il ne suffit pas d’attendre que la souffrance disparaisse pour passer à l’action. En cherchant à contrôler sa souffrance, la personne prend le risque de perdre le contrôle de sa vie.

De plus, les valeurs sont personnelles à chacun et ne sont pas fondées sur des conventions sociales. La compassion pour autrui peut être un acte découlant du besoin d’être vénéré, aimé ou d’obtenir une certaine reconnaissance sociale, ce qui n’a rien à voir avec la compassion découlant d’une fidélité à soi, comme choix d’une valeur de vie. Il est aussi important de ne pas confondre un plan de vie fondé sur les valeurs sociales contemporaines (par exemple, avoir un travail rémunérateur, se marier et être en famille, être un pourvoyeur financier, etc.) avec ses valeurs personnelles. En effet, le danger est de continuer un travail même s'il est insatisfaisant parce qu'il faut être pourvoyeur, de rester dans une relation abusive parce que le divorce serait mal vu par l'entourage. Par ailleurs, les valeurs sont des choix de vie qui ne sont pas fondés sur des raisons ou des évaluations pour/contre dérivées de la logique. Si elles étaient fondées sur des raisons, il serait alors difficile de maintenir ses engagements, car les raisons initiales peuvent changer au cours du temps. Si par exemple, un homme épouse sa conjointe parce qu’elle est belle, reconnue socialement, etc., le jour où elle aura des enfants et qu’elle restera à la maison non exposée aux regards des autres (ou encore, si elle perd ses attributs physiques suite à un accident d’auto), le conjoint s’en désintéressa et ira voir ailleurs. De la même manière, les valeurs ne sont pas fondées sur des émotions. Les émotions sont aussi très instables. Si une personne décide d’en épouser une autre parce qu’elle est passionnément amoureuse d’elle, lorsque des émotions différentes apparaîtront (éloignement suite à un conflit, distance, etc.), elle remettra la relation en question et se dirigera vers une autre personne. Les valeurs ne sont donc pas fondées sur des états temporaires (pensées, émotions, conventions, etc.) qui traversent l'individu.

Adapté du chapitre « Valuing » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson

Cristel Neveu

6. L'engagement à l'action

6. L'engagement à l'action

Après avoir bien défini ses valeurs de vie, la personne arrive au point de se poser une question fondamentale « Est-elle prête à s’engager dans la direction de ce qui lui tient à cœur avec tout ce que cela comporte ? » Le choix d’avoir des enfants (on parle bien ici d’un choix) est un bel exemple pour comprendre l’engagement. S’engager à avoir des enfants, c’est s’engager à en prendre soin quoiqu’il arrive dans la vie. Est-il possible de s'engager dans la direction de ses valeurs de la même manière? Il ne s’agit pas d’essayer. Une personne n’essaie pas d’avoir des enfants, elle les a. De la même façon, est-elle prête à faire le saut de s’engager dans la direction d’une valeur avec tout ce que cela comporte de connu et d’inconnu, de facteurs intérieurs à sa personne et de situations extérieures ? Est-elle prête à dire « oui » à la vie avec tout ce qui va se présenter sur le chemin de cette valeur ? S’engager, ne veut pas dire garantir qu’elle ne va jamais s’écarter du chemin de ses valeurs. En effet, une valeur n’est pas l’atteinte d’un résultat. Il est donc toujours possible de reprendre le chemin en tout temps. Dès que la personne réalise qu’elle s’est éloignée de lui, elle peut faire le choix d'y retourner. Lorsque quelqu'un sème des graines dans son jardin, elle n’a pas la garantie qu’elles vont pousser. Toutefois, elle peut continuer l’acte de semer dans cette direction, qu’importe le résultat. L’important est d’entretenir cette démarche, qu’importe la grandeur des pas effectués en direction de ses valeurs. Cette dernière étape du traitement vise à préciser les actions concordantes aux valeurs de la personne, à aborder les obstacles à franchir et à formuler son engagement dans cette direction.

Inspiré du chapitre « Willingness and Commitment » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson

Cristel Neveu

Conclusion

Conclusion

Bien qu'il peut être tentant pour un individu de dépenser beaucoup d’énergie à contrôler (enlever ou diminuer) l’émergence de ses réactions intérieures désagréables, son expérience vécue peut lui révéler la futilité de ces efforts. Ces réactions arrivent souvent comme des réflexes déclenchés par toutes sortes de facteurs contextuels. Si cette personne obéit automatiquement à ces réactions intérieures (émotions, pensées, sensations), elle risque de faire des gestes qu'elle n’a pas réellement choisis, mais dictés par sa programmation arbitraire (histoire personnelle, influences sociales et culturelles, etc.) plutôt que par ses valeurs de vie (ce qui lui tient réellement à cœur). Il est probable que les actions d'une personne restent la seule chose dont elle ait réellement le contrôle dans sa vie, de sorte qu'elle puisse tout de même choisir la manière dont elle va répondre à la présence de ses réactions intérieures. Une des interventions de la thérapie d’ACT contribuant à choisir sa vie plutôt qu’à la subir est de prendre conscience de l’existence d’un observateur intérieur (soi contexte) qui accueille ses états passagers, même ceux dont le contenu est désagréable sans les juger ou les évaluer, les fuir ou les combattre. Il s’agit alors de les reconnaître pour ce qu’ils sont : des processus intérieurs qui la traversent, une sorte de météo intérieure déclenchée par des situations quotidiennes et passées. Après avoir bien déposé ses réactions intérieures en observant ce qui la traverse, la personne peut ensuite choisir d’obéir à leur contenu, si ce contenu est utile dans le sens de ses valeurs (la fonction du contenu est plus importante que sa vérité). L’acceptation, l’observation, la connaissance de ses valeurs et l'engagement à celles-ci sont les meilleurs alliés pour faire ce tri intérieur en laissant ses états intérieurs temporaires (arbitraires et non choisis) avoir moins d’emprise sur ses comportements et ses actions. Le film "Un homme d'exception" traduit de l'anglais "A Beautiful Mind" est un bel exemple illustrant les différents processus de la thérapie. D'après une histoire vraie, ce film relate la vie du mathématicien John Nash, ayant obtenu le prix nobel en 1994. Pour ne pas renoncer à la créativité de son cerveau, il doit accepter l'existence du contenu plus destructif de ce même cerveau, sans obéir à ses directives. Bien que ce contenu destructif soit clairement évident dans ce film, il est ainsi possible que le cerveau abrite d'autres contenus destructifs moins apparents (à ne pas confondre avec soi-même!), affectant les rapports aux autres, à la vie et à soi-même.

Pour conclure, le cerveau possède des ressources extrêmement précieuses pour l'individu. Il l'a aidé à survivre en tant qu'espèce humaine devant les créatures robustes par ses capacités à comparer, planifier, évaluer, à se projeter dans le futur, etc. Toutefois, en lui obéissant comme s'il était le maître de soi-même, il est probable qu'il ait autant le pouvoir de détruire l'individu. Il peut devenir dangereux d'être à son service plutôt que l'inverse. Le cerveau est un bel outil, il s'agit d'apprendre à bien s'en servir et à se rappeler qu'il n'est pas le capitaine, sans le consentement de la personne, du navire de sa propre vie.

Cristel Neveu

3.1. L'analyse fonctionnelle

3.1. L'analyse fonctionnelle

Cette page constitue la traduction de la page Functional Analysis

L'analyse fonctionnelle classique s'organise au fil des étapes suivantes :

1. Dans un premier survol, les caractéristiques potentiellement relevantes du patient, de son comportement et du contexte dans lequel il prend place sont identifiées pour réunir les données à partir desquelles une analyse pourra s'ébaucher. Ce qui va précisément se passer dans cette première étape sera dicté par les présupposés philosophiques et théoriques (habituellement implicites) du clinicien et des préjugés informels basés sur les informations déjà obtenues (qu'elles aient été données par un le collègue qui lui a éventuellement adressé le cas ou obtenues lors d'un entretien préliminaire).

2. Les informations réunies dans la première étapes sont organisées de manière à former une analyse préliminaire des difficultés du patient en termes de principes comportementaux afin d'identifier des relations causales importantes susceptibles d'être modifiées. Le processus de l'analyse fonctionnelle a été comparé à un entonnoir (Hawkins, 1979). Dans la deuxième étape d'une analyse fonctionnelle traditionnelle, le clinicien va resserrer le champ de son évaluation. Certains aspects (par exemple la forme d'un comportement, des opérations motivationnelles, le contexte dans lequel le comportement est émis) sont privilégiés par rapport à d'autres et les caractéristiques du cas sont organisées en classes. Cette analyse s'oriente en fonction de principes comportementaux, l'accent n'étant pas tant mis sur la structure des phénomènes observés mais davantage sur leur fonction, sur la manière dont ils interviennent dans la dynamique d'un système.

3. Dans la troisième étape, des informations supplémentaires basées sur l'analyse articulée lors de la deuxième étape sont réunies et une analyse conceptuelle est finalisée. Des outils spécifiques d'évaluation peuvent être appliqués ou créés pour les besoins du cas en fonction de l'analyse préliminaire effectuée lors de l'étape 2, qui s'en trouvera affinée voire modifiée jusqu'au moment où le clinicien disposera d'une analyse conceptuelle stable de la relation entre les actions du patient et leur contexte, de données mesurées relatives aux composantes primaires de cette analyse et des outils nécessaires pour l'évaluation de l'évolution du cas.

4. Mise au point d'une intervention basées sur l'analyse résultant de l'étape 3. Une des caractéristiques principales de l'approche comportementale réside dans le lien étroit (au moins conceptuel quand il n'est pas empirique) entre évaluation et traitement. Comme les principes comportementaux sont explicitement pragmatiques (c'est le fait que leur mise en oeuvre a permis de prédire et d'influencer des comportements qui en garantit habituellement la validité), l'analyse fonctionnelle pointe souvent les événements concrets de la vie du patient qui ont établi et qui maintiennent le problème auquel on s'intéresse. Quand ces événements sont accessibles à une manipulation à la portée du travail clinique, l'analyse fonctionnelle est complétée par la définition d'une intervention spécifique. Ainsi, la 4e étape consiste à élaborer un traitement basé sur la 3e étape.

5. Mise en oeuvre du traitement, évaluation des changements intervenus. Pour la plupart des cliniciens comportementalistes, l'évaluation n'intervient pas qu'au début du traitement, c'est plutôt un processus continu et l'analyse fonctionnelle intègre ainsi une évaluation permanente des progrès du patient.

6. Si le résultat n'es pas conforme à ce qu'on attendait, on reviendra à l'étape 2 ou à l'étape 3. L'échec d'une intervention thérapeutique est habituellement considéré comme signalant des défauts dans l'analyse fonctionnelle qui a servi à l'élaborer et qui devra alors être corrigée. Il suffira parfois d'y apporter des changements mineurs mais il faudra parfois aussi la revoir complètement.

ACT et la TCR sont entièrement compatibles avec l'approche que nous venons de décrire. La TCR offre une analyse fonctionnelle générale des opérants relationnels et ACT une analyse fonctionnelle générale de leur impact, qui doivent cependant toujours être intégrées dans une analyse fonctionnelle globale du problème présenté, dont certains aspects peuvent découler de contingences directes.

Philippe Vuille

3.2. La relation thérapeutique

3.2. La relation thérapeutique

Skinner a montré l'origine sociale de l'expérience de soi, dont Kohlenberg et Tsai proposent une remarquable analyse en termes behavioristes radicaux. Les changements que nous voulons favoriser ne sont possibles que si le contexte des comportements du patient est modifié. Les expériences qu'il a faites dans le passé représentent un aspect important de ce contexte. Nous ne pouvons pas modifier ce passé mais l'interaction thérapeute-patient va inévitablement ajouter du nouveau «passé» et à ce titre modifer le contexte futur des actions du patient. On rejoint ici le concept d'expérience émotionnelle correctrice dont Alexander et French (1) ont souligné l'importance dans la thérapie psychanalytique.

Les implications du modèle théorique ACT rendent la relation thérapeutique fondamentalement égalitaire. La thérapie n'est pas la rencontre entre une personne défectueuse, déséquilibrée, «inférieure» et un être «supérieur» dont l'évolution serait «réussie», qui détiendrait une sagesse et des compétences le mettant à l'abri des aspects douloureux de la condition humaine. Comme le patient, le thérapeute est constamment confronté aux pièges impliqués par la capacité à élaborer des constructions verbales, que ce soit dans son travail de thérapeute ou dans sa vie en-dehors du cabinet de consultation.

Le thérapeute efficace ne se reconnaît pas à l'application mécanique de métaphores, d'exercices et de concepts mais à sa sensibilité à la situation du patient vue dans une perspective ACT. Lors de leur premiers contacts avec le modèle ACT, les thérapeutes ont tendance à s'enthousiasmer pour les interventions spécifiques que nous avons décrites dans les chapitres précédents, par les métaphores, les exercices expérientiels, le type de tâches assignées que nous proposons, à se laisser griser par l'aspect iconoclaste de la mise en question des a priori transmis par la communauté verbale. Le processus de la thérapie d'acceptation et d'engagement va cependant bien au-delà de ces interventions et de ces stratégies. Pour qu'elles déploient le type d'efficacité que nous souhaitons, le thérapeute doit être d'accord d'entrer avec le patient dans une relation ouverte, acceptante et cohérente, d'une manière qui concorde avec les principes ACT. (Hayes, S.C. et al. 1999) p. 268.

Le thérapeute va inévitablement être lui-même confronté, dans le cours de la thérapie, à des émotions et à des pensées désagréables : Il pourra se sentir irrité, frustré, ennuyé, désorienté. Il pourra avoir des pensées comme «je suis en train de me planter complètement». Si, à ce moment, il se «rattrape» avec une métaphore, un exercice ou une explication pour, en quelque sorte, «reprendre la main», son intervention sera inappropriée. Même si elle ressemblera, d'un point de vue topographique, à une intervention ACT, elle correspondra, d'un point de vue fonctionnel, à l'évitement d'une expérience désagréable. Le modèle offert au patient est alors à l'opposé de celui que nous aimerions lui donner et le processus thérapeutique risque de s'enliser. Ressentir de telles émotions, avoir de telles pensées et se laisser entraîner par elles «sur le terrain» n'est pas en soi une «mauvaise chose», ce n'est pas «quelque chose qui ne doit pas arriver à un bon thérapeute ACT». Adhérer à un tel credo représenterait d'ailleurs l'exemple même du fait d'«acheter» une pensée, d'entrer en «fusion» avec elle. Être un thérapeute ne signifie pas être immunisé contre ce genre de processus. L'expérience du thérapeute lui permettra cependant de reconnaître de plus en plus souvent et de plus en plus rapidement ce type de mouvement et d'y répondre d'une manière qui puisse apporter du grain à moudre au processus thérapeutique, par exemple en parlant au patient de la confusion qu'il ressent, des pensées qui lui viennent, et en s'engageant éventuellement avec lui dans un exercice de défusion. Le modèle ainsi donné est celui de la position d'observateur dans laquelle les expériences privées comme des pensées ou des sensations physiques ne sont pas rationalisées et justifiées mais appréciées avec du recul, de la même manière qu'on recule de quelques pas pour admirer un tableau. Il peut être particulièrement utile pour le patient de voir le thérapeute reconnaître ouvertement des phénomènes témoignant de sa vulnérabilité dans des situations où il aurait été facile de s'engager dans des comportements d'évitement. En appliquant les principes ACT à sa propre expérience, le thérapeute montrera aussi une bonne tolérance devant l'incertitude, l'ambiguïté, le paradoxe. Construire une vie riche et heureuse n'est pas une entreprise logique, il n'est pas nécessaire que nous ayons résolu verbalement toutes les contradictions par lesquelles nous pouvons nous sentir habités pour nous mettre en route. Nous ne voulons en rien cacher au patient que l'entreprise dans laquelle nous souhaitons qu'il puisse s'engager – la vie – est une affaire à hauts risques ni le protéger contre l'anxiété qu'un tel engagement va inévitablement mobiliser.

Steve Hayes a résumé dans une page que nous avons traduite les points principaux de l'attitude thérapeutique ACT.

(1) Alexander F. et French T.M. (1946), Psychoanalytic therapy: principles and application, N.Y. Ronald Press.

Philippe Vuille

3.2.1. L'attitude du thérapeute dans l'ACT

3.2.1. L'attitude du thérapeute dans l'ACT

Cette page est la traduction de la page ACT Therapeutic Posture

  • Quelle que soit l'expérience du patient, elle n'est pas un ennemi. Ce qui est blessant et traumatisant, c'est de se battre contre l'expérience du moment.
  • Vous ne pouvez pas épargner à vos patients les difficultés et les risques liés au fait de grandir et d'avancer dans la vie.
  • Refusez – toujours avec compassion – les bonnes raison du patient. Ce qui est important, c'est de savoir qu'est-ce qui l'aide à faire de sa vie ce qu'il voudrait qu'elle soit, pas ce qui est cohérent et raisonnable.
  • Si le patient se sent pris au piège, frustré, confus, effrayé, fâché ou angoissé, tant mieux. C'est exactement là-dessus qu'il faut travailler et c'est là maintenant. Saisissez cet obstacle comme une chance.
  • Si vous vous sentez vous-même pris au piège, frustré, confus, effrayé, fâché ou angoissé, tant mieux : vous êtes dans le même bateau que votre patient cela donnera une dimension plus humaine à votre travail.
  • Dans des domaines comme l'acceptation, la défusion, le soi et les valeurs, il est plus important en tant que thérapeute d'agir de manière conforme à ce que vous proposez plutôt que de donner des conseils au patient quant à la manière dont il devrait agir.
  • N'essayez ni d'argumenter, ni de convaincre. Ce qui compte, c'est la vie du patient et les expériences du patients, pas vos opinions et vos croyances. Vos croyances ne sont pas vos amies.
  • Vous êtes dans le même bateau. Ne tentez jamais de vous protéger en vous mettant en position de supériorité.
  • Ce qui compte, c'est toujours la fonction d'un comportement, pas sa forme ni sa fréquence. Si vous êtes dans le doute, vous pouvez toujours vous demander ou demander au patient : «Au service de quoi est cette action ?»
Philippe Vuille

3.3. Le déroulement de la thérapie

3.3. Le déroulement de la thérapie

L'analyse fonctionnelle demeure l'instrument privilégié du thérapeute et l'un des buts de la thérapie est d'apprendre au patient à l'utiliser lui-même en situation.

Dans un premier temps, on fera l'inventaire des efforts que le patient a déployés et continue à mettre en oeuvre au quotidien pour essayer de se débarrasser des sensations physiques et des pensées désagréables. Quelle en a été l'efficacité ? Ont-ils abouti de manière durable au but recherché ? Ont-ils aidé le patient à faire de sa vie ce qu'il aimerait en faire ? Quel en a éventuellement été le coût ? La thérapie fait constamment appel à l'expérience du patient et il est encouragé à croire son expérience plutôt que les théories, que ce soit celles qu'il a apprises ou celles de son thérapeute. Si le patient fait l'expérience que ses stratégies de contrôle et de maîtrise fonctionnent d'une façon qui lui convient, la thérapie peut s'arrêter là. L'ACT s'adresse surtout aux cas dans lesquels les stratégies de contrôle finissent toutes par aggraver dans un deuxième temps les difficultés qu'elles étaient censées résoudre et deviennent donc elles-mêmes un problème puisque le patient doit mettre à leur service de plus en plus d'efforts et abandonner ou remettre à plus tard la réalisation du projet de vie qui lui tient à coeur.

Des stratégies d'acceptation sont ensuite proposées comme une issue plus constructive dans un climat respectant la difficulté qu'il y a à les mettre en oeuvre. S'il était si facile de «lâcher prise», le patient ne serait pas en face de nous. Donner aux sensations physiques désagréables et aux pensées «catastrophisantes» la permission d'être présentes ne peut pas résulter d'une opération intellectuelle mais procède d'un choix que nous voulons rendre possible en donnant au patient les compétences nécessaires. Les processus de conditionnement relationnel ubiquitaires chez l'être humain permettent aux sonorités d'un mot (puis au simple fait de le penser) d'acquérir les fonctions de l'objet qu'il désigne. Nous parlons de «fusion» pour décrire les situations dans lesquelles ce processus domine l'expérience du sujet au détriment d'autres fonctions potentiellement disponibles dans son monde intérieur ou extérieur. Nous proposons donc au patient l'acquisition de stratégies de défusion qui lui permettront de renoncer plus facilement aux comportements d'évitement jusqu'alors habituellement mis en oeuvre. La domination des processus verbaux exerce des effets particulièrement problématiques dans le domaine de l'expérience de soi. Là-aussi, nous cherchons à promouvoir et à développer par des exercices faisant appel à l'expérience plutôt qu'au raisonnement un sens de soi comme d'un contexte inaltérable et permanent susceptible d'offrir un espace de sécurité à partir duquel le patient pourra s'exposer à des contenus psychologiques douloureux quand la direction qu'il souhaite donner à sa vie le demandera.

L'ACT repose sur deux stratégies d'intervention qui se sont avérées parmi les plus efficaces en thérapie comportementale : L'exposition et l'activation comportementale, qui ne sont cependant pas visées comme des buts en soi mais que nous cherchons toujours à mettre au service des valeurs propres du patient, des principes directeurs en fonction desquels il souhaite orienter son existence. Entrer en contact avec ses valeurs peut représenter une expérience douloureuse surtout si l'on a subi des traumatismes précoces et/ou qu'on a durant des années dû sacrifier ou remettre à plus tard ce qui nous tient vraiment à coeur. Le travail sur les valeurs constituera une partie importante de la thérapie dont le but fondamental est de permettre l'engagement dans des activités allant dans le sens des valeurs propres du patient.

Philippe Vuille

3.4. La futilité de la lutte

3.4. La futilité de la lutte

Ce n'est généralement qu'au bout d'une démarche longue et pénible que le patient décide de consulter un psychothérapeute, après avoir fait tout son possible pour tenter de régler lui-même les problèmes avec lesquels il se débat. La question de savoir ce qu'il attend de la thérapie représente souvent une bonne porte d'entrée dans l'analyse fonctionnelle. Il pourra mentionner des résultats qu'il souhaite obtenir comme de réussir à étudier, à voyager ou à établir une relation amoureuse mais insistera le plus souvent sur ce qui lui apparaît comme la condition indispensable à toute réussite existentielle : réussir à «gérer» son anxiété, à garder son calme, augmenter son «estime de soi», se débarrasser de ses sentiments d'infériorité et de ses doutes, en résumé : réussir à se sentir bien.

Nous nous intéressons alors à tout ce qu'il a fait jusqu'à présent pour essayer d'arriver lui-même à ce résultat. Nous passons en revue les diverses stratégies mises en oeuvre et regardons quelles en ont été l'efficacité et le coût. Ce travail permet habituellement de dégager les caractéristiques communes aux différents avatars de l'évitement d'expérience : On ne parvient que rarement, de façon incomplète et pour peu de temps à l'expérience de sérénité recherchée, il faut sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier et les coûts sont élevés en termes d'efforts galvaudés et de renoncements. A ce stade, le patient avance souvent l'idée que s'il n'a pas réussi, c'est parce qu'il n'est pas assez intelligent, trop «névrosé», paresseux etc. Nous reconnaissons la remarque comme logique et nous gardons de la mettre en question autrement qu'en rendant attentif le patient entre la discordance qu'il peut y avoir entre ce que lui dit son intelligence et ce que lui dit son expérience. Parler de «l'intelligence» comme d'une entité distincte introduit une des conventions de langage par lesquelles nous cherchons à atténuer la dominance des processus verbaux, à aider le patient à voir ses pensées pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles disent qu'elles sont.

L'exercice de l'allumette illustre comment les stratégies d'évitement d'expérience peuvent fonctionner lorsqu'elles sont appliquées à des pensées, des images et des sensations physiques modérément désagréables mais vont à fins contraires dès que l'intensité de l'inconfort dépasse un certain seuil. L'exercice des trois chiffres, la métaphore de la personne tombée dans le trou, la métaphore «nourrir le tigre» ou celle de la chambre pleine de toile adhésive peuvent également être utiles à ce stade de la thérapie.

Cette phase du traitement est parfois appelée «désespoir créatif». Elle peut être difficile pour le thérapeute qui doit renoncer à l'attitude de «réassurance positive» que le simple bon sens propose à quiconque veut venir en aide à une personne qui souffre. A y regarder de plus près, le désir de rassurer s'inscrit dans une logique d'évitement par le thérapeute des émotions pénibles auxquelles il va devoir faire face devant la souffrance d'autrui : «Ne ressens pas ce que tu ressens pour que je n'aie pas à ressentir ce que je ressens quand tu ressens ce que tu ressens.» Si le travail thérapeutique est bien mené, le patient va se sentir moins seul, réaliser qu'il n'est pas «détraqué», défectueux ou fou mais simplement pris dans un piège que les efforts qu'il fait pour s'en libérer ne font que resserrer autour de lui. L'exercice des menottes chinoises illustre ce point, il permet aussi de suggérer une autre attitude que nous cherchons à décrire avec des termes comme «donner son accord».

Philippe Vuille

3.5. Les stratégies de défusion

3.5. Les stratégies de défusion

Le concept de fusion cognitive fait référence aux situations dans lesquelles ce sont les fonctions dérivées par des processus de cadrage relationnel (donc les fonctions verbales) qui l'emportent, dans la régulation du comportement, sur les fonctions psychologiques directement disponibles dans l'environnement. Le monde verbalement construit est alors confondu avec le monde «réel», qu'il s'agisse du monde extérieur ou de la personne même de l'individu. Le mot, l'événement qu'il désigne et le sujet qui le décrit s'amalgament dans des formules comme : «je panique» ou «je suis déprimé». Dans le contexte de littéralité ainsi établi, les pensées et les émotions vont se trouver en quelque sorte «en prise directe» sur le comportement et fonctionner de manière à en apparaître comme les causes.

On connaît la boutade : «J'ai longtemps cru que mon intelligence était mon organe le plus important jusqu'à ce que je comprenne qui me disait ça.» Nous avons l'habitude de confondre nos pensées avec ce qu'elles nous disent qu'elles sont. Pour beaucoup d'opérations mentales, un tel raccourci est fort utile et, dans les situations d'urgence, il peut nous sauver la vie. Il vaut mieux fuir une fois de trop... Les réglages par défaut d'un système affiné par des millénaires de sélection évolutive pour assurer la survie, et la programmation que notre passé peut y avoir inscrite font cependant qu'il peut s'avérer de mauvais conseil quand il s'agit de conduire notre vie de manière qu'elle puisse s'épanouir. On pense à ces conducteurs qui ont suivi la voix synthétique de leur GPS plutôt que de regarder la route et dont le véhicule a fini coincé dans une impasse ou immergé dans un cours d'eau.

Les exercices de défusion ont pour but de développer la capacité de voir les pensées pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles nous disent qu'elles sont, la capacité d'observer les processus de cadrage relationnel en train de se faire plutôt que de nous laisser emporter par leur résultat.

La stratégie de défusion la plus simple consiste en une convention de langage. On peut s'exercer à utiliser une formule comme «j'ai la pensée que...» pour créer un effet de distanciation. Les pensées sont comme une «radio dans la tête» et chacun de nous peut identifier les programmes qui passent le plus souvent à l'antenne : Radio-catastrophe, Radio-t'es moche, Radio-t'as fait tout faux... En répétant inlassablement sur le mode de l'exercice «chocolat, chocolat» une pensée difficile, on peut faire l'expérience qu'il ne reste plus qu'un amalgame de sons vidés de leur pouvoir d'évocation. On peut s'exercer à altérer différents aspects du langage en prononçant les mots très lentement, avec un accent étranger ou avec la voix d'un personnage de dessin animé ou celle d'un homme politique. La métaphore des représentants de commerce ou celle du bus, qui illustre en outre la notion de valeurs, sont souvent utiles à ce stade.

Philippe Vuille

3.6. Soi comme contexte

3.6. Soi comme contexte

L'ACT distingue trois variantes de l'expérience de soi :

1. «Soi comme contenu» désigne le soi conceptualisé que nous construisons constamment pour donner un sens à notre histoire. Cette notion se rapproche du concept de scénario de vie. Le besoin de maintenir la cohérence de l'histoire ainsi construite favorise l’interprétation des expériences éventuellement susceptibles de la modifier dans un sens où elles vont en fin de compte la confirmer. L'ACT vise à mettre en cause cette construction, à la démonter non pas en l'attaquant mais en affaiblissant la domination des processus verbaux et le contexte de littéralité qui contribuent à lui donner le pouvoir d'orienter les choix du sujet.

2. «Soi comme processus» désigne la faculté d'établir une relation d'équivalence entre un ensemble aux contours mal définis de sensations corporelles, de prédispositions comportementales et de pensées, et le nom d'une «émotion». Notre orientation dans la complexité des situations de la vie en société dépend du processus continu d’élaboration verbale de nos états intérieurs qui fait la différence entre la peur de l’animal et l’angoisse de l’être humain. Pour établir et consolider cette faculté qui correspond à ce que d’autres orientations psychothérapeutiques appellent la capacité d'être «proche de ses émotions» ou d'avoir «accès à ses émotions», il faut que les réponses de l'environnement précoce soient correctes et appropriées à ce que l’enfant ressent. Elle sera donc insuffisamment développée en cas de carences et de traumatismes précoces et tout particulièrement dans les situations d'abus où le feed-back de l'environnement a été mensonger («tu aimes ça»). Les personnes qui ne savent pas appliquer des catégories émotionnelles de manière adéquate ont beaucoup de peine à faire des choix qui leur soient profitables. L’ACT s'efforce d'établir un climat thérapeutique favorable au développement de cette capacité.

3. « Soi comme contexte » est une notion difficile à saisir. Dans un articlepublié en 1984, Steve Hayes a décrit l'expérience de soi comme une perspective ouverte et sans limites. Comme c'est toujours depuis là que je regarde, je ne peux pas voir cette «chose» (qui n'est pas une chose puisqu'elle n'a pas de limites) mais seulement l'expérimenter d'une manière restant le plus souvent fugace. Cet aspect de la subjectivité humaine est à la base des expériences de transcendance et de spiritualité, il est d’une importance fondamentale pour la thérapie. Nous cherchons à le développer grâce à des exercices et des métaphores. Faire l'expérience qu'il y a au moins un fait immuable et stable à propos de soi-même qui n'est ni une croyance ni un espoir ni une idée (toutes notions constitutives du « soi comme contenu ») peut représenter une ressource, un lieu sûr permettant au patient d'accepter la confrontation avec des expériences extrêmement douloureuses en sachant que, quoi qu'il arrive, cette réalité restera inchangée. Pour utiliser un langage imagé : quelle que soit l'intensité de la tempête, le ciel lui-même n'en est pas affecté.

Afin de favoriser l’engagement dans des comportements orientés par lesvaleurs l'ACT s'efforce de développer le sens de «soi comme contexte» comme un lieu sûr depuis où l'exposition devient possible et des stratégies de «défusion» par lesquelles nous voulons rendre visible le processus d'élaboration verbale plutôt que ses résultats. Nous cherchons à modifier le contexte de littéralité des pensées plutôt que leur contenu, à les voir pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles disent qu'elles sont. Le simple fait d’encourager, dans l’analyse fonctionnelle, une distinction entre pensées, images et sensations physiques va déjà dans le sens de la défusion.

La métaphore de la partie d'échecs permet d'illustrer la notion de «soi comme contexte». D'autres métaphores peuvent également être appropriées comme une maison en tant que cadre immuable pour tout ce qui s'y passe. L'exercice de la position d'observateur et d'une manière plus générale toutes les techniques de pleine conscience permettent de développer le sens de «soi comme contexte».

Philippe Vuille

3.7. La notion de valeurs

3.7. La notion de valeurs

Il s'agit certainement du concept qui m'a donné – et qui me donne encore – le plus de fil à retordre dans mon travail d'assimilation du modèle sous-tendant l'ACT. Une des difficultés vient sans doute du fait que ce concept fait appel à des dimensions de l'expérience difficiles à rendre avec des mots.

Commençons par un résumé : Les comportements qu'un animal va émettre dans une situation donnée sont fonction de ses expériences passées. L'acquisition du langage change la donne pour l'être humain, dont les comportements pourront aussi être fonction de constructions verbales et qui pourra ainsi agir dans un but. La notion de valeurs fait référence à des constructions verbales plus abstraites que les buts. On peut dire qu'une valeur fonctionne comme l'organisatrice d'une succession de buts dans un «pattern» qui leur donne une cohérence et un sens. Valuer est une action comparable à un choix et non à un jugement ou à une décision raisonnée. Il faut des compétences verbales pour pouvoir valuer mais les processus verbaux peuvent aussi interférer avec l'action de valuer. Valuer représente un processus particulièrement intime et personnel.

Les sources de l'élaboration qui va suivre sont essentiellement manuel d'ACT de 1999 et le livre ACT for chronic pain. Elle doit aussi beaucoup aux contributions publiées sur le forum de discussion international.

Quelques précautions de langage, encore, avant de commencer : Quand nous parlons de valeurs (ou, pour utiliser l'expression de Hank Robb, de «principes directeurs») pour désigner ce dont nous voulons parler ici, nous utilisons destermes cliniques dont nous ne pouvons – pour le moment – pas fournir de définition opérationnelle. Une définition opérationnelle de la notion de valeurs passera par un compte-rendu complet des concepts du comportement gouverné par des règles dans les termes de la TCR.

Par sa tendance à «chosifier» des actions, le langage favorise une conception mentaliste et mécaniste de la condition humaine. Il serait souvent plus approprié de parler de l'action de «valuer» et il m'arrivera donc d'utiliser ce verbe.

Hank Robb compare la vie à une jungle dans laquelle nous avançons : Si nous regardons en arrière, nous voyons un chemin, celui que nos actions ont tracé. Mais si nous regardons devant nous, il n'y a pas de chemin car personne n'a jamais vécu notre vie avant nous. L'ACT part du principe que chaque être humain, quelle que soit les troubles dont il souffre ou la difficulté de la situation de réalité dans laquelle il se trouve, a tout ce qu'il faut pour définir une direction dans laquelle il veut orienter la suite de sa vie.

«Qu'est-ce que la vie attend de vous ?» aimait à demander Viktor Frankl à ses patients. La lecture de son livreDécouvrir un sens à sa vie avec la logothérapie est recommandée à quiconque souhaite approfondir la notion de valeur. Nous devons chaque jour faire des dizaines et des dizaines de choix qui vont contribuer à donner une forme, un visage à notre vie. Chacun de ces choix va contribuer à définir le fils ou la fille, le ou la camarade, époux(se), parent, professionnel, collègue, etc. que nous sommes. Nous ne devons pas nous leurrer : quelle que soit la hauteur de nos «bonnes intentions», la pureté et l'intensité de nos sentiments, notre conjoint, nos enfants, nos amis, nos patients ne se souviendront pas de ce que nous avons pensé, ressenti ou «voulu» mais de ce que nous avons fait (et dit), et c'est cela qui définit sans doute le mieux qui nous «sommes». Alexandre Jollien raconte comment les philosophes de l'antiquité lui ont appris qu'on pouvait «sculpter sa vie pour en faire une oeuvre d'art» et il s'emploie à en faire la démonstration au quotidien.

Skinner a défini le comportement opérant comme le champ même de l'action dirigée et de l'intention. Quand nous disons qu'un rat presse un levier «dans le but» de recevoir un granule de nourriture nous interprétons dans les termes du langage courant un phénomène dont l'analyse scientifique nous dit que ce sont les expériences passées du rat (le fait que ce type d'action a été dans le passé suivi par l'apparition de nourriture) qui déterminent ce que nous interprétons comme un comportement orienté vers un but futur. Le «futur» dont nous lui prêtons ainsi la conception n'est que l'actualisation présente d'expériences passées. D'où la formule : L'intention d'un organisme non-verbal, c'est le passé en tant que futur dans le présent (Hayes, 1992).

Grâce à des cadres relationnels de type «si-alors» et «avant-après», l'être humain est capable de construire les conséquences verbales de ses actions. La capacité de cadrer relationnellement de cette manière a bien été apprise dans le passé mais les conséquences que nous construisons aujourd'hui peuvent être des conséquences dont nous n'avons jamais fait l'expérience. Notre comportement n'est donc pas uniquement régulé par les conséquences dont nous avons fait directement l'expérience dans le passé, mais aussi par celles que nous sommes capables de construire verbalement. Cela nous permet d'agir dans un but, c'est-à-dire pour que survienne un événement spécifique que nous avons désiré. Réussir un examen, acheter une maison, avoir un enfant sont des buts qui peuvent être réalisés.

Les valeurs correspondent à une catégorie de constructions verbales se situant à un niveau différent. Nous aurions beaucoup de peine à nous satisfaire d'une vie qui ne serait vécue que pour accomplir des buts. Dans une telle vie, les seuls moments où nous recevrions un renforcement pour nos actions seraient les moments où nous atteignons un but concret et l'instant présent n'aurait donc pas d'autre valeur que son rôle dans l'accomplissement d'un but futur. Une telle vie ne pourrait être que fade et vide. De plus, nos compétences verbales nous confrontent tôt ou tard à l'idée de la mort. Non seulement nous savons que nous allons mourir mais nous savons que tous ceux que nous aimons vont mourir aussi et que tout ce que nous aurons réalisé finira par disparaître. Nous avons donc besoin d'autre chose que de réaliser des buts. Le raisonnement que nous venons d'esquisser aboutit à la constatation autour de laquelle Viktor Frankl a construit le système de psychothérapie qu'il a appelé «logothérapie» : L'homme a besoin de sens. Nous pouvons faire davantage que d'orienter nos actions en fonction de buts concrets. Nous pouvons choisir maintenant, tout de suite, de donner de l'importance à certaines qualités des «patterns» d'action en cours. Ce n'est alors plus seulement le but qui est important mais aussi le chemin. La capacité de donner un sens émerge ainsi comme une action naturelle de l'être humain. Le «fait» que nous allons mourir et que tout ce à quoi nous tenons va disparaître ne peut rien enlever au choix que nous faisons dans le moment présent de valuer, d'accorder de l'importance à une direction, à une manière de faire ce que nous faisons.

Réussir un examen n'a de sens que dans une perspective plus large, plus abstraite, celle du professionnel qu'on voudrait être. Acheter une maison prend son sens dans la perspective de fournir aux personnes que l'on aime un cadre de vie sûr et agréable et/ou dans celle de construire et d'aménager un espace personnel. Avoir un enfant s'inscrit dans le contexte de la manière dont on voudrait jouer le rôle de parent. Les valeurs apparaissent ainsi comme des «buts de buts» à caractère abstrait qui, contrairement à des buts concrets, ne peuvent jamais être atteints et qui continuent sans cesse à générer et à organiser d'autres buts. Elles donnent une cohérence et un sens à la succession de nos choix. Les buts successifs que nous nous fixons ne sont pas sans rapport les uns avec les autres, nous ne les choisissons pas au hasard dans l'infini des options possibles – pour autant que nous ne soyons pas pris dans lalogique fallacieuse de la nécessité d'échapper à un inconfort ou d'éviter qu'il ne survienne, puisque l'impératif prioritaire devient alors celui de s'en aller de la position qu'on occupe, quelle que soit la destination.

L'ACT définit les valeurs comme des directions de vie verbalement construites, globales, désirées et choisies. Elles peuvent se manifester à travers certains comportements mais jamais possédées comme on possède un objet. La valeur d'«être un professionnel compétent» n'est pas apparue le jour de l'examen. Elle était déjà là le jour où nous nous sommes inscrits à l'université ou dans une école professionnelle. Si nous regardons en arrière, nous pouvons voir comment elle a organisé depuis longtemps certains de nos comportements. Même celui qui reçoit le prix Nobel va continuer à construire des buts orientés par ses valeurs professionnelles. «Être un parent aimant, disponible et présent» ne s'arrête ni le jour où mon enfant atteint la majorité civile ni quand il quitte la maison ou quand il devient lui-même parent. «Prendre soin de ma santé» ou «construire une relation de couple basée sur l'amour et la confiance» ne sont pas des tâches que l'on peut terminer; elles peuvent de plus commencer n'importe où, n'importe quand et organiser le comportement dans n'importe quelle situation. Si je me procure des seringues propres pour m'injecter de l'héroïne, c'est déjà prendre soin de ma santé, et si je commence à me laver régulièrement pour augmenter mes chances de trouver une partenaire, j'ai déjà commencé à «construire une relation de couple basée sur l'amour et la confiance».

Nous qualifions les valeurs de «globales» parce qu'elles sont toujours disponibles. Valuer, c'est toujours ici et maintenant, et c'est toujours dans l'action. Les valeurs confèrent à notre action du moment un sens, une vitalité liée à l'impression que notre vie prend la forme que nous souhaitons lui donner. Il est aussi difficile de décrire cette sensation avec des mots qu'il serait difficile de décrire une couleur à une personne qui ne l'aurait jamais vue. C'est pourquoi l'ACT préfère utiliser des techniques permettant au patient de faire des expériences plutôt que de donner des «explications» verbales. De la même manière qu'on ne peut apprendre à un enfant la différence entre le rouge et le vert qu'en lui faisant voir des objets de ces deux couleurs, la différence entre une action valuée au sens où nous venons de le décrire et une action visant à échapper à des sensations et des pensées désagréables – ou à obtenir des sensations et des pensées agréables, ce qui est souvent pratiquement équivalent – peut difficilement être apprise autrement qu'en ayant un contact direct et personnel avec les sensations qu'il s'agit de discriminer. C'est pour la même raison que les ateliers expérientiels occupent une place de choix dans la formation en ACT.

Valuer, ce n'est pas juger ou décider rationnellement, valuer c'est choisir. L'ACT repose sur une vision contextualiste fonctionnelle du monde dans laquelle c'est le fonctionnement réussi qui sert de critère de véracité. Pour savoir si un fonctionnement est réussi, nous devons savoir dans quelle direction nous voulions aller. Les valeurs ont donc un rôle fondamental puisque ce sont elles qui fournissent l'étalon de référence, le «mètre» avec lequel nous allons mesurer le résultat de nos actions. Ce «mètre» ne peut être que choisi, il ne peut pas faire l'objet d'un jugement ou d'une évaluation raisonnée. Juger, c'est en effet appliquer une métrique verbale pour choisir entre différents cours d'action. On aboutit à un paradoxe logique si l'on veut évaluer les valeurs de cette manière puisqu'il nous faudrait pour ce faire disposer d'un étalon de référence et que ce sont les valeurs qui le fournissent. Si nous voulons évaluer nos valeurs, avec quel autre jeu de valeurs le ferons-nous ?

Valuer représente donc un processus intime et personnel, un libre choix de l'individu. Le lecteur attentif du matériel présenté sur ce site objectera que, puisque nous nous inscrivons dans une philosophie déterministe, nous ne pouvons pas parler de «libre choix». Je répondrai que nous le faisons ici dans le contexte du langage clinique. D'un point de vue scientifique, nous adhérons à la thèse développée par Dawkins qui a montré dans «Le gène égoïste» comment les valeurs d'altruisme chez l'être humain ont été sélectionnées par l'évolution. Le fait que l'action de valuer corresponde au résultat d'une sélection génétique puis culturelle et soit, de ce fait, déterminée par des facteurs extérieurs n'enlève rien au fait qu'au moment où nous devons nous-même choisir nos valeurs, nous ne pouvons que le faire de l'intérieur, sans chercher à nous protéger par des raisonnements verbaux. Pour un organisme non-verbal, un choix correspond simplement à une sélection entre différents cours d'action. En ce sens, chaque action est un choix. Pour l'être humain, le fait de choisir est compliqué par l'intervention des processus verbaux. Son intelligence va immédiatement construire toutes sortes de «raisons» verbales en faveur ou en défaveur des différents cours d'action envisageables. Si la sélection qu'il va faire entre différents cours d'action est justifiée et expliquée par ce type de raisonnement, elle procédera d'un jugement. Si par contre la personne remarque la présence des «pour et contre» verbaux que toute situation de choix entraîne inévitablement chez l'être humain et qu'elle «sélectionne simplement» un cours d'action, en présence de ces raisons mais pas pour ces raisons, alors nous parlons d'un choix. Dans ce sens particulier, les valeurs sont un choix. Nous avons vu que, comme les valeurs livrent la métrique de base servant à toute évaluation, elles ne peuvent pas elle-même être déterminées par une évaluation verbale. L'opération que nous venons de décrire (choisir en présence de raisons mais pas pour des raisons) nécessite des compétences de défusion cognitive et devient très difficile pour l'être humain quand il se laisse emprisonner dans les pièges de la logique verbale. On arrive à ce paradoxe apparent : Pour pouvoir valuer, il faut des compétences verbales. Celles d'un enfant de 6 ans y suffisent sans doute. Mais les processus verbaux peuvent aussi faire obstacle à l'action de valuer. Chez l'adulte, le travail sur les valeurs passera ainsi le plus souvent par des stratégies d'affaiblissement de la dominance des processus verbaux.

Philippe Vuille

Travail sur les valeurs avec des patients «difficiles»

Travail sur les valeurs avec des patients «difficiles»

Il suffit de demander à une personne agoraphobe ce qui changerait dans sa vie si par miracle son problème anxieux disparaissait pour voir s'ouvrir devant soi tout un catalogue d'aspirations.

Le problème est beaucoup plus complexe chez les populations réputées difficiles à soigner : Patients douloureux chroniques, «troubles de la personnalité» (nous préférons parler, dans l'ACT, de «patients à problèmes multiples»), évolutions toxicomaniaques. Plusieurs éléments entrent en ligne de compte. Après des années passées à essayer de ne plus souffrir ou à rechercher l'extase que donnent les toxiques, il peut être très difficile et surtout très douloureux pour une personne d'entrer en contact avec ce qui compte vraiment pour elle, avec les valeurs qui lui sont les plus chères. Les personnes qui ont connu des expériences précoces de négligence et/ou d'abus (on retrouve ici probablement un grand nombre de patients «à problèmes multiples») ont très tôt fait l'expérience que, quand elles exprimaient ouvertement ce qui comptait le plus pour elles, elles étaient régulièrement confrontées à beaucoup de souffrance et de déception.

Valuer est un processus très intime. Si je vous dis ce qui compte vraiment le plus pour moi, je me mets en position de vulnérabilité devant vous puisqu'il vous sera facile alors d'avoir barre sur moi. Il faut donc procéder avec beaucoup de délicatesse et de respect lorsqu'on veut avancer dans ce domaine. Dans le travail sur les valeurs, nous allons approcher des zones douloureuses puisque c'est en allant là où il y a de la vulnérabilité que nous pouvons trouver les valeurs avec lesquelles nous voulons travailler. Nous le faisons toujours avec beaucoup de précautions et en demandant explicitement, à chaque nouveau pas, au patient de nous donner la permission d'aller de l'avant. Nous appliquons ainsi un principe béhavioriste bien établi expérimentalement : les êtres humains – et en cela ils ne diffèrent pas des organismes non-verbaux – préfèrent les événements aversifs qu'ils peuvent contrôler à ceux qu'ils ne peuvent pas contrôler.

Le 2 octobre 2003, Kelly Wilson avait répondu ce qui suit à un thérapeute qui demandait comment appliquer l'ACT chez des toxicomanes envoyés par une autorité. A l'époque, il rédigeait avec Michelle Byrd un chapitre («ACT for Substance Abuse and Dependence») pour le recueil A practical guide to Acceptance and Commitment Therapy.

Quand un patient est contraint de vous voir (...) il va se défendre. Dans de tels cas, la première chose qu'il vous faut c'est trouver une place où vous pouvez vous rencontrer et travailler ensemble.

(...) Souvent, les patients toxicomanes arrivent braqués, ils ne veulent pas être là. Ils ne voient pas où est le problème, ne comprennent pas pourquoi on se mêle de leur vie. Après tout c'est leur problème. Je pense qu'il faut vraiment aller à la rencontre du patient et si c'est là qu'il est, c'est là qu'il faut aller et essayer de saisir comment c'est d'être à sa place. Si vous n'arrivez pas à saisir, de l'intérieur, à quel point ça le gonfle d'être là, comment c'est de vivre une vie où vous êtes le mouton noir, vous aurez de la peine à faire votre travail.

Dans un tel cas, je commencerais avec les plaintes, le mécontentement, le ras le bol, la colère. Si vous allez trop vite vers les valeurs avec quelqu'un qui est à cran, il le vivra comme (1) intrusif (il ne vous a pas donné la permission) ou (2) rien qu'une nouvelle situation où il passe en jugement ou (3) vous obtiendrez de la pseudo-compliance braquée (Kelly utilise le terme «pissed off pseudo-compliance») par opposition à de la pseudo-compliance non-braquée, voir la transcription ci-dessous.

Le travail sur les valeurs est une affaire intime et vous ne pouvez pas entrer dans une relation d'intimité avec quelqu'un sans qu'il vous en ait donné la permission. Essayez donc de devenir intime avec la personne qui est derrière vous dans la file d'attente à l'épicerie et vous verrez ce que je veux dire (...) Avec les personnes qui sont dans la douleur, il vous faut aussi demander la permission, quand bien même il y a une sorte de permission implicite dans la vulnérabilité avec laquelle ils se présentent (je préfère malgré tout demander explicitement leur permission et c'est ce que je fais).

Commencez donc par le mécontentement du patient d'être là. Commencez avec ce qui l'amène. Comment ça va ? Est-ce que sa femme lui casse les pieds ? Ou son patron ? Comment est-ce que ça le gonfle ? Une plainte est toujours un bon point de départ parce que si vous suivez la piste de la plainte elle vous amènera toujours à une vulnérabilité et que derrière une vulnérabilité il y a une valeur (sinon il n'y aurait pas de plainte). Dans un certain sens, on est là dans un registre d'ACT standard : vous pouvez commencer où vous voulez à condition que ce soit là où le patient est. Allez où il est. Mettez-vous à sa place. Renvoyez-lui ce que vous avez vu et voyez avec lui si c'est bien ça.

Vous trouverez ci-dessous un extrait du chapitre. Le profil du patient est celui d'un toxicomane pseudo-compliant non-braqué. Je suis sûr que vous voyez des patients comme ça (...) Principe de base : Allez où il se trouve. Vous devez aller où il y a de la vulnérabilité pour travailler sur les valeurs. Ces patients qui vous donnent du fil à retordre sont massivement défendus. Vous devez d'abord aller où ils sont. Il n'y a que depuis là que vous pourrez partir en voyage avec eux.

L'entrée en traitement d'une personne est souvent entourée d'événements coercitifs. Dans le cas le plus extrême, le patient reçoit l'ordre de suivre un traitement sous la menace d'être incarcéré. Même dans ces cas extrêmes, une relation thérapeutique solide et un contrat thérapeutique sont typiquement possibles. Pour qu'un tel contrat puisse être établi, tout ce qu'il faut c'est une valeur partagée entre le thérapeute et le patient qui puisse donner du sens et de la dignité au travail thérapeutique. La capacité du patient à prendre lui-même les décisions à propos de la manière dont il veut mener sa vie représente très souvent une valeur à propos de laquelle thérapeute et patient peuvent se mettre d'accord. C'est peut-être paradoxal mais je ne crois pas que ce soit discordant : Je peux moi-même, en tant que thérapeute, travailler très dur avec un patient pour qu'il puisse avoir la liberté de mettre fin au traitement. (Franchement, est-ce que vous aimeriez ça ? Même si vous saviez que vous avez besoin d'aide, est-ce que ça vous plairait d'être contraint de suivre un traitement sous la menace ?)

Thérapeute : J'ai bien compris que vous venez en traitement par ordre du tribunal. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais moi je n'aime pas qu'on me donne des ordres. Alors je veux que vous sachiez que je m'attends à ce que vous ayez des réactions négatives devant le fait d'être ici. Personnellement, je détesterais qu'on me commande comme ça.

Patient : Non. J'ai dit au juge que je voulais vraiment faire un traitement. J'ai eu trop de problèmes à cause de la défonce.

Thérapeute : Tant mieux. Si c'est clair pour vous que de vous défoncer ne vous aide pas à aller de l'avant avec votre vie, alors je veux vous aider à travailler là-dessus. Malgré tout, j'aimerais que ce soit tout-à-fait clair pour vous que nous pouvons faire un travail très important ensemble même si vous détestez l'idée d'être obligé de venir. En fait, si vous êtes furax ou si vous avez des sentiments mélangés à propos de votre présence ici, ça sera très utile si vous le dites sans détours. Je veux prendre un certain nombre d'engagements devant vous, ici et maintenant : D'abord, je m'engage à ne pas me plaindre aux autorités que vous ne suivez pas bien le traitement si vous me dites que vous êtes furax d'être ici. En fait, je pourrais même dans un tel cas dire que le traitement avance bien parce que ça voudra dire que nous sommes en train de parler de ce qui compte pour vous, de ce que vous voulez faire de votre vie, et c'est bien de ça qu'il s'agit dans le traitement. Je m'engage aussi, ici et maintenant, à ne pas essayer de vous convaincre que le traitement est bon pour vous ou même que c'est mal de consommer des drogues et que vous devriez arrêter. Je ne considère pas que ce soit mon boulot de vous dire de telles choses. Bien sûr je pourrais penser que, si j'étais à votre place, je chercherais à faire un traitement, mais qu'est-ce que nous en avons à faire ? Quelle différence est-ce que ce que je pense va faire ? C'est votre vie, ce n'est pas la mienne et ce sera votre direction que nous prendrons, pas la mienne. Je suis sûr que le juge n'était pas la première personne à vous dire comment vous devriez mener votre vie. Si ce genre de conseil était efficaces, il y a longtemps que ça aurait marché. Je veux plutôt que ce traitement soit à propos de vos désirs les plus chers. Je ne m'attends pas nécessairement à ce que vous croyiez ce que je suis en train de vous dire maintenant. Ce que j'attends, c'est que vous puissiez faire l'expérience ici d'une impression que votre vie a un sens, une direction, et que vous puissiez vous rendre compte que notre travail est utile pas sous forme d'une pensée mais sous la forme de l'expérience directe que vous faites de l'avance dans votre vie.

Attitude en face des cognitions et de émotions «négatives»

Cette discussion préliminaire contient un certain nombre de composantes de l'ACT. Les réactions négatives au traitement ne sont pas notre ennemi. De même, des sentiments d'ambivalence envers l'usage de la drogue ne sont pas notre ennemi. Le patient ne s'en rendra pas compte à ce stade du traitement. Néanmoins, nous avons commencé à planter le décor dans cette conversation initiale. Il pourra être important de remarquer les pensées et les émotions, mais ce ne sont pas elles qui seront décisives dans le traitement. Le traitement sera plutôt centré sur les valeurs, l'engagement, et sur l'expérience directe du patient à propos de ce qui marche et de ce qui ne marche pas.

«One-Up, One-Down» : Le pouvoir dans la relation thérapeutique

Il y a beaucoup de lutte pour le pouvoir dans le monde du traitement des personnes toxico-dépendantes. C'est en partie à mettre sur le compte d'une réaction défensive des thérapeutes. Les toxico-dépendances peuvent s'avérer incroyablement résistantes au traitement. Ça fait mal de voir nos patients échouer. Quand nous nous trouvons en face d'événements douloureux incontrôlables, notre tendance naturelle est d'augmenter nos efforts de contrôle. Quand le toxicomane échoue dans le traitement, nous cherchons les raisons de cet échec. Si on leur donne le choix entre blâmer quelqu'un d'autre et se blâmer eux-mêmes, la plupart des gens vont préférer blâmer quelqu'un d'autre. Le toxicomane est la cible idéale. Beaucoup de personnes dans sa vie (y compris lui-même) l'ont blâmé et c'est facile de se mettre dans la position de celui qui est moralement supérieur et de le traiter comme celui qui est en bas.

Dans cette interaction, nous avons explicitement commencé à cultiver une relation de collaboration. Certains éléments de la collaboration sont évidents dans le fait que le thérapeute prend l'engagement de travailler pour les désirs les plus chers du patient. Ce n'est pas une attitude typique dans le monde du traitement des toxico-dépendances. Ce qui est beaucoup plus typique, c'est de mettre en place un jeu de règles sévères pour le traitement et d'avertir le patient que toute transgression aura pour conséquence l'exclusion de la thérapie et un rapport défavorable au juge qui l'a adressé.

Dans ce courriel, Kelly disait n'avoir pas le temps de présenter encore le cas un peu plus ardu du client non-compliant «braqué» («pissed-off»). On le trouve dans le chapitre cité plus haut, en page 159 :

Patient : Ça m'emm... d'être ici.

Thérapeute : Oui, je ne peux pas non plus dire que j'aime qu'on me dise ce que je dois faire. C'est probablement pour ça que je fais ce boulot. Au moins pendant que je suis entre ces 4 murs, je suis mon propre patron. Je détesterais qu'on me force à venir voir un type comme moi. J'aimerais pourtant qu'une chose soit bien claire. Ici, je travaille pour vous. Tant que vous n'aurez pas quitté ce traitement, je vais travailler sans relâche et sans concessions à votre service. Je suis sûr que nous trouverons au moins une chose à propos de laquelle nous pourrons nous mettre d'accord comme but du traitement. En ce moment précis, vous êtes obligé d'être ici sans quoi vous seriez mis en prison. Je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire et je n'aime pas non plus que qui que ce soit soit obligé de faire des choses qu'il ne veut pas faire. Il me semble donc que ce serait un résultat formidable si notre travail vous permettait d'arriver à une position ou vous pourriez choisir si vous voulez ou non faire une thérapie. Je ne m'attends pas à ce que vous me croyiez quand je vous dis ça. Après tout, je fais partie du système qui restreint votre liberté. Et pourtant, ici et maintenant, je déclare que je travaille pour vous servir et la seule façon dont vous pourrez m'en empêcher c'est de partir et de ne pas revenir. Je ne vous demande pas de me croire. Ce n'est pas de ce que vous croyez et de ce que vous ne croyez pas qu'il est question ici. Ce que je vous dis, c'est ce qui compte pour moi. Regardez-moi. Laissez votre propre expérience vous dire du côté de qui je suis ici. Laissez-moi vous demander une chose. Imaginez que vous avez un interrupteur, ici. Si vous l'actionnez, être en traitement sera entièrement votre choix. Ce n'est pas un interrupteur qui vous met dans le traitement ou dehors du traitement, c'est juste un interrupteur qui fait que d'être en traitement sera entièrement votre choix. Est-ce que vous actionneriez cet interrupteur ? Si c'était possible que ce que je vous ai dit corresponde exactement à mes intentions et que de travailler comme ça pour vous pouvait aboutir à ce que ça puisse être un choix pour vous d'être ici, est-ce que ça serait quelque chose d'important pour vous ?

Les auteurs du chapitre concluent la présentation de ces deux situations problématiques en début de traitement avec les commentaires suivants :

L'hypothèse sous-jacente, ici, c'est que ces répertoires, à la fois surcompliant et méfiant, n'ont pas fonctionné. Si vous en tant que thérapeute renforcez un comportement trop compliant ou si vous essayez de contrer une attitude de défiance butée, vous allez probablement répondre comme le fait habituellement la communauté juridique et thérapeutique et vous arriverez sans doute aux mêmes mauvais résultats. Notre hypothèse de travail dans l'ACT c'est que même les patients toxicomanes les plus chroniques sont capables de valuer et de choisir. Si nous voulons réussir le traitement, le toxicomane doit «sortir du bois», identifier quelles sont les directions de vie qu'il value et faire des choix. Toute la question de savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas est liée à la question de savoir quels sont les résultats de vie qui sont valués. Si vous croyez que le toxicomane chronique est une personne «défectueuse», incapable d'entrer en contact avec des valeurs et de faire des choix, ce message infiltrera de manière implicite votre interaction thérapeutique.

En juin 2003, une discussion à propos du travail sur les valeurs sur le forum de discussion international d'ACT est partie de la question de savoir qui soutiendrait dans ses valeurs un homme dont le rêve serait de faire autant de mal que possible à des êtres humains et à des animaux sans défense.

Laurie Greco avait répondu :

Je ne le soutiendrais évidemment pas (...) J'ai parfois trouvé que les valeurs déclarées d'un patient et les actions qui les soutiennent étaient fonctionnellement équivalentes à : Je veux être un [vous pouvez remplacer ici par la formule de votre choix : névrosé, toxicomane, anorexique, tueur de petits chiens, réfractaire à l'école, délinquant...] plus efficace. Voilà mon choix et ma valeur, est-ce que vous pouvez m'aider s'il vous plaît ? (...)

J'avais un patient adolescent qui était très attaché à cette «valeur» et ne jurait que par elle : Être quelqu'un dont les autres ont peur (essentiellement, il voulait continuer à cultiver et à développer un statut de terreur de haut niveau). Est-ce que je l'ai soutenu dans son programme pour l'aider à avancer dans la direction qui lui était chère ? Bien sûr que non. Je ne lui ai pas non plus dit qu'il avait tort, qu'il était stupide, immature ou ce genre de choses. Nous nous sommes plutôt engagés dans un travail d'exploration de cette valeur, ouvertement et en pleine conscience (sans jugement et sans défense), nous imprégnant de comment c'était d'être craint, d'être une terreur, en revenant toujours à «et après ? Et après qu'est-ce qui va se passer quand tu seras le roi des terreurs et que tout le monde et sa mère seront morts de peur rien qu'à l'idée de croiser ton chemin au point que plus personne n'osera te défier ?» Et nous poursuivons comme ça, en regardant bien de très près (les exercices de pleine conscience sont très utiles ici), enlevant une couche après l'autre et pour finir... [Tout au fond de cet adolescent hargneux je trouve un côté «plan-plan»] Et finalement sa valeur déclarée d'être «une terreur/être craint» pourrait n'être qu'une version déguisée de «Je veux être respecté par les membres de ma famille et par ceux de mon groupe de pairs.» Ou peut-être «Je voudrais pouvoir exercer un contrôle sur certains domaines de ma vie où ce n'est simplement pas possible.» Maintenant nous avons un endroit où aller. OK, il y a des valeurs qui comptent pour lui dans les domaines de la famille et du groupe des pairs. Je peux soutenir ce programme. Qu'est-ce qu'il a essayé, et comment ça a marché ? (Peut-être que le désespoir créatif revient sur la table à ce moment-là).

J'aime ce genre de cas parce que le travail sur les valeurs y est si intense. Un processus terriblement astreignant pour tous ceux qui y sont impliqués et certainement un défi posé à mes capacités d'acceptation comme thérapeute (ce qui représente une motivation importante pour moi à continuer mon propre travail d'acceptation.)

Philippe Vuille

3.8. Donner son accord et s'engager

3.8. Donner son accord et s'engager

Un mot comme «acceptation» est chargé de connotations négatives. Il suggère une attitude défaitiste, passive, résignée. Nous parlons plus volontiers de «donner la permission» ou de «donner son accord». Russ Harris propose d'utiliser le terme «expansion» plutôt que de parler d'acceptation, pour souligner l'aspect actif d'une démarche où il s'agit de «s'agrandir» pour «faire la place» aux événements privés indésirables. Le mouvement que nous aimerions rendre possible comme un choix différent des stratégies de contrôle inefficaces ou destructrices revient à embrasser activement les événements privés indésirables, à leur donner la permission d'être là. On peut le comparer à la posture du skieur qui doit apprendre à mettre le poids de son corps sur le ski aval, donc à se pencher vers le vide alors que le mouvement naturel est de chercher réconfort et réassurance en se penchant vers l'amont. Il est pratiquement impossible de skier de cette manière et on court paradoxalement davantage de risques de tomber et de se blesser. Se lancer encore et encore dans la pente est également la métaphore avec laquelle Marsha Linehan décrit (dans un chapitre paru en 1994 dans le recueil Acceptance and change : Content and context in psychotherapy) ce qu'elle appelle l'acceptation radicale:

L'acceptation radicale est une action de la personne donnant à la réalité de ce moment présent la permission d'être ce qu'il est. C'est un acte sans discrimination. En d'autres termes, il ne s'agit pas de choisir entre ce qu'on va accepter et ce qu'on va refuser ou essayer de changer. Il n'est pas question d'opérer une distinction entre ce qu'on va accepter et ce qu'on ne va pas accepter comme s'il y avait des pensées, des images, des émotions et des sensations physiques qui sont acceptables et d'autres non. La notion d'acceptation radicale est celle d'une entière permission donnée à l'instant présent d'être ce qu'il est. Il ne s'agit donc pas simplement d'une activité de la pensée ou d'une attitude intellectuelle; c'est un acte total. C'est comme de sauter dans le vide depuis une crête rocheuse. Il vous faut sauter encore et encore parce que vous ne pouvez accepter que dans l'instant présent. En conséquence, vous devez continuer à accepter activement, encore et encore, à chaque instant. Si l'acceptation radicale est comparable au fait de sauter dans le vide depuis une crête rocheuse, on peut étendre la comparaison en disant qu'il y a toujours un tronc d'arbre auquel on peut se raccrocher à peine la chute commencée si bien qu'on est aussi toujours en train de se rétablir sur une nouvelle crête en se demandant peut-être comment on est arrivé là et dont il faudra à nouveau sauter. L'acceptation radicale est ce processus de sans cesse sauter dans le vide, elle comprend aussi l'acceptation sans émettre de jugement du fait qu'on s'accroche sans cesse de nouveau aux branches.

Le fonctionnement verbal omniprésent chez l'être humain rend difficile un tel mouvement. L'intelligence verbale de l'être humain est un outil de protection et d'adaptation qu'il est impossible de «débrancher». Il fonctionne en continu, toujours au service des mêmes objectifs : assurer le confort, le bien-être, éviter le danger, l'inconfort, avec un biais permanent en faveur de ce qui est familier, connu, sûr, logique. Dans cette phase du traitement, on voit à tout moment l'intelligence du patient tenter de «reprendre la main». Avec par exemple la pensée qu'accepter représente enfin le «truc» qu'on a cherché depuis si longtemps pour enlever leur impact négatif aux événements privés désagréables. Mais si l'acceptation est utilisée dans le but de ne plus ressentir d'inconfort, elle va connaître le même sort que les stratégies habituelles de contrôle et d'évitement d'expérience. Le mouvement que nous cherchons à favoriser ne peut pas être effectué avec l'intelligence. C'est une posture ou une attitude qu'on peut adopter, et non une pensée qu'il s'agit d'avoir. Il ne s'agit ni d'aimer ce qui est désagréable ni de se convaincre qu'il «faut» l'accepter ou de se s'évertuer à penser qu'on est d'accord de l'éprouver. A tous moments, on va se retrouver dans la lutte, «au niveau des pièces» du jeu d'échecs. La mise en oeuvre de stratégies de défusion est donc indispensable pour réussir au moins par moments à adopter une posture acceptante et ouverte qui nous permettra aussi de prendre le risque de nous engager dans des actions mises au service du sens que nous souhaitons donner à notre vie.

L'intelligence va aussi interférer avec les processus de prise de risque et d'exposition inhérents à l'action d'accepter la réalité du moment présent en proposant des précautions, des aménagements, des demi-mesures et des garde-fou. L'acceptation est alors vidée de son sens d'acte total. Pas plus qu'on ne peut être vivant à 50, 80 ou même 99%, on ne peut accepter partiellement. Accepter, c'est comme sauter : Il y a un moment où les deux pieds sont dans le vide. On peut sauter depuis un escabeau, mais il est aussi possible de réduire la prise de risques en descendant par un pas, en posant un pied sur le sol avant que le second ait quitté son support. Nous cherchons dans le traitement à favoriser l'engagement dans des actions comparables à un saut plutôt qu'à un pas. Nous sommes certes favorables à une prise de risques progressive; toutefois, même si la «hauteur de saut» est faible, il est important que le mouvement d'abandon total et sans défense au moment présent puisse être exercé.

Les valeurs du patient impliquent des buts désirés et des actions pour les atteindre. Un mouvement d'acceptation dans lequel il va pouvoir faire de la place aux événements privés désagréables faisant obstacle à l'engagement dans de telles actions sera nécessaire pour qu'il puisse infléchir le cours de sa vie dans le sens qui lui est cher.

La question qui se pose ici est la suivante : pouvez-vous prendre un engagement et vous y tenir ? Est-ce qu'il vous est possible de dire : «Ma vie marcherait mieux si je faisais cette action, donc je la fais» et ensuite de la réaliser ? Et si vous faites marche arrière ou que vous vous plantez, pouvez-vous y retourner et vous y mettre une fois encore ? (...) Ce n'est pas de la vie ou des objectifs de quelqu'un d'autre qu'il est question ici mais de vous et de votre vie. Ce que je suis en train de vous proposer ne sera pas forcément une partie de plaisir. Je peux même vous dire que la première chose que vous allez probablement rencontrer sur votre chemin (si ça n'a pas déjà commencé) ce sont les mises en garde et les critiques de votre intelligence qui va vous dire que vous êtes incapable, que vous n'y arriverez jamais, etc. Voici ma question : Sachant que tout cela va arriver et que vous ne pourrez probablement pas réussir tous les jours à vivre votre engagement, est-ce que vous êtes à 100\% d'accord de prendre cet engagement ? Est-ce que vous êtes d'accord de faire ce que vous avez à faire pour que votre vie aille dans le sens qui vous est cher et d'accueillir toutes les pensées, toutes les émotions et tous les souvenirs qui vont venir quand vous le ferez ? Qu'est-ce qui s'oppose à ce que vous régliez maintenant, en ce moment précis, votre niveau d'acceptation sur «haut» ? (Manuel ACT de 1999, p. 242)

Les patients sont souvent réticents à prendre un engagement parce qu'ils craignent de ne pas pouvoir le tenir. Il est important de souligner que les échecs et les déceptions font partie du voyage. De même qu'il n'est pas possible d'apprendre à skier sans tomber, l'apprentissage de la construction progressive d'un répertoire toujours plus large et flexible d'actions efficaces et constructives ne pourra se faire sans faillir. «Personne ne peut vous apprendre à skier sans jamais tomber. C'est vrai que quand on tombe on se fait mal, c'est vrai aussi qu'on peut parfois se blesse. Ce qui compte, ce n'est pas tant de ne pas tomber, mais de se relever encore et encore, dès que possible. Tant que vous vous relevez une fois de plus que vous êtes tombé, le voyage continue.»

En fonction de la situation clinique, il m'arrive ici d'emprunter une approche de Hank Robb : «La seule façon de reprendre possession de votre vie, c'est d'accepter le risque de la perdre, ce qui finira de toutes manière par arriver. C'est vrai par exemple que la seule manière d'être sûr qu'on ne va pas mourir en voiture, c'est de ne jamais monter dans une automobile. Ce n'est qu'en acceptant que vous pourriez perdre votre vie que pourrez la vivre plutôt que de survivre en attendant votre fin.»

Philippe Vuille

3.9. Métaphores et exercices

3.9. Métaphores et exercices

Cette section regroupe la descripition des métaphores et des exercices expérientiels que nous utilisons dans la thérapie. Il n'y a pas de limites à la créativité des thérapeutes dans ce domaine. Il est important d'adapter métaphores et exercices aux particularités de la situation du patient et de ne jamais perdre de vue le contexte de la relation thérapeutique.

L'utilité du recours à la métaphore est bien expliquée en p. 83-84 du livre ACT de 1999 :

(1) Une métaphore, c'est juste une histoire. Elle ne comporte pas de prescription ou de directive. Elle se prête donc particulièrement bien à affaiblir les phénomènes de «pliance» qui jouent un rôle important dans beaucoup de problèmes. Il va être difficile pour le patient, en réponse à une métaphore, de savoir quoi faire pour «faire juste».

(2) Davantage qu'au registre du discours linéaire et logique, la métaphore appartient à celui de l'image. La réalité que la métaphore veut décrire est souvent difficile à cerner par des constructions morales ou verbales. Une métaphore bien présentée peut représenter un véritable exercice expérientiel pour le patient. L'usage de métaphores aide à faire du champ thérapeutique un nouveau contexte social/verbal dans lequel le fait de s'appuyer exagérément sur des constructions rationnelles est remis en question en même temps qu'on accorde davantage de valeur au type de sagesse résultant du contact direct avec les contingences.

(3) Il est facile de se souvenir d'une métaphore si bien qu'elle va accompagner le patient dans de nombreux domaines où l'on souhaite qu'il puisse changer de comportement. En ramenant sur le terrain du bon sens des aspects paradoxaux de la théorie qui ne pourraient être expliqués que par de longs discours qui leur feraient perdre leur substance, les métaphores permettent d'obtenir une meilleure adhésion des patients au modèle.

Philippe Vuille

Exercice de l'allumette

Exercice de l'allumette
J'aime bien illustrer l'aspect potentiellement problématique de l'évitement d'expérience par un petit exercice : J'allume une allumette et je demande au patient de l'éteindre avec une méthode simple, rapide et intelligente. Je n'ai encore rencontré personne qui ait utilisé un autre moyen que de souffler dessus. Je propose ensuite d'imaginer une situation de début d'incendie de ma bibliothèque, avec des flammes de 50 cm de haut et j'encourage le patient a essayer de les éteindre en utilisant la même méthode simple, rapide et intelligente. Il est facile de se rendre compte qu'on ne va ainsi qu'attiser le feu.
Philippe Vuille

Exercice de la position d'observateur

Exercice de la position d'observateur

La notion de «soi comme contexte» n'est pas d'un abord facile. Dans ce petit exposé pratique en partie basé sur l'approche de Hank Robb j'ai utilisé le terme de position d'observateur. Il prend la forme d'un courriel adressé à un patient présentant un «trouble anxieux» après une première séance pour lui suggérer un exercice en rapport avec les points abordés durant la séance. C'est d'ailleurs dans ce contexte que la majeure partie en a été rédigée.

Essayez le plus souvent possible d'adopter une position d'observateur de vos «événements privés». Il est vraisemblable que personne ne peut, même avec des années d'entraînement, y parvenir plus de quelques minutes par jour. Mais même quelques secondes peuvent faire une grande différence, suivant le moment.

Une position d'observateur, qu'est-ce que cela veut dire ?

Il peut être utile de distinguer les pensées, les images et les sensations. Vos pensées sont comme un programme de radio dans votre tête. Les images sont comme une photo ou comme un film (avec ou sans le son). Comme sensations physiques, vous pouvez percevoir le battement de votre coeur, un vertige, une douleur, une impression de chaleur ou de froid, etc. Même si nous pouvons avoir un certain contrôle sur nos pensées, nos images et nos sensations, elles nous «viennent» la plupart du temps sans que nous leur ayons rien demandé. Vous pouvez bien sûr décider de faire venir maintenant telle ou telle pensée. Mais le plus souvent, les «événements privés» se produisent spontanément.

Pour trouver la position d'observateur, il suffit de vous concentrer sur un objet (votre montre, un stylo, etc.) Vous remarquerez qu'il ne vous est jamais possible de vous concentrer sur cet objet au point que vous ne pouvez plus remarquer que vous êtes là en train de concentrer votre attention sur lui. La position d'observateur, c'est l'endroit depuis où vous remarquez que vous êtes en train de le faire.

Vous prouvez pratiquer (il suffit de quelques minutes par jour) l'exercice suivant qui vous donnera une meilleure idée de ce que c'est que la position d'observateur et qui vous permettra ensuite de progressivement la développer comme une ressource à laquelle vous pourrez avoir accès dans les moments difficiles. Attention ! Les moments difficiles le sont précisément parce que, pendant ces moments-là, la position d'observateur est particulièrement difficile à garder. Ils ne constituent donc pas une très bonne occasion de s'exercer. Vous risquez fort de vous décourager rapidement. Si vous voulez apprendre à skier, vous n'allez pas faire vos premiers essais sur la neige glacée d'une piste escarpée et difficile un jour de blizzard. Il vaut mieux s'entraîner par beau temps sur la petite pente ensoleillée derrière l'hôtel.

Asseyez-vous, laisser vos yeux se fermer et regardez les pensées, les images et les sensations physiques aller et venir comme vous regarderiez évoluer un paysage. Quand vous remarquez que vous avez une pensée, identifiez-la en vous disant : J'ai la pensée que... Faites-en de même avec les images (j'ai l'image que...) et avec les sensations physiques. Si vous avez la pensée qu'il ne vous vient pas de pensée, c'est déjà une pensée dont vous pouvez prendre note.

Vous pouvez aussi pratiquer de manière informelle. J'essaie par exemple de garder cette position d'observateur quand je descends à pied de la gare jusqu'à mon cabinet le matin. Il est rare que j'y parvienne plus de quelques dizaines de secondes. A tout moment, je me retrouve «dans ma tête», à jongler avec les rendez-vous, les lettres que je devrais écrire, ce que je ferai le week-end, etc. et je peux ainsi marcher plusieurs centaines de mètres en «pilotage automatique». Vous connaissez sans doute bien cette impression. Quand on remarque qu'on est ainsi «perdu», on peut toujours reprendre la position d'observateur. Il suffit de porter son attention sur certains aspects de l'environnement qui sont toujours présents. La respiration en est un. Je sais, c'est une drôle de notion de l'environnement. Mais depuis l'endroit où j'exerce cette position d'observateur, ma respiration est quelque chose de périphérique, une chose que je peux observer de la même manière que des réalités physiquement plus lointaines comme les sons et d'autre plus proches encore comme les pensées. Porter son attention sur le paysage sonore, sur les sensations auditives comme un sous-groupe des sensations physiques, est également un bon moyen de retrouver la position d'observateur dans laquelle, vous l'avez compris, il est difficile de rester longtemps. Il est particulièrement difficile de rester en position d'observateur vis-à-vis des pensées. Pourtant les pensées font aussi, depuis la position de l'observateur, partie de l'environnement. Elles sont cependant habiles à vous la faire quitter, en vous proposant d'entrer dans un débat ou de vous absorber dans l'élaboration d'un projet. Si vous avez voyagé en Afrique du Nord, vous avez dû faire l'expérience, dans les ruelles d'une Médina, de ces enfants qui s'accrochent à vos basques en voulant à tout prix vous servir de guide. Il y a les petits qui n'ont pas encore beaucoup de force et qui n'arrivent pas à nous faire dévier de notre route. Mais les grands peuvent exercer une force de traction considérable ! De la même manière, certaines pensées ont davantage de force, d'autres en ont moins. C'est également une dimension qu'il est possible, avec de l'exercice, d'observer.

Vous remarquerez peut-être que depuis cette position, vous pouvez remarquer et voir énormément de choses. Par contre, il est difficile de la voir puisque c'est depuis là que vous voyez ! Depuis elle, vous pouvez observer la tempête. Si la «météo» que vous observez quand vous regardez le «paysage» de vos événements privés peut être très changeante, il ne peut rien arriver à la position de l'observateur, qui reste accessible et inchangée quel que soit le déchaînement des éléments. On s'y trouve parfois comme dans cette partie centrale du cyclone où la vitesse du vent reste nulle et qu'on appelle «l'oeil».

Philippe Vuille

Exercice des trois chiffres

Exercice des trois chiffres

Cet exercice prend quelques minutes, il se déroule en plusieurs étapes. Quand je veux être tout-à-fait honnête, je préviens la personne qu'elle ne sera peut-être plus tout-à-fait la même après l'exercice. Êtes-vous d'accord de le faire avec moi ?

Il faut pour commencer que je vous explique un terme technique. Les psychothérapeutes ne peuvent pas s'empêcher de créer des termes compliqués pour parler de choses simples. Quand je bouge mes mains comme ça, c'est un événement public. Vous et moi pouvons le voir et nous mettre d'accord sur ce qui s'est passé. Même si je le fais quand je suis seul dans mon bureau, ça reste un événement public puisque, si une autre personne était là, elle pourrait comme moi observer ce qui se passe.

Il existe aussi des événements privés, qui ne peuvent avoir qu'un seul observateur : Si j'ai mal aux dents, je suis le seul à savoir vraiment comment est la sensation. Quand j'ai la pensée que vous devez vous demander chez quel cinglé de psy vous avez atterri, je suis le seul à pouvoir observer ma pensée. Je puis bien sûr vous en parler et ça c'est de nouveau public. Même si vous avez vous aussi parfois eu mal aux dents ou l'impression d'être «à côté de la plaque», vous ne pourrez pas observer comme je le fais moi-même mes pensées ou mes sensations physiques.

Dans la première étape de notre exercice, je vais vous poser une question. Vous allez bien sûr essayer d'y répondre. Mais je vous demanderai aussi, en même temps, de garder un oeil sur vos événements privés, de remarquer quelles sont les pensées, les images et les sensations physiques qui vont venir quand je vous poserai cette question.

Vous êtes prêt(e) ? Voilà la question :

(Monsieur X ou Madame Y) : Est-ce que vous connaissez les trois chiffres ?

Quelles sont les pensées, les images et les sensations physiques qui vous sont venues ? Souvent, les patients décrivent des pensées du genre : «Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Où veut-il en venir ? Comment, je devrais savoir ces trois chiffres ? De nouveau un truc que je ne sais pas...» Quant aux sensations physique, ce sont souvent celles qui accompagnent l'étonnement, la suprise. Quand il y a des images, ce sont souvent des images de... chiffres.

Est-ce que vous voulez bien prendre note de la réaction que vous venez d'avoir et l'enregistrer comme on enregistre un document sur le disque dur d'un ordinateur. Essayez de garder en mémoire comment vous avez réagi ce lundi 2 avril à 10 heures 30 quand je vous ai posé cette question pour pouvoir vous en rappeler plus tard. Nous allons maintenant passer à la deuxième étape de l'exercice.

Imaginez que je suis Bill Gates. Vous savez qu'il est très riche et qu'il a essayé divers moyens de faire oeuvre utile et charitable. Après bien des tâtonnements, il a fini par comprendre que le plus simple, c'était de descendre dans la rue, de trouver une personne qui lui paraissait sympathique et de lui offrir un million de dollars. Alors voilà, c'est tombé sur vous. Voici le chèque. Il va être à vous. Bon, pas tout de suite, il y a quand même une petite tâche à accomplir. Je vais vous dire trois chiffres et si vous vous en souvenez encore dans trois ans, le chèque sera à vous. Vous êtes d'accord ? Alors, écoutez bien, il y a beaucoup d'argent en jeu, c'est important que vous vous rappeliez bien. Les trois chiffres c'est... cliquez ici pour enfin les connaître !

Philippe Vuille

Les trois chiffres, suite

Les trois chiffres, suite

1... 2... et 3.

Vous les avez enregistrés ? Est-ce que vous vous en souviendrez encore la semaine prochaine ? Et dans 3 mois ? Dans une année ? Dans 3 ans, vous les aurez toujours ?

Avant de passer à la troisième étape, je vais vous proposer un petit interlude. On va voir si vous pouvez avoir les mêmes réactions que tout à l'heure quand je vous ai posé la question pour la première fois. Je me mets exactement dans la même position, je prends le même ton, j'utilise les mêmes mots.

(Monsieur X ou Madame Y) : Est-ce que vous connaissez les trois chiffres ?

Est-ce que vous arrivez à avoir les mêmes événements privés qu'il y a 5 minutes ? Qu'est-ce qui vient maintenant ?

Passons maintenant à la troisième étape :

Le million de dollars, c'était sympa. Malheureusement, c'était virtuel. Ce que nous allons faire maintenant est moins sympa. Heureusement, c'est virtuel aussi. Imaginez que votre fauteuil est une chaise électrique. Et que c'est moi qui ai le levier pour vous envoyer le 220 Volts. Oh, pas longtemps, un quart de seconde. Ça risque juste d'être désagréable. Mais je vais vous donner les moyens d'éviter ce désagrément. Je vais vous poser une question et vous devrez me répondre très vite. Si vous me donnez une réponse dans les trois secondes, je n'abaisserai pas le levier. Et vous devez faire attention à une chose : Dans votre réponse, vous pouvez me donner n'importe quels chiffres. Ils n'ont pas besoin d'être «justes». Mais il faut absolument éviter qu'il y ait 1, 2 ou 3 dans votre réponse si vous ne voulez pas recevoir de décharge. Alors, quels sont les 3 chiffres ?

Si vous réagissez comme mes patients, vous avez probablement dit : 4, 5, 6. Mais si maintenant je vous demande (j'ai débranché tous les fils, vous ne risquez plus rien), quels sont les premiers chiffres qui vous sont venus à l'esprit quand je vous ai posé la question ?

J'aime beaucoup cet exercice qui permet de faire vivre au patient l'expérience que nos pensées ne sont rien d'autre que la rencontre entre notre passé et le monde tel qu'il se présente maintenant à nous. J'y reviens souvent par la suite, à chaque fois que le patient se désole d'avoir telles pensées dans telles circonstances alors qu'il serait tellement plus agréable/«normal» d'en avoir d'autres. «Quels sont les trois chiffres ?» Et on a beau essayer de se convaincre, 4, 5, 6 ne fera jamais disparaître 1, 2, 3. On peut rajouter une couche mais jamais rien enlever. Les patients se rendent compte qu'il y a beaucoup de «réponses» qu'ils ont apprises comme ils ont appris les trois chiffres. Brigitte tu es... la réponse vient aussi vite que les trois chiffres : «Grosse et moche.» Quand on a perdu un bébé, la vision d'une poussette nous fera toujours... Quand on notre vie a basculé parce qu'une voiture nous a renversé sur un passage piétons, la vision de ces bandes jaunes sur la route nous fera toujours... Admettons que vous ne vouliez plus vivre avec ces maudits trois chiffres que cet idiot de Vuille (ça c'est mes trois chiffres à moi) vous a mis dans la tête et que vous décidiez de passe chaque matin un quart d'heure dans la salle de bains à vous regarder dans le miroir en vous répétant : «Les trois chiffres c'est 4, 5, 6.» Si on se revoit dans vingt ans et que je vous demande : «Quels sont les trois chiffres ?» Est-ce que vous ne saurez plus que les trois chiffres c'est 1, 2 et 3 ? Si on pouvait se défaire de quelque chose, qu'est-ce qui serait plus facile à oublier ? Les trois chiffres ou cette image de la voiture qui vient sur vous ?

C'est à dessein que je demande si le patient est d'accord de faire un exercice au terme duquel il ne sera peut-être plus la même personne. L'exercice permet en effet d'introduire un petit doute dans la certitude que nous sommes définis par notre programmation. Est-ce que d'avoir ce «contenu» psychique supplémentaire fait de moi une autre personne ? C'est indiscutablement vrai que je ne puis plus «redevenir» la personne qui ne savait pas quels étaient les trois chiffres et qui réagissait à la question avec perplexité. Mais d'une certaine manière je me rends rends compte que c'est toujours moi qui suis là, ici et maintenant. L'expérience de «soi comme contexte» diffère ce celle de «soi comme contenu».

Enfin, j'utilise aussi cet exercice pour illustrer le fait qu'accepter n'est pas quelque chose qu'on peut faire avec l'intelligence. Si c'est une pensée qu'on doit avoir, il en ira alors de même qu'avec toutes ces autres pensées qu'on aimerait bien avoir pour être une personne normale, équilibrée, pleine de confiance en soi etc. On a beau travailler toute la journée pour les avoir et surtout pour les garder, c'est rarement celles qu'on voudrait qui tiennent le devant de la scène. Je vais tenir à peu près ce discours :

Un million de dollars, c'est une récompense. Et une décharge électrique, c'est une punition. Dans les rapports que nous avons les uns avec les autres, nous nous dispensons rarement des récompenses et des punitions d'une telle intensité. Ça sera plutôt un sourire, une mimique bienveillante ou réjouie, ou alors une hésitation dans la voix, un froncement de sourcils ou simplement un silence. Que je le veuille ou non, je suis aussi un type intelligent donc un type qui n'arrête pas de porter des jugements et de penser que ceci est «bien» et cela «pas bien». Vous avez sûrement compris que je suis plutôt favorable à l'acceptation des événements privés désagréables. J'ai beau m'en défendre (parce que je pense aussi que ce n'est «pas bien» de vouloir vous infliger mes théories), vous voyez bien que, quand je vous demande si vous êtes d'accord d'avoir telle émotion ou telle pensée et que vous me dites «Non», il peut y avoir une nuance de désapprobation ou de déception dans le ton de ma voix ou dans mon regard. Mais si vous me dites «Oui» parce que vous préférez avoir en face de vous un thérapeute épanoui plutôt que frustré, c'est la même chose que quand vous me dites 4... 5... 6 pour ne pas recevoir de décharge. Vous savez très bien que la vraie réponse c'est «Non». Répondez-moi très vite : Vous êtes d'accord d'avoir cette nausée qui monte, cette impression que tout le sang se retire de vos membres, le coeur qui bat la chamade, la bouche sèche, la pensée que vous allez devenir fou ?

Philippe Vuille

Exercice «chocolat, chocolat»

Exercice «chocolat, chocolat»

Prononcez lentement le mot «chocolat» et observez ce qu’il éveille en vous; vous pourrez pratiquement sentir l’odeur qui vous monte aux narines après que vous avez déchiré dans un bruissement le papier d’alu entourant la tablette, sentir la réaction de vos glandes salivaires devant l’explosion du goût doux-amer dans votre bouche, la dureté du carré s’amollir en fondant avant de glisser vers votre gorge, etc.

Essayez maintenant de répéter le mot «chocolat» à haute voix, sans interruption, pendant une minute ou deux. Quand vous l’aurez répété plusieurs centaines de fois, vous n’entendrez plus que le son étrange que votre voix produit en disant ce mot. Où est passé le chocolat ? Ce n’est qu’un mot mais les mots ont le pouvoir de porter avec eux les caractéristiques des choses qu’ils désignent et ils ne cessent de le faire que si nous mettons en oeuvre des techniques visant à ne plus les entendre que comme le son qu’ils sont en réalité.

Chocolat est un exemple amusant mais que se passe-t-il avec des mots comme «je suis nul(le)» ou «j’en peux plus» quand ils vous viennent en même temps qu'une intense émotion de dégoût de soi ou de désespoir ? Votre esprit peut se montrer très convaincant quand il vous dit que ces mots-là sont la vérité vraie. Est-ce que votre expérience vous envoie le même message simpliste ? Comme avec le chocolat, le pouvoir d’évocation des mots pâlit quand vous vous concentrez sur l’expérience réelle et que vous lui donnez la place de s’épanouir comme elle est réellement et non comme votre intelligence vous dit qu’elle est. Les sensations ne vont pas disparaître pour autant, et les mots souvent non plus, mais l’expérience sera toujours différente de ce que votre esprit vous dit qu’elle est. Si ce n’est pas le cas, c’est en général un indicateur assez sûr du fait que vous êtes en train de lutter contre l’expérience, que vous ne la laissez pas prendre la place qu’elle demande avant de s’en aller et de laisser la place à d’autres sensations, à d’autres émotions, à d’autres pensées.

Philippe Vuille

L'alternative au contrôle --- La métaphore des deux boutons de réglage

L'alternative au contrôle --- La métaphore des deux boutons de réglage

Imaginez deux boutons de réglage comme celui du « volume » et de l'« équilibrage de haut-parleurs » d'une chaîne stéréo. Le bouton du « volume » représente votre souffrance (dépression, anxiété, etc..) et se déplace de 0 à 10.

Vous vous dites actuellement en venant me voir « cette souffrance est trop élevée, elle est à 10, je veux la diminuer et vous aller m'aider à le faire. » Vous cherchez à baisser le volume de votre souffrance (levez la main droite haut dans les airs et servez-vous de la main gauche pour la tirer vers le bas).

Et s'il existait un autre bouton, caché et difficile à voir? Un bouton pouvant lui aussi aller de 0 à 10.

D'ailleurs, jusqu'à présent, nous avons graduellement préparé le terrain pour que vous puissiez découvrir l'existence de cet autre bouton. Parlons-en et regardons-le. Si c'était le plus important des deux? Celui qui est le seul à faire une différence, car le seul sur lequel vous pouvez agir.

Appelons-le, le bouton de « l'accueil de ce qui m'arrive ». Il répond à la question: À quel point suis-je ouvert à vivre mon expérience du moment telle qu'elle se présente, sans chercher à la manipuler, l'éviter, la fuir, la changer, etc. ?

Lorsque votre souffrance est au degré le plus élevé de 10 (lever la main droite pour le représenter) et vous cherchez de toutes vos forces à la contrôler, à la faire baisser ou à l'enlever, alors vous refusez de vous ouvrir à cette expérience et votre degré d'accueil est à 0.

Parce-que vous ne voulez vraiment pas ressentir de la souffrance, il est probable que ce refus de vivre cette souffrance devienne lui-même une autre souffrance. La souffrance étant élevée et l'accueil étant bas, la souffrance reste bloquée, coincée là et il y a encore plus de souffrance ajoutée.

Vous avez cherché depuis longtemps à contrôler votre souffrance et cela ne fonctionne pas. Ce n'est pas que vous n'êtes pas assez intelligent ou que vous n'avez pas fait assez d'effort, c'est peut-être tout simplement parce-que ça ne fonctionne pas comme cela.

Et qu'en est-il de ce bouton d'accueil? Différemment du bouton de réglage de la souffrance, sur lequel il n'y a pas de contrôle, le bouton de réglage de l'accueil peut bouger tel que vous le choisissez. Cette attitude d'accueil de ses expériences n'est pas une réaction, comme une émotion ou une pensée, c'est plutôt un choix que vous faites.

Ce bouton de réglage de l'accueil était à un degré plutôt bas jusqu'à présent. Le fait de venir en thérapie pourrait être en soi une indication qu'il était réglé au degré le plus bas. Et si on l'augmentait?

En arrêtant d'agir sur le bouton de réglage de votre souffrance, votre souffrance sera basse -- ou élevée. Quand elle est basse, elle sera basse jusqu'à ce qu'elle remonte.... et qu'elle ne soit plus basse.... pour qu'elle redevienne élevée. Quand elle est élevée, elle sera élevée jusqu'à ce qu'elle ne soit plus élevée.... et qu'elle redevienne basse. Cette vague description est le mieux qu'on puisse faire pour décrire le fait d'avoir le bouton de réglage de l'accueil élevé. Il n'y a pas de mot pour le décrire.

Une des chose que votre expérience vous confirme si vous voulez agir sur le bouton de réglage de la souffrance est de mettre le bouton de réglage de l'accueil à très très bas et tôt ou tard lorsque la souffrance arrive, elle reste bloquée et coincée et vous avez encore plus de souffrance. C'est très prévisible. Tout cela alors que vous voulez la baisser. Si vous mettez le bouton de réglage de l'accueil au degré élevé, alors la souffrance aura la liberté de bouger. Parfois, elle sera basse, parfois elle sera élevée, et dans les deux cas, vous resterez à l'extérieur d'une lutte inutile et frustrante qui ne vous amène que dans une seule direction. Ne croyez pas ce que je vous dis, mais ce que votre expérience vous indique jusqu'à présent.

Il pourrait être tentant de vous servir du bouton de réglage de l'accueil pour vous dire que c'est une autre façon indirecte de contrôler la souffrance. Rappelez-vous toutefois que ce que vous ne voulez pas, vous l'avez. Si vous êtes prêt à l'avoir pour vous dire que c'est une manière de vous en débarrasser, alors ce n'est pas « être ouvert à votre expérience ». En accueillant votre souffrance sans chercher à la fuir ou l'enlever --- qu'elle monte ou descende --- vraiment, cela n'a pas d'importance.

Encore une fois, cette attitude d'accueil n'est pas une pensée ou une émotion. Vous ne la trouverez pas non plus en suivant une règle de comment la trouver. Vous la trouverez en le faisant---- en faisant le choix de le faire.

(adapté de "Two scales metaphor" du protocole de "General therapy manual" de Zettle par Cristel Neveu, psychologue)

Cristel Neveu

L'alternative au contrôle --- Métaphore du livre

L'alternative au contrôle --- Métaphore du livre

Ce livre représente toutes les pensées, émotions qui vous dérangent (être spécifique pour le client: dépression, soucis, mauvais souvenirs).

Maintenant, je souhaiterais que vous le mettiez devant vous, collé à votre nez. Comment pouvez-vous avoir une conversation avec moi en ce moment. Vous sentez-vous engagé, en contact à moi? Que se passe t-il dans le reste de la pièce quand toute votre attention est centrée sur ces pensées et émotions? Donc, quand vous êtes absorbé par tout cela, vous vous déconnectez du monde autour de vous. Vous ne pouvez pas être présent, ici avec moi, quand vous êtes préoccupé par votre contenu intérieur.

(Se mettre debout pendant que le client reste assis) Mettez le livre devant vous, au bout de vos mains et pousser le livre le plus loin possible (pendant que le thérapeute pousse de son côté contre le livre). Alors vous voilà en train de pousser le plus loin possible ces pensées et émotions désagréables. Bien sûr, vous les maintenez à la distance d'un bras, mais qu'est-ce que cela vous coûte de faire cela? Comment vous le sentez dans vos épaules? Et après une heure ou une journée complète à faire Ça? Tout en poussant toujours, et si je vous demandais de conduire une auto, de câliner votre bébé ou d'embrasser quelqu'un que vous aimez, pendant que vous faites cela, pourriez-vous le faire? Et comment avoir une conversation avec moi en ce moment? (arrêter de pousser et reprendre le livre).

OK. Essayons autre chose. Placez le livre sur vos genoux. N'est-ce pas plus facile? Comment sont vos épaules en ce moment? Si je vous demande de faire les mêmes choses que tantôt, comment c'est d'avoir une conversation avec moi, plutôt que de faire (mimer pousser) ou de l'avoir juste collé sur vous (mimer en mettant ses mains collées au visage). Dans un monde idéal, vous souhaiteriez probablement faire ça (faire semblant de jeter le livre par terre). Mais vous l'avez essayé depuis plusieurs années (garder le livre dans les mains), vous avez essayez A'B'C'D' (dire 5-6 stratégies de contrôle utilisées par le client) et c'est encore là (pointer du doigt le livre).

Rendu à ce point, on peut se demander, depuis quand est-ce que vous luttez avec ces pensées et émotions? (souvent depuis l'enfance) donc ce contenu est apparu depuis que vous avez 15 ans (selon le cas, mettre l'âge d'apparition). Et maintenant, quel âge avez-vous? 36? Donc depuis 21 ans vous luttez contre ce contenu et c'est encore là.

Je ne sais pas comment vous pouvez faire pour empêcher que ce contenu arrive, du moins à long terme. Même si vous l'éloignez pour un temps, un jour ou l'autre il revient encore. Qu'est-ce que votre expérience vous dit? Et il y a une bonne raison à ça, c'est que vous êtes un être humain. La vie est parfois difficile et donc, nous vivons tous des pensées et émotions douloureuses. Bien sûr, certaines personnes en vivent plus que d'autres, mais ça ne change en rien que ce contenu va toujours revenir d'une manière ou d'une autre, vous n'avez pas de choix. Vous avez toutefois le choix de décider ce que vous allez en faire quand il apparaît. Est-ce que vous faites cela (mains collées sur nez) ou cela (tenir le livre éloigné) ou sur vos genoux. Quel est le plus facile? Quel est celui qui vous donne le plus de liberté d'agir et demande le moins d'effort?

Maintenant, pourriez-vous vous lever? (on se place devant le client et on lui dit qu'il imagine que derrière lui se trouve une vie riche et pleine de sens. Se mettre debout avec le livre et lui demander de pousser à nouveau en reculant un peu pour le faire avancer faire soi quand il pousse) Maintenant, dans quelle direction allez-vous? Allez-vous vers plus de vitalité?

Donc, si vous voulez de la vitalité, du sens, où devez-vous aller? (le client pointe derrière lui) OK, tournez-vous et faites quelques pas dans cette direction. (l'arrêter aussitôt en disant) attendez, vous avez oubliez quelque chose (lui remettre le livre) Vous ne pouvez pas laisser ça derrière vous. Cela fait partie de vous. Ce sont vos pensées, émotions, souvenirs, partout où vous allez, ils y vont aussi. La question c'est: comment voulez-vous les porter? (le prend en dessous de ses bras) Bien. Donc vous pouvez les amener, et ils ne vous empêchent pas de faire ce que vous voulez faire.

→ Lorsque le client veut maintenir sa volonté de contrôler son intérieur lui demander: Depuis combien de temps essayez-vous de vous débarrasser de cela? Combien de temps, d'énergie, d'effort avez-vous dépensez pour y arriver? Qu'est-ce que cela vous a coûté en terme de santé, vitalité, relation à lutter contre cela? Combien d'énergie dépensée à contrôler?

(adapté de ACT in a nutshell de Russ Harris par Cristel Neveu, psychologue)

Cristel Neveu

Métaphore de la maison

Métaphore de la maison

Imaginez que vous êtes une maison. De la même manière que la maison offre de l'espace pour ses habitants, pour tous les meubles et les objets qu'elle contient, nous sommes un espace pour nos pensées, nos sensations physiques, nos émotions et nos expériences. Les gens dans la maison vont et viennent, ils peuvent même déménager et être remplacés par d'autres, le mobilier et les autres objets peuvent changer de place. Peu importe qui l'habite et comment elle est décorée, la maison reste la même. La maison ne se soucie pas de savoir qui sont ses habitants et comment ils mènent leur vie. Elle leur offre simplement l'espace nécessaire pour que leur vie puisse se dérouler.

De la même manière, un théâtre offre un espace où peuvent se dérouler des drames ou des comédies, où les acteurs peuvent s'entretuer ou se congratuler, les spectateurs rire ou pleurer sans que le théâtre lui-même en soit affecté. Et une cuisine n'est pas modifiée par la nature ou la qualité des plats qui y sont préparés.

Le rapport entre le ciel et la météo offre encore une possibilité de rendre présente la distinction entre contenant et contenu. Qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige, le ciel est immuable.

Philippe Vuille

Métaphore de la partie d'échecs

Métaphore de la partie d'échecs

Imaginez le plateau d'un jeu d'échecs qui ne serait pas limité à 8 cases sur 8 mais qui s'étendrait à l'infini dans toutes les directions comme un plan. Et sur ce plateau, comme les pièces du jeu d'échecs, vos «événements privés» : Pensées, images, sensations physiques. On peut en gros les classer en deux équipes. Il y a les blancs : En général, les bonnes pensées ne sont pas très loin des images sympa et des sensations physiques agréables. Et puis les noirs. Les mauvaises pensées font équipe avec les images qu'on préfère ne pas regarder et les sensations physiques désagréables. Comme dans le jeu d'échecs, les deux équipes luttent pour contrôler le terrain. (On peut choisir n'importe quel autre jeu opposant deux équipes, en fonction des intérêts du patient et des siens propres. Je propose souvent l'exemple d'un match de football.) Est-ce que vous avez remarqué en vous une lutte de ce genre ? Depuis combien de temps dure-t-elle ? Est-ce que vous tenez pour une des deux équipes ? Et que faites-vous, dans cette partie ? Où êtes-vous ?

En général, le patient remarque qu'il a une telle lutte et qu'il «tient» évidemment pour les blancs. Certains disent que la lutte est là depuis toujours. D'autres en situent le début avec le début de leur «problème». Un de mes patients s'est pourtant rendu compte qu'avant le début du «problème», il avait déjà un «match». Simplement, les blancs gagnaient régulièrement toutes les parties et c'était sympa d'être sur le terrain entre Beckham et Zidane... Les patients se rendent compte qu'ils sont DANS la partie. Je ne manque pas de leur dire que moi aussi, je passe énormément de temps DANS la mienne. Mais il peut y avoir des aspects problématiques à cela. Est-ce que c'est fatigant ? En général, les patients sont unanimes pour le dire. Est-ce que c'est déjà arrivé qu'une des deux équipes gagne définitivement ? Le foot est ici presque plus parlant que le jeu d'échecs. On peut se rappeler ces soirs où on était dans la tribune en train de brandir la coupe aux accents de «We are the champions». Le lendemain, il faut pourtant recommencer la partie. On se rappelle aussi, et c'est généralement plus fréquent, toutes les fois où on pleurait, effondré, sur le terrain pendant que les noirs ivres de triomphe faisaient leur tour d'honneur. Mais le lendemain aussi, la partie recommençait. A qui sont les blancs ? A moi bien sûr. Et les noirs ? A moi aussi. Comment voulez-vous gagner cette partie contre vous-même ?

Arrivés à ce point, il est temps de rendre le patient attentif au fait qu'il existe peut-être une autre position. Le plateau du jeu d'échec où le stade de foot ne subissent pratiquement aucune fatigue du fait de la partie qui s'y joue, ils ne tiennent pour aucune des deux équipes et sont en contact avec l'intégralité des pièces ou des joueurs. Nous aimerions lui donner les moyens d'occuper cette place-là, d'avoir ce type de rapport avec les pensées, les images et les sensations physiques qui l'habitent. Ce n'est pas facile et on ne peut jamais y rester longtemps. Notre mouvement naturel est de retrousser nos manches et de retourner sur le terrain. Dans beaucoup de situations ça ne pose pas de problèmes et c'est même souhaitable (c'est par exemple très utile pour la résolution des problèmes de réalité, ces problèmes «extérieurs à notre peau» qui forment l'essentiel de ceux que nous devons résoudre dans notre vie quotidienne et notre activité professionnelle.) Nous ne risquons pas de désapprendre à aller sur le terrain ou de ne plus en trouver le chemin. Mais nous pouvons apprendre à en sortir, au moins pour un moment, et nous pouvons apprendre aussi progressivement à reconnaître les situations et en particulier les pensées qui nous y «aspirent».

J'invite les patients à garder cette image avec eux et je pose parfois à brûle-pourpoint pendant la séance la question : Et cette pensée que vous venez d'avoir, c'est une pièce de quelle couleur sur votre jeu d'échecs ? La métaphore peut être utilement complétée par des exercices simples de pleine conscience comme celui où on visualise des feuilles se déplaçant lentement sur une petite rivière et où on dépose sur elles, au fur et à mesure qu'on les reconnaît, les pensées qui apparaissent avant de les regarder s'en aller et d'attendre la suivante. On va tôt ou tard «perdre le fil», partir avec une pensée au lieu de la laisser partir. Quand on s'en rend compte, on revient à l'exercice. Partir avec une pensée, c'est l'équivalent de «descendre sur le terrain».

Philippe Vuille

Métaphore de la personne dans le trou

Métaphore de la personne dans le trou

Imaginez que la vie c'est comme ça : On vous bande les yeux, on vous met en bandoulière un sac contenant un outil et on vous dit «Va ma fille, c'est ta vie». Vous apprenez à faire votre chemin, à reconnaître le bruit de la rivière pour éviter de vous mouiller les pieds, à mettre les bras devant vous pour repérer les arbres avant de vous taper la tête contre eux. Ce qu'on ne vous a pas dit c'est que, çà et là, il y a des trous dans le terrain. De la même manière que certains gagnent des millions à la loterie, il est bien possible que l'un ou l'autre chanceux fasse toute la route en évitant par simple hasard les trous qu'il ne peut pas voir. Mais tôt ou tard la plupart d'entre nous faisons l'expérience de la chute dans un trou et c'est ce qui vous arrive. Que faites-vous alors. Vous enlevez le bandeau ? Pourquoi pas. Vous déballez l'outil ? C'est l'occasion de réaliser que c'est une pelle. Que faites-vous à ce moment-là ?

La plupart des patients donnent des réponses très intelligentes comme de façonner des marches d'escalier ou de creuser un tunnel pour rejoindre la surface en diagonale. C'est intelligent mais est-ce que ça marche ? Quelle est votre expérience, depuis le temps que vous essayez de sortir du trou avec des méthodes intelligentes ? Pendant qu'on taille des marches ou qu'on creuse un tunnel, on a des ampoules aux mains, mal au dos et de la sueur dégoulinant sur le visage mais au moins on a l'impression de faire quelque chose. Est-ce que tous vos efforts vous ont permis de sortir du trou ? Est-ce que vous n'avez pas dû constater en fin de compte que le terrain est friable, un véritable gruyère, qu'il y a toujours ce coup de pelle de trop qui ouvre un nouveau vide sous vos pieds, vous précipitant dans un trou toujours plus grand, selon la logique voulant qu'avec une pelle, en fin de compte, on ne peut que creuser. Comme la plupart des gens qui consultent un thérapeute, vous pensez sans doute qu'il possède un outil meilleur que le vôtre, une pelle à lame de titane, avec micro-processeur intégré. Je dois vous décevoir : Même en admettant que ma pelle soit meilleure que la vôtre, on ne peut aussi l'utiliser que pour creuser. Il nous faudra trouver autre chose.

Philippe Vuille

Métaphore de la tante Irma (adaptation de la métaphore du clochard à la porte - bum at the door)

Métaphore de la tante Irma (adaptation de la métaphore du clochard à la porte - bum at the door)

Tante Irma

Imaginez que vous venez d’acheter une nouvelle maison et que vous avez décidé de pendre la crémaillère en famille. Au dessus du porche de votre nouvelle maison vous avez accroché un signe : « Bienvenue à tous ! » Dans votre famille, tout le monde est sympa et bien élevé. Tout le monde, sauf tante Irma. Irma c’est le mouton noir, le cauchemar de toute la famille. Elle. Pour tout dire elle sent mauvais, est sale, grossière, goinfre, mal fagotée, parle trop fort, prend la mouche pour un rien et, vraiment, vous ne pouvez pas la voir. En fait, vous n’avez jamais pu la supporter. La plupart des gens qui la connaissent sont d’accord pour dire qu’elle est répugnante. Donc vous avez invité toute la famille. Sauf elle. Vos invités arrivent. Tout se passe bien et bientôt la fête bât son plein. Tout le monde s’amuse. Soudain, on sonne à la porte. Vous regardez par le judas et qui voyez-vous ? Tante Irma qui s’impatiente et commence même à tambouriner à la porte. Mon Dieu mais qu’est-ce qu’elle fait là ? Comment a-t-elle su pour la fête? Quelles sont vos options ? Ne pas ouvrir et alors elle va s’entêter et faire un scandale dans la rue. La fête risque alors de s’arrêter et tout le monde va se préoccuper d’Irma. Ouvrir et essayer de l’empêcher d’entrer ? Même résultat, vous le savez d’expérience. Essayer de la raisonner? Même pas la peine, vous le savez bien. Elle va simplement pointer vers le signe “bienvenue à tous” et se mettre à vous hurler dans les oreilles. Une autre possibilité, c’est de lui ouvrir grand la porte, lui souhaiter la bienvenue, vous excuser d’avoir oublié de l’inviter et lui indiquer où se trouve le buffet. Vous pouvez faire cela sans pour autant avoir à l’aimer ou l’apprécier, sans avoir à être d’accord avec ses opinions ridicules, sans avoir à apprécier sa goinfrerie, sa saleté, ni ses mauvaises manières. Votre opinion est entièrement distincte du fait que vous puissiez être disposé à la recevoir dans votre maison. Si vous choisissez une des autres options, votre fête va changer de nature et se centrer entièrement sur Irma. Que vous essayez de l’empêcher de rentrer ou que vous cherchiez à surveiller son comportement une fois qu’elle sera rentrée, le résultat sera le même pour vous. Au lieu d’une fête de famille au milieu des gens que vous aimez, vous vous retrouverez entièrement accaparé par Irma et ses défauts. Si vous l’accueillez sans sincèrement lui souhaitez la bienvenue, c’est ce qui va se passer, vous allez plus ne penser qu’à elle et la surveiller du coin de l’œil. Ça ne sera plus vraiment une fête mais plutôt une véritable corvée. Dans cette métaphore, Irma c’est bien sûr les émotions et les pensées que vous n’aimez pas et qui apparaissent dans votre esprit sans crier gare comme Irma à la porte. La question c’est l’attitude que vous adoptez par rapport à vos pensées et émotions. Sont-elles les bienvenues ? Pouvez-vous choisir de les accueillir, même si vous n’aimez pas le fait qu’elles soient venues ? Et si vous refusez de les accueillir, comment pensez-vous que va se passer votre fête ?

L’illusion c’est bien souvent qu’en n’étant pas disposé à les accueillir, on a plus de chance d’avoir l’esprit tranquille. La réalité est exactement le contraire. En fait la plupart des clients remarque que quand on fait tout pour empêcher une réaction de se joindre à la fête, d’autres réactions indésirables font leur entrée sur ses talons, ce qu’un thérapeute a pu appeler « les potes d’Irma ».

benjamin schoendorff

Métaphore des deux potentiomètres

Métaphore des deux potentiomètres

Imaginez un appareil de radio dont le programme est parfois harmonieux mais trop souvent désagréable, avec des sons stridents et dysharmonieux. A chaque fois que c'est le cas, vous vous ruez sur le potentiomètre de réglage pour essayer de trouver un programme plus plaisant mais vos efforts ne sont que rarement récompensés. En fait, tout se passe comme si ce bouton n'avait pratiquement aucun effet. Bien sûr le programme finit parfois par redevenir agréable après que vous vous êtes longtemps escrimé à manipuler les réglages, mais ne le serait-il pas aussi redevenu si vous n'aviez rien fait ? Et vous savez à quel point il est angoissant de constater que vos efforts pour contrôler ce que vous pensez et ressentez n'ont aucune prise.

En fait, il y a sur la face cachée de l'appareil un autre potentiomètre. Celui-là ne change pas le programme mais il est beaucoup plus important parce que vous pouvez le contrôler. C'est le potentiomètre de l'acceptation et vous pouvez décider si oui ou non vous voulez le régler sur «haut». Tant qu'il est réglé sur «bas», une anxiété de niveau 4 va augmenter jusqu'au niveau 6 et une anxiété de niveau 6 va augmenter jusqu'au niveau 9 et ainsi de suite dans un mouvement auto-amplifié poussant au maximum toutes vos sensations et vos pensées désagréables. Vous connaissez ces clefs à cliquet fonctionnant de manière à ce que tout mouvement que vous leur imprimez ne peut avoir qu'un effet, celui de serrer davantage, quel que soit le sens dans lequel vous agissez. C'est ainsi que fonctionne le système quand le niveau de l'acceptation est bas. Quand vous décidez de régler le potentiomètre de l'acceptation sur «haut» et que vous choisissez de rester ouvert à votre expérience, sans tenter de la modifier, de l'éviter, de lui échapper etc., votre anxiété (ou votre dépression, votre colère, etc.) sera basse quand elle sera basse et elle sera haute quand elle sera haute et dans les deux cas vous serez libéré de la lutte inutile et contre-productive pour essayer de la faire diminuer. Votre anxiété pourra évoluer librement et vous pourrez vous occuper d'autre chose que de tourner inlassablement un bouton inefficace qui vous fait rester tout près du récepteur, en contact étroit avec ce que vous cherchez à fuir, contraint à remettre à plus tard les actions qui vous permettraient de faire de votre vie ce que vous aimeriez en faire.

Philippe Vuille

Métaphore des représentants de commerce

Métaphore des représentants de commerce

Elaborée dans mon travail avec un commerçant, cette métaphore peut être adaptée en fonction des particularités de la situation du patient.

Vous pouvez imaginer que vos pensées sont comme des représentants de commerce. Certains sont plus doués, plus persuasifs et plus tenaces que d'autres. Si vous cherchez à vous en débarrasser, il vous en coûtera beaucoup d'énergie et vous passerez beaucoup de temps à vous occuper d'eux et donc au contact du message qu'ils veulent vous délivrer. Même si vous refusez de leur donner un rendez-vous ou faites répondre par votre secrétaire que vous n'êtes pas disponible, ils finiront toujours par refaire surface, dans les couloirs ou sur le parking, et par vous imposer leur boniment. Vous ne pouvez pas les empêcher de le faire mais c'est à vous de décider si vous voulez ou non acheter ce qu'ils vous proposent. Regardez si vous pouvez reconnaître vos représentants, les saluer, observer ce qu'ils vous disent puis les laisser repartir sans discuter, sans argumenter avec eux et sans vous laisser dévier de la ligne de conduite que vous vous êtes fixée.

Philippe Vuille

Métaphore des sables mouvants

Métaphore des sables mouvants

Quand on est pris dans les sables mouvants, la réaction naturelle est de chercher à s'en échapper. En soulevant désespérément un pied dans le but de l'extirper, on ne fait qu'augmenter la pression exercée par l'autre pied sur lequel repose désormais tout le poids du corps et on s'enfonce davantage. Paradoxalement, la seule façon d'échapper à l'engloutissement consiste à se coucher dans le marécage puisqu'en augmentant ainsi la surface de contact avec la boue nauséabonde on diminue la pression exercée par le corps et on se donne une chance de flotter.

Êtes-vous d'accord de vous laisser aller de tout votre corps dans ce marécage d'angoisse (ou de dépression) ?

Philippe Vuille

Métaphore du GPS

Métaphore du GPS

J'aime bien voir cette voix que j'ai dans la tête, la voix de mon intelligence qui est toujours en train d'analyser le monde qui m'entoure et de me dire comment je dois m'y prendre pour m'y déplacer de façon sûre et efficace, comme un de ces systèmes GPS qu'on installe maintenant dans les voitures. Une voix vous dit de tourner à droite au prochain carrefour, de continuer tout droit, etc. Vous savez que ces systèmes sont perfectionnés et souvent très utiles. Pourtant, il vaut la peine de garder les yeux ouverts : Certains conducteurs se sont retrouvés dans l'eau parce qu'un pont avait été démoli et que le programme n'avait pas été mis à jour. Quelque part dans le Nord de l'Europe, un chauffeur routier s'est trouvé coincé entre deux maisons avec son camion. La rue dans laquelle il l'avait engagé menait bien là où il voulait aller mais elle était trop étroite pour un véhicule de cette largeur ! Des accidents se produisent parfois aussi parce qu'un conducteur s'occupe de manipuler l'appareil et néglige de regarder la route...

Ce que vous dit votre intelligence est forcément logique. Et elle vous dit que ce n'est pas seulement une pensée mais tout simplement la vérité. Mais est-ce que de faire ce qu'elle vous dit de faire va vous conduire dans la direction chère à votre coeur ? Ce n'est pas en tripotant les boutons de l'appareil que vous trouverez la réponse à cette question !

Philippe Vuille

Métaphore du bus

Métaphore du bus

Imaginez que votre vie est un bus. C'est vous qui tenez le volant dans vos mains. Les passagers, ce sont tous vos souvenirs, toute votre programmation, vos pensées, vos émotions, vos sensations physiques. Vous rappelez-vous du nom de votre institutrice durant la première année d'école ? Eh bien, Madame Campiche fait le voyage avec vous. Est-ce qu'elle vient souvent vous déranger ? Le plus souvent il s'agit d'un souvenir neutre et on peut dire qu'elle est assise quelque part au milieu du bus près d'une fenêtre, tranquille, regardant le paysage. A la différence du bus que nous prenons pour aller travailler dont le nombre de places est limité et dont les passagers montent et redescendent, celui de notre vie ne fait que s'allonger avec les années parce que les passagers qui sont montés ne redescendent jamais. En fait, ceux qui semblent être descendus ne sont jamais vraiment montés. Nous avons peut-être oublié le nom du camarade qui était notre voisin de pupitre dans la classe de Madame Campiche.

Mais il y a dans le bus un certain nombre de passagers qui ont une sale tête. Balafrés, menaçants, jouant avec un couteau à cran d'arrêt ou un coup de poing américain, ils boivent de la bière vautrés sur la banquette au fond du véhicule. Tant qu'ils y restent et ne se manifestent pas trop, nous pouvons nous sentir plus ou moins à l'aise si bien que nous sommes prêts à faire avec eux le compromis nécessaire pour qu'ils se tiennent tranquilles : renoncer à conduire le bus là où ils ne veulent pas aller. Ça ne pose pas trop de problèmes tant que la route est droite. Mais quand survient un carrefour, la question du choix de la direction se pose. Avec le temps, on finit par bien connaître les passagers menaçants et par savoir que, si on fait mine de s'engager dans telle ou telle direction, ils vont se précipiter dans le couloir et venir jusqu'à nous, tout près, nous menacer de leurs armes pour exiger que nous allions là où ils le veulent. Probablement que vous avez, comme moi, tout essayé : le plus logique est de tenter d'expulser les passagers du bus. Mais pour ça, il faut lâcher le volant. Là, notre vie n'avance plus. Et on finit toujours par constater qu'ils ont trouvé moyen de revenir par la porte de derrière quand on croyait s'en être débarrassé par devant. La seule manière d'être tranquille c'est finalement d'aller où ils veulent. Avec le temps, on peut les connaître si bien qu'on renonce même à actionner le clignoteur ou à toute autre velléité de s'écarter de la route tracée et on peut même finir par (presque) oublier la présence des importuns désormais calmés. Le prix à payer c'est que notre vie ne va plus dans la direction qui nous est chère. Est-ce que votre vie vous appartient ou est-ce que c'est celle de vos passagers, de la programmation dont votre passé vous a fait le dépositaire ? De quel métal les couteaux des passagers sont-ils faits ?

Philippe Vuille

Métaphore du tir-à-la-corde avec un monstre

Métaphore du tir-à-la-corde avec un monstre

La métaphore du tir-à-la-corde avec un monstre

La situation ressemble à une partie de tir à la corde avec un horrible monstre. Il est énorme, très vilain et d’une force peu commune. Entre vous et le monstre il y a un ravin qu’on dirait bien sans fond. Si vous perdez cette partie de tir-à-la-corde, vous allez tomber dans ce ravin et y disparaitre. Alors vous tirez tant et plus ; mais plus vous tirez fort, plus il vous semble que, de son côté, l’horrible monstre tire plus fort lui aussi. En fait, il vous semble bien que vous vous rapprochez de plus en plus dangereusement du bord du précipice. La chose la plus difficile à réaliser c’est que votre tâche n’est pas de gagner au tir-à-la-corde avec ce monstre. Votre tâche, c’est de lâcher la corde.

NB : le tir-à-la-corde (ou lutte-à-la-corde) est une discipline sportive qui n’est plus très populaire en France. Et pourtant elle a été discipline olympique de 1900 à 1920. En 1900, la France a même gagné la médaille d’argent. Il n’y avait cette année là que deux équipes en compétition, France et Suède.

benjamin schoendorff

Métaphore «La vie comme une course cycliste»

Métaphore «La vie comme une course cycliste»

D'une certaine manière, la vie, c'est comme une course cycliste. Du matin au soir, il faut pédaler. Et comme les coureurs du tour de France, chacun de nous porte un maillot sur lequel figurent des inscriptions, des mots qui disent pour qui nous roulons. Comme le disait un de mes patients : «Il faut savoir pour quelle maison on voyage, hein, Docteur !» Et comme le chantait Bob Dylan, qu'on le veuille ou non, on sert toujours un maître.

On peut penser que rien n'a d'importance, ou répondre «je ne sais pas» à l'excellente question de mon patient. Ça ne veut pas dire pour autant qu'on porte un maillot vierge de toute inscription. Il va plutôt porter des mots comme RIEN ou JE NE SAIS PAS. Et quel goût ça a, une vie où on pédale pour la maison RIEN ou la maison JE NE SAIS PAS ?

Imaginez maintenant un grand magasin avec des piles et des piles de maillots portant toutes sortes d'inscriptions. ÉLÉGANCE, GÉNÉROSITÉ, LOYAUTÉ, FAMILLE, SANTÉ, AMOUR, GENTILLESSE, HONNÊTETÉ etc. Et que vous pouvez choisir, gratuitement, celui que vous aimeriez porter. Lequel prendrez-vous ?

Et regardez ce qui se passe. Si vous réagissez comme moi, cette voix dans votre tête que vous connaissez si bien va immédiatement vous expliquer pourquoi aucun de ces maillots qui vous plairaient ne pourra convenir. « ÉLÉGANCE ? Non mais tu plaisantes ! Tu t'es déjà regardé dans la glace ?» Ou bien «GÉNÉROSITÉ ? Égoïste comme tu es !» Ou encore «AMOUR ? Pour en prendre plein la gueule encore une fois ?»

Est-ce que vous pourriez à la fois avoir toutes ces pensées ET prendre le maillot que vous trouvez vraiment chouette, celui qui portera la ou les qualités que vous choisirez de rendre importantes dans votre vie ? Une fois que vous l'aurez enfilé, trouvez un but, de préférence un petit but pas trop éloigné, une action simple qui vous ferait avancer dans la direction de cette valeur FAITES-LA. La fameuse voix sera bien sûr du voyage, vous pouvez compter sur elle pour essayer de vous ramener sur les routes anciennes où on ne risquait pas grand chose. Regardez si vous pouvez lui faire de la place, si vous pouvez la prendre avec vous sans essayer de la faire taire mais sans lui obéir non plus.

Philippe Vuille

Métaphore «Votre vie comme un film»

Métaphore «Votre vie comme un film»

Imaginez que votre vie est un film. Bien des épisodes ont déjà été tournés, ils sont «dans la boîte» et on ne peut plus rien y changer. Mais le film continue. A l'instant où vous me lisez, vous pouvez imaginer une caméra cadrant votre visage devant l'écran, ou vos mains sur la souris. Quand vous quitterez la pièce pour rejoindre ceux que vous aimez ou retrouver votre solitude dans un autre lieu, la caméra pourrait vous suivre.

Imaginez maintenant que vous n'êtes plus simplement un personnage dans ce film, mais la metteuse en scène. On vous met à disposition une actrice qui va jouer votre rôle, et vous pourrez lui donner les instructions que vous voudrez. Vous pourrez lui dire exactement comment elle devrait se déplacer, ce qu'elle devrait faire avec ses bras et avec ses mains, ce qu'elle devrait dire. Votre pouvoir sera toutefois limité : Vous ne pourrez pas aller voir le scénariste pour lui demander de revoir sa copie et de la rendre moins cruelle. Et vous ne pourrez pas diriger les autres acteurs. La maladie, le deuil, l'échec, vous n'y pourrez rien changer, pas plus que vous ne pourrez obtenir de votre mari, de vos enfants ou de votre patron qu'ils se comportent comme vous le souhaitez.

Dans cette situation difficile que la vie a mise devant vous, quelles instructions donneriez-vous à l'actrice pour que le film de votre vie ressemble davantage à ce que vous aimeriez en faire ?

Regardez si vous pouvez préparer, pour une situation problématique dont vous savez qu'elle revient souvent, des instructions pour l'actrice et, le moment venu, les suivre, même si la voix dans votre tête qui est souvent (mais pas toujours) de bon conseil vous dit «ce n'est pas le moment, pas cette-fois ci, il y aura sûrement une occasion plus favorable...» Vous pouvez aussi utiliser cette métaphore comme une sorte de «lampe d'Aladin» que vous pourriez frotter dans les situations difficiles pour vous donner un peu de distance, un peu d'espace, et prendre vous-même, en mode «manuel», le contrôle de vos jambes, de vos bras et de votre bouche plutôt que de laisser le «pilotage automatique» de vos pensées et de vos émotions vous enfermer dans la répétition d'un rôle qui ne correspond pas à ce qui est cher à votre coeur.

Ah, juste encore un truc. Quand je leur propose cette image, mes patients me disent souvent qu'ils diraient à l'acteur d'«avoir confiance en lui», d'«être détendu» ou «de se dire que tout ira bien». N'oubliez pas que vous pouvez piloter ses mouvements, et pas ce qu'il pense ou ce qu'il ressent. Il faudra faire semblant, alors ? Si vous avez eu cette pensée, pouvez-vous la reconnaître comme un passager venu du fond du bus pour s'assurer que vous allez bien continuer à tourner en rond sur les mêmes vieilles routes ? C'est sûr que quand on essaie pour la première fois des mouvements inhabituels, le résultat peut manquer de fluidité et paraître peu naturel. Si vous pratiquez encore et encore, vous devriez finir par gagner en spontanéité. Et si ce n'est pas le cas... Je vous propose de méditer cet aphorisme que nous devons (je crois) à la plume alerte de Hank Robb : Si une chose mérite d'être faite, il vaut la peine de la faire, même mal. Si une chose ne mérite pas d'être faite, il ne vaut pas la peine de la faire, même bien.

Philippe Vuille

4. Matériel clinique

4. Matériel clinique

Cette page est prévue pour le partage des documents que chacun de nous développe, traduit, adapte etc.
Pour pouvoir télécharger ces documents (de même que pour pouvoir mettre son propre matériel à disposition sur le site) il faut être membre de l'ACBS. Une bonne raison de plus de le devenir ! (Le montant des cotisations est modeste en comparaison de ce que le site offre).

Philippe Vuille

ACT pour troubles psychotiques - Cahier du participant et cahier du facilitateur

ACT pour troubles psychotiques - Cahier du participant et cahier du facilitateur

Voici le cahier du participant et le cahier du facilitateur qui sera utilisé dans le cadre de mon projet de recherche à la maîtrise intitulé: Effets d'une intervention découlant de la thérapie d'acceptation et d'engagement sur le rétablissement de jeunes adultes présentant un premier épisode psychotique.

Il est possible que le contenu de ces cahiers soient modifiés encore d'ici l'intervention. L'efficacité de ce protocole n'a pas encore été vérifié. Il est très court. Il est possible qu'après avoir pris connaissance des résultats, il soit nécessaire d'ajouter d'autres périodes de rencontre pour maximiser l'impact de cette intervention.

Si vous désirez utiliser ces cahiers, s'il vous plait me le faire savoir. J'ai posté ces cahiers principalement pour en avoir des commentaires et des suggestions. Mais si il vous intéresse, tant mieux!

Alexandre Benoit

Action déterminée par les valeurs ou par la souffrance

Action déterminée par les valeurs ou par la souffrance

Voici un schéma pouvant illustrer visuellement si l'action est déterminée par nos réactions intérieures (variables arbitraires) ou déterminée par nos valeurs. Très utile comme outil visuel pour se rappeler de s'observer avant ou pendant l'action.

Il est bon de préciser au client que l'absence des composantes psychologiques dans la partie du bas ne veut pas dire qu'on a pas de réactions intérieures, mais ce ne sont pas elles qui décident de nos actions. En souhaitant que ce schéma pourra être utile.... Cristel

Cristel Neveu

Cahier d'évaluation et de diagnostic Hexaflex

Cahier d'évaluation et de diagnostic Hexaflex

Traduction et adaptation par Benji Schoendorff, Matthieu Villatte et Jean-Louis Monestes du cahier d'évaluation et de diagnostic de Kelly Wilson qui permet d'évaluer et de conceptualiser le cas de votre client sur les 6 dimensions de l'Hexaflex.

Si vous utilisez cet instument, n'hésitez pas à donner votre feedback en retour ajoutant vos commentaires à cette page.

benjamin schoendorff

Changement du VITOMÈTRE -- Mesure de l'activation comportementale vers les valeurs

Changement du VITOMÈTRE -- Mesure de l'activation comportementale vers les valeurs

Vitomètre (mesure de la vitalité) démontre l'importance des actions dans le cheminement vers les valeurs. L'action devient le repère pour dire à quel point cette valeur est considérée importante. Je n'ai pas choisi valomètre parce qu'une valeur est une direction et n'est donc pas mesurable. Cette présentation permet de fournir un aperçu visuel autant pour le client que le thérapeute. Il peut être intéressant d'utiliser cet outil pour effectuer une mesure de l'activation comportementale au début et à la fin du processus thérapeutique en direction des valeurs. À mon avis, très utile.

Le vitomètre a été modifié de sa première version. Au lieu de "Temps passé à poser des actions", ça devient "Nombre d'actions faites en direction des valeurs". Je trouve que c'est plus clair de cette façon. Ce vitomètre ne ressemble plus au manuel de vie de Kevin Polk qui en fut la première inspiration. Il a une autre utilité. On pourra utiliser le manuel de vie en complément pour spécifier les actions précises dans chaque sphère importante.

Cristel

Cristel Neveu

Choisir sa Vie et la matrice ACT

Choisir sa Vie et la matrice ACT

Grâce à la générosité de Benjamin Schoendorff, de Kevin Polk et ses collègues de rendre disponible leurs outils d'ACT sur le site, ACT se transforme et se métamorphose selon les personnalités et besoins de chacun. Voici donc une adaptation de la matrice d'ACT en ajoutant la contribution de Russ Harris qui m'a inspirée à faire les fiches avec l'acronyme O.S.E.R/F.U.I.R et à l'incorporer à la matrice. Vous trouverez chacune des fiches distribuées au client en pièce jointe ci-dessous. Ré-Action à la souffrance souligne le fait qu'il s'agit d'une Action. Et combien d'autres possibilités inspirera cette matrice grâce aux créateurs (Polk, Hambright, Webster) qui en furent l'origine et dont Schoendorff en a fait la traduction française? Cristel

Choisir sa Vie et la matrice ACT

Choisir sa Vie et la matrice ACT

Cristel Neveu

Fiche ABC- Choisir ses actes en fonction de ses valeurs

Fiche ABC- Choisir ses actes en fonction de ses valeurs
Adaptation par Cristel Neveu de "Client ABC worksheet: identifying the path to effective action" (p 56) du livre A CBT Practitioner's guide to ACT de Joseph V. Ciarrochi and A. Bailey (2008). Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Fiche VIE (Vivre Intégralement l'Expérience)

Fiche VIE (Vivre Intégralement l'Expérience)

Il s'agit d'une traduction de la fiche Living in Full Experience d'Eifert et Forsyth.Cette fiche permet de commencer à travailler avec le client son attitude à l'expérience et côtre le degré d'acceptation de l'expérience et la mesure dans laquelle les actions mises en oeuvre pour éviter l'expérience négative empêchent le client d'avancer en direction de ses valeurs.

benjamin schoendorff

Fiche creuser (a utiliser en complément de la metaphore de la personne dans le trou)

Fiche creuser (a utiliser en complément de la metaphore de la personne dans le trou)
Il s'agit d'une fiche à faire remplir par le client comme exercice entre séance en association avec la métaphore de la personne dans le trou. La fiche vise à iader le clinet à rélaiser les diverses manières dont il creuse, comment ça lui arrive, où et quand.
benjamin schoendorff

Fiche de conceptualisation de cas ACT

Fiche de conceptualisation de cas ACT
Cette fiche est une adaptation de la fiche de Jason Lilis et Jason Luoma (2005) qui permet de conceptualiser sur deux pages l'essentiel d'un cas clinique du point de vue d'unmodèle de l'ACT.
benjamin schoendorff

Journal de l'acceptation des pensées et émotions

Journal de l'acceptation des pensées et émotions
Adaptation par Cristel Neveu du formulaire "Acceptance of thoughts and feelings" de Georg H. Eifert and John P. Forsyth dans Acceptance and commitment therapy for anxiety disorders. New Harbinger Publications 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Journal de l'acceptation des pensées et émotions

Journal de l'acceptation des pensées et émotions
Adaptation par Cristel Neveu du formulaire "Acceptance of thoughts and feelings" de Georg H. Eifert and John P. Forsyth dans Acceptance and commitment therapy for anxiety disorders. New Harbinger Publications 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Journal de l'accomplissement de mes objectifs

Journal de l'accomplissement de mes objectifs
Adaptation par Cristel Neveu du formulaire "Goal achievement record" de Georg H. Eifert and John P. Forsyth dans Acceptance and commitment therapy for anxiety disorders. New Harbinger Publications 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Journal de l'inconfort

Journal de l'inconfort
Adaptation par Cristel Neveu de "Clean versus dirty discomfort diary" (p147) du livre d'ACT de Hayes, Strosahl, Wilson (1999). Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Journal de l'inconfort propre et de l'inconfort sale

Journal de l'inconfort propre et de l'inconfort sale

Ce formulaire est adapté d'un exercice présenté en page 147 du livre ACT de 1999.

Philippe Vuille

Journal des renoncements

Journal des renoncements
Adaptation par Cristel Neveu du formulaire "what have you given up for anxiety this week:life enhancement exercise record form" de Georg H. Eifert and John P. Forsyth dans Acceptance and commitment therapy for anxiety disorders. New Harbinger Publications 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Journal des sensations, émotions, pensées

Journal des sensations, émotions, pensées
Adaptation par Cristel Neveu de "Feel imagery record" (p213) de Georg H. Eifert and John P. Forsyth dans Acceptance and commitment therapy for anxiety disorders. New Harbinger Publications 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Journal des stratégies d'adaptation

Journal des stratégies d'adaptation
Adaptation par Cristel Neveu de l'exercice "Coping strategies worksheet" (p28) du livre "Get out of your mind and into your life" de S.C. Hayes., S.Smith/Oakland,CA: New Harbinger 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du journal n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Le Soi Observateur

Le Soi Observateur
Inspiré de Hayes (2005), Get out of your mind and into your life, cet exercice d'autoobservation est un classique d'ACT. Il cherche à développer le Soi Observateur chez le client, afin de l'aider à prendre une distance face aux pensées, émotions et impulsions d'agir.
dionnef

Les passagers dans l'autobus (exercice pour le client)

Les passagers dans l'autobus (exercice pour le client)
Tiré de Ciarrochi et Bailey (2008), A CBT practioner's guide to ACT, cet exercice est un complément intéressant et comique à la puissante métaphore "Les passagers dans l'autobus" (Hayes, Strosahl et Wilson, 1999). Il peut être fait durant la séance ou à la maison.
dionnef

Les pensées ne sont pas des faits

Les pensées ne sont pas des faits

Inspiré de Hayes (2005), Get out of your mind and into your life, cet outil est un exercice de défusion. Il amène le client à voir ses pensées comme étant simplement des pensées et non des faits...

dionnef

Les émotions primaires et secondaires

Les émotions primaires et secondaires

Cet exercice est concordant avec le rationnel ACT. Il cherche à aider le client à distinguer entre les émotions primaires et les pensées et émotions secondaires. En langage ACT, on parle de "clean pain" et de "dirty pain" (Hayes, Strosahl et Wilson, 1999).

dionnef

Measures

Measures Community

Inventaire des tendances à la suppression (adaptation WBSI)

Inventaire des tendances à la suppression (adaptation WBSI)

Adaptation par Cristel Neveu du questionnaire "White Bear Suppression Inventory" de Wegner & Zanakos (1994) inclus dans le livre de "ACT for anxiety disorders" de Eifert & Forsyth (2005). Ce questionnaire n'a pas été validé et il est le résultat d'une adaptation personnelle.Adaptation par Cristel Neveu du questionnaire "White Bear Suppression Inventory" de Wegner & Zanakos (1994) inclus dans le livre de "ACT for anxiety disorders" de Eifert & Forsyth (2005). Le questionnaire est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du questionnaire n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.

Cristel Neveu

L'échelle d'attention et de conscience de l'expérience (adaptation du MAAS)

L'échelle d'attention et de conscience de l'expérience (adaptation du MAAS)

Adaptation de "Mindfulness Attention Awareness Scale" de Brown & Ryan (2003) inclus dans le livre de "ACT for anxiety disorders" de Eifert & Forsyth (2005). Cette version française du questionnaire n'a pas été validée. Adaptation de "Mindfulness Attention Awareness Scale" de Brown & Ryan (2003) inclus dans le livre de "ACT for anxiety disorders" de Eifert & Forsyth (2005). Le questionnaire est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du questionnaire n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.

Cristel Neveu

Nouveau Questionnaire des Valeurs (VLQ2)

Nouveau Questionnaire des Valeurs (VLQ2)

Traduction et adaptation par Benji Schoendorff de la dernière version (Oct 2008) du Questionnaire des Valeurs de Kelly Wilson VLQ2.

benjamin schoendorff

Questionnaire Vie et Valeurs (QVV)

Questionnaire Vie et Valeurs (QVV)

Traduction française du Valued Living Questionnaire (VLQ) de Wilson et Groom (2002).

Philippe Vuille

Questionnaire d'acceptation et d'action (adaptation du AAQ)

Questionnaire d'acceptation et d'action (adaptation du AAQ)

Adaptation du questionnaire "Acceptance and Action" de Hayes, Strosahl et al (2004) inclus dans le livre de "ACT for anxiety disorders" de Eifert & Forsyth (2005). Cette version française du questionnaire n'a pas été validée . Adaptation du questionnaire "Acceptance and Action" de Hayes, Strosahl et al (2004) inclus dans le livre de "ACT for anxiety disorders" de Eifert & Forsyth (2005). Le questionnaire est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du questionnaire n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.

Cristel Neveu

Questionnaire des stratégies d'adaptation

Questionnaire des stratégies d'adaptation

Adaptation par Cristel Neveu du questionnaire "Your coping style questionnaire" (p189) inclus dans le livre "The anorexia workbook:how to accept yourself, heal suffering, and reclaim your life." Oakland,CA: New Harbinger (2004). Cette version française n'a pas été validée.Adaptation par Cristel Neveu du questionnaire "Your coping style questionnaire" (p189) inclus dans le livre "The anorexia workbook:how to accept yourself, heal suffering, and reclaim your life." Oakland,CA: New Harbinger (2004). Le questionnaire est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du questionnaire n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.

Cristel Neveu

Questionnaire des valeurs

Questionnaire des valeurs

Adaptation par Cristel Neveu de "Valued directions" (p174) du livre de "ACT for anxiety disorders" de Georg H. Eifert and John P. Forsyth/New Harbinger Publications (2005). Le questionnaire est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française du questionnaire n'a pas été validée et il est le résultat d'une adaptation personnelle. Il n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.

Cristel Neveu

Prise de conscience des ruminations et agir en direction de ses valeurs

Prise de conscience des ruminations et agir en direction de ses valeurs
Cet exercice est concordant avec le rationnel ACT. Il cherche d'abord à amener le client à être plus conscient de ses périodes de rumination. Il tente ensuite à l'amener à se comporter autrement en choisissant d'agir en direction de ses valeurs personnelles.
dionnef

Protocole de prise en charge de groupe ACT en 6 séances

Protocole de prise en charge de groupe ACT en 6 séances

En format pdf le protocole de prise en charge de groupe en 6 séances que Jana Grand et Benjamin Schoendorff ont écrit, sur la base du modèle ACT-Togus de Kevin Polk et Jerold Hambright. Ce protocole doit aussi beaucoup au travail de Mark Webster, ainsi que de nombreuses autres personnes.

Les membres de l'ACBS peuvent avoir accès au protocole et à toutes les fiches qui l'accompagnent ci dessous.

Je rajoute aussi un document représentatn une traduction/résumé du chapitre sur la prise en charge en groupe du Clinical Guide of ACT the Hayes & Strohsal.

N'hésitez pas à nous contacter pour toute question/commentaire.

NB: les fiches auxquelles il est fait référence dans ce protocole sont pour une large partie les mêmes que celles mises en ligne pour le protocole individuel. Je rajoute ici la boussolle des valeurs et, pour ceux qui travaillent avec la douleur chronique, une fiche sympa 'journal des douleurs propres/sales'.

benjamin *point* schoendorff *arrobase* gmail *point* com (remplacez tout ce qui se trouve entre deux ** par . ou @)

benjamin schoendorff

Protocole de prise en charge individuelle ACT en 7 séances

Protocole de prise en charge individuelle ACT en 7 séances

En format pdf le protocole de prise en charge individuelle en 7 séances que Jana Grand et Benjamin Schoendorff ont écrit, sur la base du modèle ACT-Togus de Kevin Polk et Jerold Hambright. Ce protocole doit aussi beaucoup au travail de Mark Webster, ainsi que de nombreuses autres personnes.

Les membres de l'ACBS peuvent avoir accès au protocole et à toutes les fiches qui l'accompagnent ci dessous.

N'hésitez pas à nous contacter pour toute question/commentaire.

benjamin *point* schoendorff *arrobase* gmail *point* com (remplacez tout ce qui se trouve entre deux ** par . ou @)

benjamin schoendorff

Répertoire de votre souffrance

Répertoire de votre souffrance
Adaptation par Cristel Neveu de l'exercice "Your suffering inventory" (p12) du livre "Get out of your mind and into your life" de S.C. Hayes., S.Smith/Oakland,CA: New Harbinger 2005. Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française n'a pas été validée et elle est le résultat d'une adaptation personnelle. Son contenu n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Sans cette souffrance, je pourrais....

Sans cette souffrance, je pourrais....
Adaptation par Cristel Neveu de l'exercice "The pain is gone, now what?" (p14) du livre "Get out of your mind and into your life" de S.C. Hayes., S.Smith/Oakland,CA: New Harbinger (2005). Ce matériel est accessible en devenant membre d'ACT. Cette version française n'a pas été validée et elle est le résultat d'une adaptation personnelle. Son contenu n'a donc pas passé par toutes les étapes de traductions habituelles. Je l'utilise comme moyen d'orienter plus précisément la thérapie ou comme outil thérapeutique. Il ne peut donc pas être utilisé dans le cadre de recherche scientifique.
Cristel Neveu

Scores d'ACT quotidiens

Scores d'ACT quotidiens
Il s'agît d'une fiche permettant, sur une semaine, de côter les quatre dimensions de souffrance, lutte, fonctionnalité et action en direction des valeurs. à utiliser en complément avec la fiche VIE.
benjamin schoendorff

Soi observateur en thérapie

Soi observateur en thérapie

Le fichier ci-dessous propose une façon d'amener les clients à être en contact avec le soi contexte en thérapie. Il est traduit et adapté d'une section du DVD de "Surfing Your Stress to Success" de Kevin Polk, Ph.D avec son autorisation. Simple, concret, sollicitant le moins de mot possible, il est ma préférence, en ce sens qu'il permet de contacter une dimension souvent difficile à saisir.

Il est écrit sous forme d'un verbatim parlé en session. Il peut donc paraître un peu maladroit sous cette forme écrite incluant certaines répétitions. Toutefois, c'est volontaire...

En espérant que cela vous sera utile. N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires si le coeur vous en dit. Bonne expérimentation....

et si vous voulez en savoir plus sur le DVD en question, allez à:

http://www.contextualscience.org/node/3989

Cristel Neveu

5. Littérature

5. Littérature

Vous trouverez dans cette section des traductions françaises d'articles ou d'extraits d'ouvrages en relation avec ACT. Toutes les personnes intéressées sont évidemment invitées à s'associer au travail de traduction de la littérature publiée principalement en anglais.

Pour pouvoir télécharger les documents traduits (de même que pour pouvoir mettre son propre matériel à disposition sur le site) il faut être membre de l'ACBS. Une bonne raison de plus de le devenir ! (Le montant des cotisations est modeste en comparaison de ce que le site offre).

Philippe Vuille

ACT et patients à problèmes multiples

ACT et patients à problèmes multiples

Ce texte présente le modèle de l'ACT et son application chez ce que nous préférons appeler des «patients à problèmes multiples». Il s'agit d'un support de cours rédigé pour divers ateliers tenus dans la première partie de l'année 2008.

Pour pouvoir télécharger ce document, il faut être membre de l'ACBS. Si vous ne souhaitez pas (encore) sauter le pas, prenez contact avec moi en m'envoyant un courriel à l'adresse phve(at)net2000.ch (en remplaçant (at) par le signe «arobase»). Je vous l'enverrai volontiers.

Philippe Vuille

La thérapie d'acceptation et d'engagement: Emotion, contexte et action

La thérapie d'acceptation et d'engagement: Emotion, contexte et action

Ce texte est une version préliminaire d'un chapitre publié dans Thérapie cognitive et émotions, édité par J. Cottraux, Masson, 2007. Merci de ne citer le cas échéant que la version définitive.

Pour pouvoir télécharger ce document, il faut être membre de l'ACBS. Si vous ne souhaitez pas (encore) sauter le pas, prenez contact avec moi en m'envoyant un courriel à l'adresse phve(at)net2000.ch (en remplaçant (at) par le signe «arobase»). Je vous l'enverrai volontiers.

Philippe Vuille

Le modèle de l'ACT

Le modèle de l'ACT

Cet article a été publié en été 2009 dans la Revue Francophone de Clinique Cognitive et Comportementale. En voici le résumé :

De récents développements en thérapie du comportement ont conduit à l’émergence d’une «troisième vague» d’interventions cliniques dont la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) est un représentant typique. L'ACT cherche à favoriser l'acceptation des événements privés (pensées, images, sensations physiques) désagréables dans les situations où les efforts pour les supprimer ou les modifier interfèrent de manière défavorable avec les valeurs du sujet. La première partie de cet article aborde les fondements épistémologiques du modèle de l’ACT et la manière dont il conçoit l’importance du langage dans le développement et le maintien des phénomènes psychopathologiques. La seconde partie décrit les différents aspects d’une stratégie thérapeutique visant à promouvoir la flexibilité psychologique.

Pour pouvoir télécharger ce document, il faut être membre de l'ACBS. Si vous ne souhaitez pas (encore) sauter le pas, prenez contact avec moi en m'envoyant un courriel à l'adresse phve(at)net2000.ch (en remplaçant (at) par le signe «arobase»). Je vous l'enverrai volontiers.

Philippe Vuille

Le travail sur les valeurs dans ACT

Le travail sur les valeurs dans ACT

Wilson, K. G. & Murrell, A. R. (2004). Values work in Acceptance and Commitment Therapy: Setting a Course for Behavioral Treatment. In Hayes, S. C., Follette, V. M., & Linehan, M. (Eds.) Mindfulness & Acceptance: Expanding the cognitive-behavioral tradition (pp. 120-151). New York: Guilford Press.

J'ai souhaité traduire ce chapitre parce qu'il me paraissait représenter un bon résumé théorique de l'approche ACT tout en fournissant un exemple d'application concrète susceptible de donner au lecteur une bonne image du climat thérapeutique que nous cherchons à établir.

Pour pouvoir télécharger ce document, il faut être membre de l'ACBS. Si vous ne souhaitez pas (encore) sauter le pas, prenez contact avec moi en m'envoyant un courriel à l'adresse phve(at)net2000.ch (en remplaçant (at) par le signe «arobase»). Je vous l'enverrai volontiers.

Philippe Vuille

6. Books

6. Books
  • Frédérick Dionne & Josée Veillette (2021) Apprivoiser la douleur chronique avec l'ACT: Guide de pratique en 10 modules.
  • Matthieu Villatte (Auteur, Traduction), Jennifer L. Villatte (Auteur), Steven C. Hayes (Auteur) (2019) Maîtriser la conversation clinique - Le langage en thérapie
  • Kevin Polk, Benjamin Schoendorff, Mark Webster, Fabian Olaz (2017) Guide de la matrice ACT
  • Steve Hayes, Spencer Smith (2013). Penser Moins pour etre heureux: Ici et maintenant, accepter so passé, ses peurs et sa tristesse
  • Benjamin Schoendorff, Jana Grand, Marie-France Bolduc (2011) La Thérapie d'Acceptation et d'Engagement - Guide Clinique
  • Jean-Louis Monestès, Matthieu Villatte (2011) La thérapie d'acceptation et d'engagement, ACT
  • Benjamin Schoendorff (2009) Faire face à la souffrance : Choisir la vie plutôt que la lutte avec la Thérapie d'Acceptation et d'Engagement
Community

7. Glossaire

7. Glossaire
Le glossaire est en cours de construction.
Philippe Vuille

Portée

Portée

Définition :

Une large portée signifie qu'une grande étendue de phénomènes peuvent être analysés grâce à l'application d'un ensemble donné de concepts analytiques (plus cette étendue est grande, mieux cela vaut tant que la précision ne s'en trouve pas compromise).

Cette page constitue la traduction française de la page scope.

Philippe Vuille

Profondeur

Profondeur

Définition :

Le concept de profondeur signifie que les concepts descriptifs pertinents pour un niveau particulier d'analyse (par exemple le niveau psychologique) sont en concordance avec les concepts bien établis et opérationnels dans d'autres niveaux d'analyse (par exemple le niveau anthropologique) ou à tout le moins qu'ils n'entrent pas en contradiction avec eux.

Cette page constitue la traduction française de la page depth.

Philippe Vuille

Précision

Précision

Définition :

Le concept de précision fait référence au fait qu'il y a relativement peu de manières d'expliquer ou de décrire un phénomène donné en utilisant un ensemble de concepts analytiques. Un ensemble de concepts sera d'autant meilleur que son application à un phénomène donné générera moins d'explications ou de descriptions différentes.

Cette page constitue la traduction française de la page precision.

Philippe Vuille

ACBS World Conference 16: Sessions in French

ACBS World Conference 16: Sessions in French

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World Conference 16: Montreal, Canada (July 2017) Sessions in French

Community

ACBS World Conference 16: Sessions en Français

ACBS World Conference 16: Sessions en Français Community

Comment adhérer à l'ACBS depuis la France (Important!)

Comment adhérer à l'ACBS depuis la France (Important!)

En adhérant à l'ACBS, vous rejoignez une communauté interantionale de chercheurs, étudiants, cliniciens.

Vous aurez accès aux centaines de documents (articles, powerpoints, videos) disponibles sur le site. L'immense majorité des articles scientifiques publiés sur l'ACT et la TCR/RFT sont ainsi dispobnibles.

Nous espérons vous voir nous rejoindre ainsi que la branche francophone de l'ACBS!

benji & Emily (webmestre)

benjamin schoendorff

Faire ce qui compte en période de stress: Un guide illustré (L’Organisation mondiale de la Santé)

Faire ce qui compte en période de stress: Un guide illustré (L’Organisation mondiale de la Santé)

Faire ce qui compte en période de stress: Un guide illustré (L’Organisation mondiale de la Santé 2020)
Doing What Matters in Times of Stress: An Illustrated Guide (World Health Organiation2020)

  • S’ancrer
  • Se décrocher
  • Agir en accord avec ses valeurs personnelles
  • Faire de la place
  • Être Bienveillant
Community

Formations

Formations

Vous trouverez des informations à propos des formations à l'ACT proposées en français en cliquant sur le bouton 'Training' puis 'Events' ci dessus ou directement ici.

ACBS a fais le choix du principe de non-certification des thérapeutes. 

Les formations et les thérapeutes ACT ne sont pas certifiés déliberément.

ACT n’est ni une marque déposée ni un label commercial. C’est un modèle scientifique intégratif qui permet de combiner des techniques de provenances diverses aux service de mettre en action les processus thérapeutiques de l’ACT.

Il n'existe pas d'école, en tant que telle ou de formation "cerifiée" en France ou dans les pays francophones soutenus par ACBS. 

La formation s'effectue le plus souvent autour d'ateliers expérientiels auprès de formateurs privés ou d'association. Il n'existe pas de diplôme en thérapie ACT ni de processus de certification de pratique de l'ACT. L'ACBS, en tant que communauté, a décidé de ne pas s'engager dans cette voie pour ne pas créer un processus hiérarchique et fermé qui serait contraire à ses valeurs. Au contraire, elle stimule l'échange et la discussion entre les membres afin de construire une psychologie progressive plus adéquate à la prise en charge de la souffrance humaine. L'une des voies principale pour valider sa pratique ACT est la participation à des ateliers, la lecture d'ouvrage et la supervision.


Des formations ACT sont aussi régulièrement offertes sur les sites suivants:

IFTCC - Québec,

Institut de psychologie contextuelle (IPC) - Québec

ACTiff   - France

Le Magazine ACT - France

Egide Altenloh  - Belgique

Act on Life - Belgique

En consultant la liste des trainers ('Training' puis 'Trainers') ou directement  ici vous trouverez des formateurs francophones dont la pratique de formation a été revue par leurs pairs.

Reno Labbies

Le magazine ACT (ACT magazine)

Le magazine ACT (ACT magazine)

Le magazine ACT vise à présenter ACT et les concepts RFT dans toutes leurs applications, sous un format le plus convivial et accessible possible.
Il regroupe plusieurs rubriques, selon les numéros: actualités de la recherche, éclairages sur des concepts, nouveautés dans les prises en charge, vie quotidienne, chroniques culturelles, etc.

www.flexibilitepsychologique.fr/le-magazine-act/

** Le magazine ACT aims to be an entertaining way of introducing ACT and RFT concepts to french speaking audience. This magazine contains different headings: current research, new data, everyday life, culture, etc.

JL Monestès & M Villatte

Jean-Louis Monestes

Mindfulness en français

Mindfulness en français

Veuillez trouver ci-dessous des documents de synthèse (en français) discutant de l'efficacité et des processus à l'oeuvre dans les interventions basées sur la pleine conscience. 

Alexandre Heeren

Résultats empiriques

Résultats empiriques Philippe Vuille

Etudes publiées jusqu'en 2004

Etudes publiées jusqu'en 2004

8 cliniques randomisées (ECR) avaient été publiées en 2004 et un nombre équivalent devait l'être de façon imminente (Hayes et al. 2004).

Dans la première étude publiée en 1986 par Zettle et Hayes, 18 femmes souffrant de dépression ont été attribuées de manière randomisée soit à une version précoce de l'ACT (n=6) soit à deux modalités de TCC (avec et sans distanciation cognitive; n=12). Tous les traitements ont consisté en 12 séances individuelles hebdomadaires, ils ont été effectués par le même thérapeute qui avait été formé en TCC par Steve Hayes et dans la première mouture de l'ACT par Steve Hayes. Les deux traitements ont entraîné une réduction significative de la dépression sur l'échelle de Hamilton à la fin du traitement. L'ACT a montré une diminution significativement plus rapide de la croyance dans les pensées dépressogènes et une réduction accrue de la dépression au contrôle deux mois après la fin du traitement.

Dans une ECR publiée en 1989, Zettle et Raines ont comparé trois modalités de traitement en groupe (ACT, TCC complète, TCC sans distanciation cognitive) comportant chacune 12 séances de 90 minutes chez des femmes souffrant de dépression (n=31). Une amélioration significative en fin de traitement et au contrôle deux mois plus tard a été mise en évidence chez les participantes des trois groupes.

Les auteurs ont consacré les années qui ont suivi au développement théorique de leur modèle et de nouvelles ECR n'ont été mises en chantier qu'une dizaine d'années plus tard.

Bond et Bunce ont publié en 2000 une étude portant sur la gestion du stress au lieu de travail. 90 employés (45 hommes et 45 femmes) d'une entreprise du domaine des média ont été attribués de manière aléatoire à un protocole d'ACT, à un programme d'orientation comportementale de promotion de l'innovation (PPI) dans lequel les participants étaient encouragés à identifier et à modifier les événements stressants à leur lieu de travail ou à une liste d'attente servant de groupe de contrôle. Les deux interventions actives ont consisté en 3 séances de groupe d'une demi-journée réparties sur une période de 14 semaines. Sur une échelle de mesure du stress global et sur une échelle mesurant le niveau de santé mentale générale, l'ACT a montré des résultats significativement supérieurs à ceux du groupe PPI et du groupe de contrôle. Les deux interventions actives ont démontré une efficacité comparable en matière de diminution de la dépression et d'augmentation des actions concrètes allant dans le sens d'une réduction des stresseurs au lieu de travail. Le résultat de l'intervention d'ACT étaient médiatisés par une acceptation accrue des pensées et des émotions désagréables.

Dans une ECR publiée par Bach et Hayes en 2002, 80 patients (45 hommes et 25 femmes) présentant des symptômes psychotiques florides ont été aléatoirement attribués soit à un groupe de traitement habituel (TH) soit à un groupe combinant le TH avec 4 séances individuelles d'ACT de 45 minutes. (n=40 par groupe). Les séances d'ACT étaient centrées sur l'acceptation des expériences en rapport avec les symptômes, sur des stratégies de défusion, sur l'importance de faire une différence entre soi-même et ses symptômes et sur l'engagement dans des actions pour réaliser des buts correspondant à des valeurs. Les participants au groupe d'ACT ont montré un taux de réhospitalisations réduit d'environ 50% pendant la période de suivi de 4 mois après l'intervention. D'une manière qui n'est qu'apparemment paradoxale, les participants au groupe d'ACT étaient plus nombreux que ceux du groupe TH à admettre en fin d'étude avoir des symptômes psychotiques. Le taux de réhospitalisation était particulièrement bas dans ce sous-groupe reconnaissant la présence de symptômes. Les participants au groupe d'ACT ont aussi montré au contrôle à quatre mois un niveau significativement diminué de croyance dans les symptômes. Aucun des participants du groupe d'ACT qui admettait des symptômes et montrait en même temps une diminution de la croyance aux symptômes n'a été réhospitalisé.

Zettle a comparé l'ACT à la désensibilisation systématique chez un groupe de sujets (n=24) présentant une anxiété devant les mathématiques. Il a trouvé des réductions équivalentes pour l'anxiété spécifique mais une réduction accrue de l'anxiété-trait dans le groupe soumis à la désensibilisation systématique. Cette étude est jusqu'à présent la seule dans laquelle les tailles d'effet obtenues par l'ACT soient inférieures à celle obtenues avec le traitement de comparaison. Ce résultat provient peut-être du fait que les sujets participant à l'étude présentaient dans l'ensemble un bas niveau de perturbation.

114 sujets polytoxicomanes sous traitement substitutif de méthadone ont été attribués de façon aléatoire à un groupe restant sous traitement substitutif seul, à un groupe recevant 16 semaines d'ACT en groupe et en individuel et à un groupe recevant un programme intensif de sensibilisation au modèle à 12 étapes (ITSF). Au suivi après 6 mois, les sujets du groupe d'ACT (mais pas ceux du groupe ITSF) montraient, en comparaison avec les sujets restés sous traitement substitutif seul, une diminution significativement plus importante du taux d'opiacés objectivé par l'analyse d'urine (Hayes et al. 2004).

Gifford et coll. (2004) ont comparé l'ACT et le traitement nicotinique de substitution (TNS) dans une ECR portant sur 76 sujets tabagiques chroniques répartis de manière aléatoire entre un protocole d'ACT en 12 séances et une substitution nicotinique par patches transdermiques. Les résultats en matière d'abstinence (objectivés par la mesure du taux sanguin de monoxyde de carbone) étaient comparables immédiatement après la fin de l'intervention mais les participants du groupe d'ACT montraient un taux significativement supérieur d'abstinence au contrôle une année plus tard.

Une denière étude (Strosahl et al. 1998) mérite d'être signalée. 8 thérapeutes appartenant à un réseau de santé qui s'étaient portés volontaires pour acquérir une formation en ACT ont été comparés qui ne s'étaient pas inscrits. La formation a consisté en un atelier didactique de deux jours, trois journées de formation clinique centrée sur le manuel de l'ACT et une année de supervision à raison d'une séance mensuelle de trois heures. Tous les patients de tous les thérapeutes impliqués dans le projet ont été évalués au début de leur traitement et 5 mois plus tard et cela avant le début et après la fin de la période de formation des thérapeutes. Les 321 patients évalués formaient un échantillon dans lequel on trouvait pratiquement tous les problèmes de santé mentale. Avant la formation, il n'y avait pas de différence entre les deux groupes de thérapeutes quant à la proportion de patients qui terminaient le traitement après 5 mois ni quant à la manière dont ils parvenaient à gérer le problème qui les avait amenés à consulter. Après la fin de la période de formation, les patients des thérapeutes formés en ACT étaient significativement plus nombreux que ceux des thérapeutes du groupe témoin à avoir terminé leur traitement en 5 mois, à décrire une amélioration de leur niveau d'adaptation et à être d'accord avec leur thérapeute quant à la poursuite ou non de la prise en charge.

Philippe Vuille

Etudes publiées de 2005 à 2009

Etudes publiées de 2005 à 2009

19 études ont été publiées entre 2005 et 2009 et sont venues s'ajouter aux 9 autres déjà publiées auparavant. Le texte qui suit est adapté à partir de la revue en anglais disponible sur ce site à la page ACT_Randomized_Controlled_Trials

2005 - 2009 (N = 19)

2006

10. Gaudiano, B.A., & Herbert, J.D. (2006). Acute treatment of inpatients with psychotic symptoms using Acceptance and Commitment Therapy. Behaviour Research and Therapy, 44, 415-437. ECR (n = 40) reproduisant l'étude de Bach et de Hayes avec de meilleures mesures et une meilleure condition de contrôle. Bons résultats, particulièrement en matière de comportements psychotiques manifestes mesurés grâce à l'échelle BPRS. L'analyse médiationnelle de l'effet des hallucinations concorde avec ce que prédit le modèle de l'ACT, elles a été décrite de manière plus détaillée dans un autre article : Gaudiano, B. A., & Herbert, J. D. (2006). Believability of hallucinations as a potential mediator of their frequency and associated distress in psychotic inpatients. Behavioural and Cognitive Psychotherapy, 34, 497-502. L'analyse médiationnelle de l'impact du traitement sur la souffrance causée par les hallucinations en raison des changements entraînés dans la crédibilité des hallucinations concorde également avec le modèle de l'ACT. Elle est décrite plus en détail dans Gaudiano, B. A., Herbert, J. D., & Hayes, S. C. (2010). Is it the symptom or the relation to it? Investigating potential mediators of change in Acceptance and Commitment Therapy for psychosis. Behavior Therapy, 41, 543-554.

11. Gratz, K. L. & Gunderson, J. G. (2006). Preliminary data on an acceptance-based emotion regulation group intervention for deliberate self-harm among women with Borderline Personality Disorder. Behavior Therapy, 37, 25-35. ECR (n = 22) comparant une combinaison ACT / DBTau traitement usuel des comportements d'automutilation chez des femmes chez qui un diagnostic de trouble de la personnalité borderline a été posé. Excellents résultats en ce qui concerne les comportements d'automutilation et d'autres mesures. Pas de suivi à long terme.

12. Lundgren, A. T., Dahl, J., Melin, L. & Kees, B. (2006). Evaluation of Acceptance and Commitment Therapy for drug refractory epilepsy: A randomized controlled trial in South Africa. Epilepsia, 47, 2173-2179. ECR (n = 27) comparant un traitement d'ACT – en individuel et en groupe – de 9 heures avec un traitement de soutien chez des épileptiques dont les troubles résistent à la médication. Réduction des crises convulsives à un niveau proche de zéro, résultat qui a été maintenu pendant une année (mais selon les données résultant des observations du personnel infirmier). Amélioration continue de la qualité de vie durant le suivi. Les analyses médiationnelles sont décrites dans Lundgren, T., Dahl, J., & Hayes, S. C. (2008). Evaluation of mediators of change in the treatment of epilepsy with Acceptance and Commitment Therapy. Journal of Behavioral Medicine, 31, 221-235. Tant les valeurs que l'acceptation, seules ou en combinaison, apparaissent comme des médiateurs pour la plupart des résultats.

13. Woods, D. W., Wetterneck, C. T., & Flessner, C. A. (2006) A controlled evaluation of Acceptance and Commitment Therapy plus habit reversal for trichotillomania. Behaviour Research and Therapy, 44, 639-656. Petite étude randomisée (25 sujets ont complété le protocole) comparant l'ACT associé à l'entraînement aux changements des habitudes avec une liste d'attente au terme de laquelle les sujets bénéficiaientà leur tour de la même intervention combinée. Robustes résultats sur le tirage des cheveux, l'anxiété et la dépression, maintenus au suivi à 3 mois. Les participants en liste d'attente se sont améliorés dès qu'ils ont reçu l'intervention d'ACT. Bonne corrélation entre les modifications de l'AAQ et les résultats.

2007

14. Forman, E. M., Herbert, J. D., Moitra, E., Yeomans, P. D. & Geller, P. A. (2007). A randomized controlled effectiveness trial of Acceptance and Commitment Therapy and Cognitive Therapy for anxiety and depression. Behavior Modification, 31(6), 772-799. Un groupe hétérogène de 101 patients ambulatoires se plaignant de niveaux modérés à sévères d'anxiété ou de dépression ont été assignés aléatoirement soit à la TCC traditionnelle soit à l'ACT et pris en charge par 23 thérapeutes débutants. Dans les deux groupes, les patients ont montré des améliorations importantes et équivalentes en termes de dépression, d'anxiété, de déficits fonctionnels, de qualité de vie, de satisfaction et de niveau de fonctionnement évalué par le clinicien. Le fait d'«observer» et de «décrire» ses expériences se sont avérés des facteurs médiateurs jouant un rôle plus grand pour les sujets du groupe TCC traditionnelle que pour ceux du groupe ACT tandis que l'«évitement d'expérience», le fait d'«agir en pleine conscience» et l'«acceptation» étaient les facteurs médiateurs du groupe ACT.

15. Gregg, J. A., Callaghan, G. M., Hayes, S. C., & Glenn-Lawson, J. L. (2007). Improving diabetes self-management through acceptance, mindfulness, and values: A randomized controlled trial. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 75(2), 336-343. ECR (n = 81) montrant que l'ACT associée à l'éducation du patient est significativement supérieure à l'éducation du patient seule dans l'amélioration de la gestion autonome du diabète et des taux de glycémie chez les patients de bas statut socio-éducatif souffrant d'un diabète de type II. Les effets mis en évidence par le suivi sont médiés par des changements dans l'auto-gestion et une plus grande flexibilité psychologique à l'égard des pensées et des sensations liées au diabète.

 16. Lappalainen, R., Lehtonen, T., Skarp, E., Taubert, E., Ojanen, M., & Hayes, S. C. (2007). The impact of CBT and ACT models using psychology trainee therapists: A preliminary controlled effectiveness trial. Behavior Modification, 31, 488-511. Étude randomisée contrôlée dans laquelle 14 thérapeutes en formation ont traité chacun un client selon le modèle de l'ACT ou selon le modèle de la TCC traditionnelle durant 6 à 8 séances après 2 séances consacrées à l'analyse fonctionnelle. Toutes sortes de problèmes habituellement rencontrés en pratique ambulatoire ont été inclus, principalement des cas d'anxiété et de dépression. Après l'intervention et au suivi 6 mois plus tard, les clients traités par l'ACT étaient davantage améliorés au SCL-90 et selon diverses autres mesures. Davantage d'acceptation chez les patients ACT, davantage de confiance en soi chez les patients TCC. Corrélation avec le résultat dans les deux cas. Toutefois, après calcul des corrélations partielles, seule l'acceptation est corrélée avec les résultats.

17. Masuda, A., Hayes, S. C., Fletcher, L. B., Seignourel, P. J., Bunting, K., Herbst, S. A., Twohig, M. P., & Lillis, J. (2007). The impact of Acceptance and Commitment Therapy versus education on stigma toward people with psychological disorders. Behaviour Research and Therapy, 45(11), 2764-2772.
ECR (n = 96) comparant l'ACT et des mesures éducatives chez les étudiants. L'ACT réduit de façon significative la tendance à stigmatiser les personnes présentant des problèmes de santé mentale indépendamment du niveau de flexibilité psychologique des participants avan l'intervention, mais les mesures éducatives ne rédusent cette tendance à la stigmatisation que chez les participants qui étaient déjà relativement flexibles et non-évitants avant l'intervention.

18. Páez, M. B., Luciano, C., & Gutiérrez, O. (2007).Tratamiento psicológico para el afrontamiento del cáncer de mama. Estudio comparativo entre estrategias de aceptación y de control cognitivo. Psicooncología, 4, 75-95. Très petite ECR (n = 12) comparant l'ACT et un protocole de CBT traditionnelle chez des femmes qui avaient été diagnostiqués et traités pour un cancer du sein. Aucune différence au niveau post mais à un an de suivi l'ACT est significativement meilleure dans l'anxiété, la dépression et la qualité de vie.

19. Vowles, K. E., McNeil, D. W., Gross, R. T. McDaniel, M. L., Mouse, A., Bates, M., Gallimore, P., & McCall, C. (2007). Effects of pain acceptance and pain control strategies on physical impairment in individuals with chronic low back pain. Behavior Therapy, 38, 412-425. ECR bien contrôlée (n = 74) dans laquelle trois groupes de patients souffrant de douleurs lombaires chroniques ont dû accomplir des tâches physiques après avoir reçu trois types d'interventions leur suggérant soit de contrôler la douleur par des efforts et des stratégies mentales, soit de l'accepter sans essayer de la modifier ou de la combattre, soit d'insister pour améliorer leurs résultats grâce à une pratique continue. Le groupe acceptation a montré les meilleurs résultats.

2008

20. Lundgren, T., Dahl, J., Yardi, N., & Melin, L. (2008). Acceptance and Commitment Therapy and yoga for drug-refractory epilepsy: A randomized controlled trial. Epilepsy & Behavior, 13, 102–108. . 18 participants indiens porteurs d'un diagnostic
d'épilepsie avec crises réfractaires à la médication confirmé par EEG
ont été randomisés en un groupe ACT et un groupe yoga (12 heures d'intervention à la fois en individuel et en groupe) et suvis durant une année. L'ACT a davantage diminué le nombre de crises que le yoga mais les deux interventions ont amélioré la qualité de vie (l'ACT davantage selon l'échelle
WHOQOL-BREF, le yoga davantage selon l'échelle SWL).

Luoma, J. B., Hayes, S. C., Twohig, M. P., Roget, N., Fisher, G., Padilla, M., Bissett, R., & Kohlenberg, B. (2007). Augmenting continuing education with psychologically focused group consultation: Effects on adoption of group drug counseling. Psychotherapy: Theory, Research, Practice, Training, 44(4), 463-469. Petite ECR (n = 30). Des intervenants travaillant dans le domaine de l'abus de substance ont été répartis de façon randomisée en deux groupes après avoir suivi un atelier d'un jour de «Group Drug Counseling» (GDC), une forme de thérapie de groupe dont l'efficacité a été avérée pour le traitement des problèmes d'abus de substances. Les participants du premier groupe (n = 16) ont suivi 8 semaines de supervision en groupe selon le modèle de l'ACT avec des séances d'une heure et demie, tandis que ceux du deuxième groupe n'ont eu aucun contact additionnel. Les résultats montrent que les participants du groupe ACT ont mieux adopté la méthode GDC.

22. Roemer, L., Orsillo, S. M., & Salters-Pedneault, K. (2008). Efficacy of an acceptance-based behavior therapy for generalized anxiety disorder: Evaluation in a randomized controlled trial. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 76, 1083-1089. Petite ECR (n = 31). Bons résultats. Les participants souffrant d'anxiété généralisée ont été divisés en deux groupes dont l'un a reçu immédiatement une intervention largement inspirée de l'ACT comportant également quelques aspects éducatifs tandis que le second était mis en liste d'attente et n'a bénéficié de l'intervention que dans un second temps. L'intervention a entraîné une réduction statistiquement significative des symptômes tant dans l'auto-évaluation que dans l'évaluation par les cliniciens, ainsi qu'une réduction significative des symptômes dépressifs. L'étude ne comporte pas d'analyse médiationnelle mais nous y avons procédé après coup et constaté que l'AAQ médiait les ruminations, le stress, la sévérité du TAG et l'anxiété (p = .1 ou mieux).

23. Varra, A. A., Hayes, S. C., Roget, N., & Fisher, G. (2008). A randomized control trial examining the effect of Acceptance and Commitment Training on clinician willingness to use evidence-based pharmacotherapy. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 76, 449-458. ECR (n = 59) comparant l'ACT avec la psychoéducation dans une démarche où on souhaitait augmenter la disponibilité à mettre en oeuvre des stratégies pharmacothérapiques éprouvées chez des intervenants prenant en charge des clients présentant des problèmes de dépendance. Bons résultats (d environ .85) en matière d'accord pour référer les clients en vue du traitement, médiés par une flexibilité psychologique accrue et par par une diminution des barrières au fait de référer les clients.

24. Wicksell, R, K., Ahlqvist, J., Bring, A., Melin, L. & Olsson, G. L. (2008). Can exposure and acceptance strategies improve functioning and quality of life in people with chronic pain and whiplash associated disorders (WAD)? A randomized controlled trial. Cognitive Behaviour Therapy, 37, 1-14. Petite ECR (n = 21) comparant l'ACT avec le traitement usuel chez des patients souffrant de séquelles d'un traumatisme de type «coup du lapin». Résultats significatifs en matière de handicap causé par la douleur, de satisfaction de vie, de peur des mouvements, de dépression, et de flexibilité psychologique. L'importance relative de la fusion avec et de l'acceptation de la douleur ont été mesurées par l'échelle d'inflexibilité dans la douleur de Wicksell (PIPS). Les améliorations dans le groupe traitement se sont maintenues au suivi à 7 mois. Les résultats des analyses médiationnelles sont décrits dans : Wicksell, R. K., Olsson, G. L., & Hayes, S. C. (in press). Processes of change in ACT-based behavior therapy: Psychological flexibility as a mediator of improvement in patients with chronic pain following whiplash injuries. European Journal of Pain. Ils montrent que les changements au suivi à 7 mois en matière de satisfaction de vie et dans une moindre mesure en matière de handicap dû à la douleur étaient médiés par les scores PIPS en fin d'intervention.

2009

25. Lillis, J., Hayes, S. C., Bunting, K., Masuda, A. (2009). Teaching acceptance and mindfulness to improve the lives of the obese: A preliminary test of a theoretical model. Annals of Behavioral Medicine, 37, 58-69. ECR (n = 84) étudiant l'effet de l'ACT sur l'autostigmatisation et le maintien du poids chez des obèses. Diminution de la stigmatisation, augmentation de la qualité de vie, diminution du poids. Effets médiés par la flexibilité psychologique pour ce qui est en relation avec le poids.

26. Peterson, C. L. & Zettle, R. D. (2009). Treating inpatients with comorbid depression and alcohol use disorders: A comparisons of Acceptance and Commitment Therapy and treatment as usual. The Psychological Record, 59, 521-536. Petite ECR (n = 24) comparant l'impact de séances individuelles d'ACT avec le traitement usuel chez des patients hospitalisés souffrant de dépression et de troubles liés à l'abus d'alcool. ACT produit des résultats équivalents à ceux du traitement usuel, mais avec une intervention nécessitant 20-25% moins de temps et une durée d'hospitalisation réduite d'un tiers.

27. Tapper, K., Shaw, C., Ilsley, J., Hill, A. J., Bond, F. W., & Moore, L. (2009). Exploratory randomised controlled trial of a mindfulness-based weight loss intervention for women. Appetite, 52, 396–404. ECR (n = 62) portant sur des femmes obèses suivant un régime assignées au hasard à quatre séances de 2 h d'ACT ou à la liste d'attente. Après 6 mois, les participantes faisaient davantage d'exercice physique (p < 0,5) mais pas de différence significative en matière de perte de poids ou de santé mentale. Cependant, après exclusion des participantes disant qu'elles n'appliquaient jamais les stratégies proposées dans les ateliers de l'intervention (n = 7), les résultats montraient une meilleure diminution du BMI (0.96, équivalent à 2.32 kg, p < 0.5) par rapport au groupe témoin.

28. Wicksell, R. K., Melin, L., Lekander, M., & Olsson, G. L. (2009). Evaluating the effectiveness of exposure and acceptance strategies to improve functioning and quality of life in longstanding pediatric pain - A randomized controlled trial. Pain, 141, 248-257. Petite ECR (n = 32) comparant une intervention brève ACT (10 séances individuelles) avec un traitement multidisciplinaire associé à l'amitriptyline (MDT) pour la douleur pédiatrique chronique. Le fait que le traitement MDT se poursuivait encore au moment du suivi à 3.5 puis à 6.5 mois a compliqué les comparaisons mais les résultats ont montré des améliorations significatives et durables pour le groupe ACT. Après inclusion des résultats du suivi à long terme, l'ACT s'est avéré significativement supérieur au MDT quant à la capacité fonctionnelle perçue en relation avec les douleurs, quant à l'intensité des douleurs et à l'inconfort en relation avec la douleur (analysé en intention de traiter). Après l'intervention, avant l'apparition des différences dues à la différence de dosage des interventions, des différences significatives en faveur de l'ACT étaient également visibles en matière de crainte de se blesser ou de se blesser à nouveau, de kinésiophobie, d'interférence de la douleur et de qualité de vie. 

Philippe Vuille

Etudes publiées de 2010 à 2012

Etudes publiées de 2010 à 2012

29. Flaxman, P. E. & Bond, F. W. (2010). A randomised worksite comparison of acceptance and commitment therapy and stress inoculation training. Behaviour Research and Therapy 43, 816-820. ECR comparant l’ACT à l’entrainement à l’inoculation du stress (SIT), une méthode dérivée de la TCC classique, et à une liste d’attente pour le stress professionnel (N = 107). Efficacité équivalente de l’ACT et de SIT. Les améliorations de la condition ACT étaient corrélées à la flexibilité psychologique alors que les améliorations de la condition SIT n’étaient pas corrélées aux changements cognitifs. Stress Professionnel.


30. Flaxman, P. E., & Bond, F. W. (2010). Worksite stress management training: Moderated effects and clinical significance. Journal of Occupational Health Psychology, 15, 347-358. ECR (N = 311) comparant l’ACT à une liste d’attente. L’intervention ACT sur le lieu de travail s’est montrée particulièrement efficace pour les employés présentant des niveaux de détresse psychologique plus élevés que la moyenne. Suite à l’intervention ACT, 69% des employés vivant de la détresse ont connu une amélioration cliniquement significative. Stress Professionnel.


31. Fledderus, M., Bohlmeijer, E. T., Smit, F., & Westerhof, G. J. (2010). Mental health promotion as a new goal in public mental health care: A randomized controlled trial of an intervention enhancing psychological flexibility. American Journal of Public Health, 10, 2372-2378. ECR (N = 93) comparant des groupes ACT à une liste d’attente pour la dépression légère et modérée. Bons résultats. Dépression.


32. Hinton, M. J. & Gaynor, S. T. (2010). Cognitive defusion for psychological distress, dysphoria, and low self-esteem: A randomized technique evaluation trial of vocalizing strategies. International Journal of Behavioral Consultation and Therapy, 6, 164-185. Petit ECR (N = 22). 3 heures de défusion cognitive (DC) comparées à une liste d’attente pour des étudiants d’université présentant de hauts niveaux de détresse, de dysphorie et une estime de soi basse. Améliorations importantes de la détresse, des symptômes dépressifs, de la conscience défusionnée des pensées, de la flexibilité psychologique et des pensées automatiques dans le condition DC, maintenue à un mois de suivi. Dépression.


33. Johnston, M., Foster, M., Shennan, J., Starkey, N. J., & Johnson, A. (2010). The effectiveness of an Acceptance and CommitmentTherapy self-help intervention for chronic pain. Clinical Journal of Pain, 26, 393-402. Très petit ECR (N = 14) montrant que la bibliothérapie ACT (Dahl & Lundgren, 2006) aide la douleur chronique. Douleur Chronique.


34. Juarascio, A. S., Forman, E. M., & Herbert, J. D. (2010). Acceptance and Commitment Therapy versus Cognitive Therapy for the treatment of comorbid eating pathology. Behavior Modification, 34, 175-190. Analyse d’un ECR plus important de l’ACT versus Thérapie Cognitive (CT), (N = 55) montre que l’ACT a produit des réductions plus importantes des troubles du comportement alimentaire et du fonctionnement global. Troubles du comportement alimentaire.


35. Smout, M., Longo, M., Harrison, S., Minniti, R., Wickes, W., & White, J. (2010). Psychosocial treatment for methamphetamine use disorders: a preliminary randomized controlled trial of cognitive behavior therapy and acceptance and commitment therapy. Substance Abuse, 31, 98-107. ECR (N = 104) montrant que l’ACT n’est pas plus efficace que la TCC en terme de rétention et de traitement des utilisateurs d’amphétamine. Addiction.


36. Twohig, M. P., Hayes, S. C., Plumb, J. C., Pruitt, L. D., Collins, A. B., Hazlett-Stevens, H. & Woidneck, M. R. (2010) A randomized clinical trial of Acceptance and Commitment Therapy vs. Progressive Relaxation Training for obsessive compulsive disorder. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 78, 705-716. ECR (N = 79) comparant ACT pour le TOC à la relaxation progressive. Bons résultats pour l’ACT, y compris pour la dépression. TOC.


37. Bohlmeijer, E. T., Fledderus, M., Rokx, T. A., & Pieterse, M. E. (2011). Efficacy of an early intervention based on acceptance and commitment therapy for adults with depressive symptomatology: Evaluation in a randomized controlled trial. Behaviour Research and Therapy, 49, 62-67. ECR (N = 93) de l’ACT pour dépression légère et modérée comparé à une liste d’attente. Baisse significative des symptômes dépressifs (d = .60) maintenue au suivi à trois mois. Dépression.


38. Brinkborg, H., Michanek, J., Hesser, H., & Berglund, G. (2011). Acceptance and commitment therapy for the treatment of stress among social workers: A randomized controlled trial. Behaviour Research and Therapy, 49, 389-398. ECR examining ACT for stress and burnout in social workers (n = 106) ACT a fait baisser de manière significative le stress et le burnout et augmenté la santé psychologique comparé à une liste d’attente parmi les 2/3 de travailleurs sociaux qui souffraient de stress. 42% des participants hautement stressés ont connu une réduction de leur stress cliniquement significative. Stress professionnel.


39. Brown, L. A., Forman, E. M., Herbert, J. D., Hoffman, K. L., Yuen, E. K. and Goetter, E. M. (2011). A randomized controlled trial of acceptance-based behavior therapy and cognitive therapy for test anxiety: A pilot study. Behavior Modification, 35, 31-53. Très petit ECR (N = 16) pour l’anxiété de performance aux examens comparant l’ACT (avec des éléments de pleine conscience) et la Thérapie Cognitive de Beck. Résultats similaires en termes d’autoévaluation de l’anxiété, mais meilleurs résultats aux examens pour l’ACT. Anxiété des examens.


40. Butryn, M. L., Forman, E., Hoffman, K., Shaw, J., & Juarascio, A. (2011). A pilot study of Acceptance and Commitment Therapy for promotion of physical activity. Journal of Physical Activity and Health, 8, 516-522. ECR (N = 54) comparant 4 heures of d’éducation à l’ACT pour promouvoir l’activité physique. Les participants ACT faisaient plus d’exercice, selon une mesure objective. Activité physique.


41. Fledderus, M., Bohlmeijer, E.T., Pieterse, M. E., & Schreurs, K. M. (2011) Acceptance and commitment therapy as guided self-help for psychological distress and positive mental health: a randomized controlled trial. Psychological Medicine, 11, 1-11. ECR (N = 376) d’une intervention précoce pour la dépression légère et modérée incluant ou non un soutien intense par courriel. Réduction de la dépression, anxiété, fatigue, évitement expérientiel et amélioration de la santé psychologique et de la pleine conscience, maintenu au suivi à 3 mois. Dépression.


42. Hayes, L., Boyd, C. P., & Sewell, J. (2011). Acceptance and Commitment Therapy for the treatment of adolescent depression: A pilot study in a psychiatric outpatient setting. Mindfulness, 2, 86-94. ECR (N = 30) ACT pour la dépression chez les adolescents comparé au traitement habituel. Bons résultats (environ 60% de changement cliniquement significatif pour l’ACT; d = .38 en fin de traitement et 1.45 au suivi). Dépression chez les adolescents.


43. Muto, T., Hayes, S. C., & Jeffcoat, T. (2011). The effectiveness of Acceptance and Commitment Therapy bibliotherapy for enhancing the psychological health of Japanese college students living abroad. Behavior Therapy, 42, 323–335. ECR (N = 70) portant sur l’impact du livre de bibliothérapie Get Out of Your Mind and Into Your Life sur la santé psychologique d’étudiants internationaux. Meilleure santé psychologique générale en fin de traitement et au suivi. Les étudiants modérément déprimés ou stressés se sont amélioré en comparaison aux étudiants ne recevant pas le livre. Les résultats étaient corrélés (médiation) à la flexibilité psychologique. Bibliothérapie.


44. Weineland, S., Arvidsson, D., Kakoulidis, T., & Dahl, J. (2011). Acceptance and commitment therapy for bariatric surgery patients, a pilot ECR. Obesity Surgery, 21, 1044-1044. ECR (N = 39) de l’ACT (deux sessions individuelles plus internet) comparé au traitement habituel pour des patients recevant une chirurgie bariatrique. Analyse de la consommation émotionnelle de nourriture, de l’insatisfaction avec l’image corporelle et de la qualité de vie. Bons résultats pour l’ACT. Suivi et analyses de médiation à venir. Insatisfaction de l’image corporelle, troubles du comportement alimentaire.


45. Wetherell JL, Afari N, Rutledge T, Sorrell JT, Stoddard JA, Petkus AJ, Solomon BC, Lehman DH, Liu L, Lang AJ, Hampton Atkinson J. (2011). A randomized, controlled trial of acceptance and commitment therapy and cognitive-behavioral therapy for chronic pain. Pain, 152, 2098-2107. ECR (N=114) comparant l’ACT et la TCC traditionnelle pour la douleur chronique. Bons résultats sur 6 mois. Pas de différences de résultats. Les patients terminant le traitement étaient plus satisfait avec l’ACT. Douleur chronique.


46. Pearson, A. N., Follette, V. M. & Hayes, S. C. (2011). A pilot study of Acceptance and Commitment Therapy as a workshop intervention for body dissatisfaction and disordered eating attitudes. Cognitive and Behavioral Practice, 17, 1-26. ECR (N = 73) montrant que l’ACT aide avec l’insatisfaction avec l’image corporelle et les attitudes alimentaires dysfonctionnelles. Troubles du comportement alimentaire et de l’image corporelle.


47. Gifford , E. V., Kohlenberg, B., Hayes, S. C., Pierson, H., Piasecki, M., Antonuccio, D., & Palm, K. (2011). Does acceptance and relationship focused behavior therapy contribute to bupropion outcomes? A randomized controlled trial of FAP and ACT for smoking cessation. Behavior Therapy, 42, 700-715. Grand ECR (N = 303) comparant ACT + FAP + Zyban (bupropion) au seul Zyban pour l’arrêt du tabac. Bons résultats. Médiation par la flexibilité et l’alliance thérapeutique, mais quand les deux sont inclus, seule la flexibilité psychologique reste comme médiateur de l’amélioration. Arrêt du tabac.


48. Westin, V. Z., Schulin, M., Hesser, H., Karlsson, M., Noe, R. Z., Olofsson, U., Stalby, M., Wisung, G. & Andersson, G. (2011). Acceptance and Commitment Therapy versus Tinnitus Retraining Therapy in the treatment of tinnitus distress: A randomized controlled trial. Behaviour Research and Therapy, 49, 737-747. Un des meilleurs ECR conduit sur les acouphènes à ce jour (N = 64). Très long suivi (18 mois). ACT fait mieux que la méthode psychosociale la plus utilisée (Tinnitus Retraining Therapy) pour réduire l’interférence et la détresse dues aux acouphènes. Médiation des résultats par l’acceptation des acouphènes. Hyperacousies et acouphènes.


49. Thorsell, J., Finnes, A., Dahl, J., Lundgren, T., Gybrant, M., Gordh, T., & Buhrman, M. (2011). A comparative study of 2 manual-based self-help interventions, Acceptance and Commitment Therapy and Applied Relaxation, for persons with chronic pain. The Clinical Journal of Pain, 27, 716-723. ECR (N = 90) comparant l’ACT à la relaxation à travers une combinaison de sessions individuelles, 7 semaines de travail avec un manuel de traitement accompagné d’un soutien téléphonique hebdomadaire, et une session finale en personne. Suivi à 6 et 12 mois. Meilleurs résultats pour l’ACT en terme de niveau de fonctionnement général, d’intensité de la douleur, d’acceptation, et de satisfaction de vie. Amélioration de la dépression et de l’anxiété équivalente pour les deux conditions. Douleur chronique.


50. White, R.G., Gumley, A.I., McTaggart, J., Rattrie, L., McConville, D., Cleare, S, & Mitchell G. (2011). A feasibility study of Acceptance and Commitment Therapy for emotional dysfunction following psychosis. Behaviour Research and Therapy, 12, 901-907. Petit ECR (n = 27) de 10 sessions d’ACT comparé au traitement habituel pour aider à gérer l’anxiété et la dépression suite à la psychose. Évaluateurs aveugles à la condition de traitement. Suivi à 3 mois. Impact significatif sur les symptômes négatifs, la dépression, le nombre d’appels de détresse et la pleine conscience. Les changements dans les processus étaient corrélés aux résultats. Troubles psychotiques.


51. Luoma, J. B., Kohlenberg, B. S., Hayes, S. C. & Fletcher, L. (2012). Slow and steady wins the race: A randomized clinical trial of Acceptance and Commitment Therapy targeting shame in substance use disorders. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 80, 43-53. ECR (n = 133) de 6 heures d’ACT en groupe vs le traitement habituel pour le traitement de la honte des usagers de substances suivant un traitement hospitalier de 28 jours. Au suivi, plus petite réduction de la honte pour l’ACT ACT; au suivi, baisse plus important pour l’ACT, plus d’implication dans le traitement et moindre usage de substances pour l’ACT. Addictions et honte.


52. Rost, A. D., Wilson, K. G., Buchanan, E., Hildebrandt, M.J., & Mutch, D. (in press). Improving psychological adjustment among late-stage ovarian cancer patients: Examining the role of avoidance in treatment. Cognitive and Behavioral Practice. ECR (N = 31; 47 à l’origine mais le reste sont morts où ont été placés en hospice) comparant l’ACT et la TCC traditionnelle pour la gestion des cancers gynécologiques terminaux. Résultats largement en faveur de l’ACT. Cancer et fin de vie.


53. Stotts, A.L., Green, C., Masuda, A., Grabowski, J., Wilson, K., Northrup, T., Moeller, F. G., Schmitz, J. (in press). A Stage I pilot study of Acceptance and Commitment Therapy for methadone detoxification. Drug and Alcohol Dependence. Small (N = 56) ECR des effets de l’ACT sur un programme de méthadone. 37% versus 19% détoxiqué pour la condition ACT vs. traitement habituel; pas d’augmentation de l’usage des opiacés dans la condition ACT. Addiction aux opiacés.


54. Morton, J., Snowdon, S., Gopold, M. & Guymer, E. (in press). Acceptance and Commitment Therapy group treatment for symptoms of Borderline Personality Disorder: A public sector pilot study. Cognitive and Behavioral Practice. Petit ECR (N = 41) comparant ACT et traitement habituel; 12 sessions de groupe de 2 heures. Meilleurs résultats de l’ACT sur la symptomatologie borderline auto-évaluée, l’anxiété, le sentiment de désespoir, la flexibilité psychologique, les habiletés de régulation émotionnelle et la pleine conscience. Les trois derniers apparaissant comme médiateurs des symptômes borderline. Trouble de la personnalité borderline.


56. Bethay, S., Wilson, K. G., Schnetzer, L., Nassar, S. (in press). A Controlled Pilot Evaluation of Acceptance and Commitment Training for Intellectual Disability Staff. Mindfulness. Petit (n = 34) ECR de trois session de groupe de 3 heures. Les participants recevaient soit 9 heures de formation à l’Analyse du Comportement Appliquée (ABA) ou 9 heures d’ACT plus ABA. Des différences n’apparaissaient que pour les participants ayant appliqué les techniques enseignées. Dans la condition ACT, les participants faisant état de plus hauts niveaux de détresse psychologique avant la formation s’amélioraient sur cette dimension au suivi comparé au groupe sans ACT. Au suivi, la crédibilité des pensées liées au burnout du groupe ACT baissait plus. Formation et burnout.Cognitive and Behavioral Practice. Small (N = 34) ECR de l’ACT (Une session individuelle; 5 sessions de groupe) versus le traitement habituel pour des personnes sans emploi en arrêt maladie et souffrant de dépression. Plus bas niveaux de dépression et meilleure qualité de vie et de santé générale pour l’ACT. Chômage et dépression.


57. Arch, J., Eifert, G. H., Davies, C., Vilardaga, J. P., Rose, R. D., & Craske, M. G. (in press). Randomized clinical trial of cognitive behavioral therapy (CBT) versus acceptance and commitment therapy (ACT) for mixed anxiety disorders. Journal of Consulting and Clinical Psychology. ECR pour divers troubles anxieux (N = 128) comparant 12 sessions d’ACT au traitement TCC le mieux validé, les deux conditions incluant de l’exposition. Résultats positifs pour les deux conditions, mais la sévérité clinique au suivi à 12 mois dans la condition ACT (d = 1.33). Parmi ceux qui avaient terminé le traitement, la sévérité clinique était également (d = 1.03). Plus grande amélioration de la flexibilité psychologique pour l’ACT (d = .59). Meilleure qualité de vie au suivi pour la TCC (effet modeste: d = .43). Troubles anxieux.


58. Biglan, A., Layton, G. L., Backen Jones, L., Hankins, M. & Rusby, J. C. (in press). The value of workshops on psychological flexibility for early childhood special education staff. Topics in Early Childhood Special Education. Small (N = 42) ECR d’atelier ACT vs. liste d’attente pour les éducateurs de la petite enfance. Au prétest, les mesures d’évitement expérientiel et de pleine conscience étaient corrélées significativement à la dépression, au stress et au burnout. L’intervention a réduit l’évitement expérientiel et augmenté la pleine conscience, les actions valorisées, et augmenté le sens d’efficacité des éducateurs. Stress professionnel et burnout.

benjamin schoendorff

The secret to self control - Subtitles in Français

The secret to self control - Subtitles in Français

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Jonathan Bricker's work has uncoved a scientifically sound approach to behavior change that is twice as effective as most currently practiced methods. His new methods are driving new norms and new apps for how people quit smoking and decrease obesity, saving many people from an early death.

Jonathan Bricker is an internationally recognized scientific leader in a bold approach called acceptance and commitment therapy. A Stanford researcher called his use of the approach “a breakthrough in behavioral research [that] has major public health implications for the major causes of preventable death.” Bricker and his team, having received $10 million in total federal research grants to study this topic, are rigorously testing this intervention on multiple platforms, including smartphone apps, websites, and telephone coaching. His SmartQuit app for quitting smoking was recently launched and is now in distribution worldwide.

Anonyme (not verified)

Évaluation à long terme de la thérapie d’Acceptation d’Engagement et de Pleine conscience: La MACT, et après?

Évaluation à long terme de la thérapie d’Acceptation d’Engagement et de Pleine conscience: La MACT, et après?

Les études à long terme permettent d’évaluer le maintien des concepts abordés au cours de la thérapie, ainsi que l'évolution de la symptomatologie. Elles permettent également d’élaborer des hypothèses sur la répercussion que peut avoir ce maintien sur le niveau de vie des patients. À terme, ces évaluations pourront mener à une meilleure compréhension des processus qui déterminent les modifications opérées. Et cette compréhension sera d’une grande aide pour entrevoir une amélioration de la pratique psychothérapeutique. C'est dans ce contexte qu'il nous est apparu adéquat de s’interroger quant au maintien dans le temps des effets bénéfiques observés chez les patients ayant suivi la psychothérapie MACT. Vous trouverez ci-dessous l’étude résumée sous forme de poster.

- Lea Stephany

 

 

 

(This webpage was updated on 6/13/2018)

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