L'ACT distingue trois variantes de l'expérience de soi :
1. «Soi comme contenu» désigne le soi conceptualisé que nous construisons constamment pour donner un sens à notre histoire. Cette notion se rapproche du concept de scénario de vie. Le besoin de maintenir la cohérence de l'histoire ainsi construite favorise l’interprétation des expériences éventuellement susceptibles de la modifier dans un sens où elles vont en fin de compte la confirmer. L'ACT vise à mettre en cause cette construction, à la démonter non pas en l'attaquant mais en affaiblissant la domination des processus verbaux et le contexte de littéralité qui contribuent à lui donner le pouvoir d'orienter les choix du sujet.
2. «Soi comme processus» désigne la faculté d'établir une relation d'équivalence entre un ensemble aux contours mal définis de sensations corporelles, de prédispositions comportementales et de pensées, et le nom d'une «émotion». Notre orientation dans la complexité des situations de la vie en société dépend du processus continu d’élaboration verbale de nos états intérieurs qui fait la différence entre la peur de l’animal et l’angoisse de l’être humain. Pour établir et consolider cette faculté qui correspond à ce que d’autres orientations psychothérapeutiques appellent la capacité d'être «proche de ses émotions» ou d'avoir «accès à ses émotions», il faut que les réponses de l'environnement précoce soient correctes et appropriées à ce que l’enfant ressent. Elle sera donc insuffisamment développée en cas de carences et de traumatismes précoces et tout particulièrement dans les situations d'abus où le feed-back de l'environnement a été mensonger («tu aimes ça»). Les personnes qui ne savent pas appliquer des catégories émotionnelles de manière adéquate ont beaucoup de peine à faire des choix qui leur soient profitables. L’ACT s'efforce d'établir un climat thérapeutique favorable au développement de cette capacité.
3. « Soi comme contexte » est une notion difficile à saisir. Dans un articlepublié en 1984, Steve Hayes a décrit l'expérience de soi comme une perspective ouverte et sans limites. Comme c'est toujours depuis là que je regarde, je ne peux pas voir cette «chose» (qui n'est pas une chose puisqu'elle n'a pas de limites) mais seulement l'expérimenter d'une manière restant le plus souvent fugace. Cet aspect de la subjectivité humaine est à la base des expériences de transcendance et de spiritualité, il est d’une importance fondamentale pour la thérapie. Nous cherchons à le développer grâce à des exercices et des métaphores. Faire l'expérience qu'il y a au moins un fait immuable et stable à propos de soi-même qui n'est ni une croyance ni un espoir ni une idée (toutes notions constitutives du « soi comme contenu ») peut représenter une ressource, un lieu sûr permettant au patient d'accepter la confrontation avec des expériences extrêmement douloureuses en sachant que, quoi qu'il arrive, cette réalité restera inchangée. Pour utiliser un langage imagé : quelle que soit l'intensité de la tempête, le ciel lui-même n'en est pas affecté.
Afin de favoriser l’engagement dans des comportements orientés par lesvaleurs l'ACT s'efforce de développer le sens de «soi comme contexte» comme un lieu sûr depuis où l'exposition devient possible et des stratégies de «défusion» par lesquelles nous voulons rendre visible le processus d'élaboration verbale plutôt que ses résultats. Nous cherchons à modifier le contexte de littéralité des pensées plutôt que leur contenu, à les voir pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles disent qu'elles sont. Le simple fait d’encourager, dans l’analyse fonctionnelle, une distinction entre pensées, images et sensations physiques va déjà dans le sens de la défusion.
La métaphore de la partie d'échecs permet d'illustrer la notion de «soi comme contexte». D'autres métaphores peuvent également être appropriées comme une maison en tant que cadre immuable pour tout ce qui s'y passe. L'exercice de la position d'observateur et d'une manière plus générale toutes les techniques de pleine conscience permettent de développer le sens de «soi comme contexte».