Le concept de fusion cognitive fait référence aux situations dans lesquelles ce sont les fonctions dérivées par des processus de cadrage relationnel (donc les fonctions verbales) qui l'emportent, dans la régulation du comportement, sur les fonctions psychologiques directement disponibles dans l'environnement. Le monde verbalement construit est alors confondu avec le monde «réel», qu'il s'agisse du monde extérieur ou de la personne même de l'individu. Le mot, l'événement qu'il désigne et le sujet qui le décrit s'amalgament dans des formules comme : «je panique» ou «je suis déprimé». Dans le contexte de littéralité ainsi établi, les pensées et les émotions vont se trouver en quelque sorte «en prise directe» sur le comportement et fonctionner de manière à en apparaître comme les causes.
On connaît la boutade : «J'ai longtemps cru que mon intelligence était mon organe le plus important jusqu'à ce que je comprenne qui me disait ça.» Nous avons l'habitude de confondre nos pensées avec ce qu'elles nous disent qu'elles sont. Pour beaucoup d'opérations mentales, un tel raccourci est fort utile et, dans les situations d'urgence, il peut nous sauver la vie. Il vaut mieux fuir une fois de trop... Les réglages par défaut d'un système affiné par des millénaires de sélection évolutive pour assurer la survie, et la programmation que notre passé peut y avoir inscrite font cependant qu'il peut s'avérer de mauvais conseil quand il s'agit de conduire notre vie de manière qu'elle puisse s'épanouir. On pense à ces conducteurs qui ont suivi la voix synthétique de leur GPS plutôt que de regarder la route et dont le véhicule a fini coincé dans une impasse ou immergé dans un cours d'eau.
Les exercices de défusion ont pour but de développer la capacité de voir les pensées pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles nous disent qu'elles sont, la capacité d'observer les processus de cadrage relationnel en train de se faire plutôt que de nous laisser emporter par leur résultat.
La stratégie de défusion la plus simple consiste en une convention de langage. On peut s'exercer à utiliser une formule comme «j'ai la pensée que...» pour créer un effet de distanciation. Les pensées sont comme une «radio dans la tête» et chacun de nous peut identifier les programmes qui passent le plus souvent à l'antenne : Radio-catastrophe, Radio-t'es moche, Radio-t'as fait tout faux... En répétant inlassablement sur le mode de l'exercice «chocolat, chocolat» une pensée difficile, on peut faire l'expérience qu'il ne reste plus qu'un amalgame de sons vidés de leur pouvoir d'évocation. On peut s'exercer à altérer différents aspects du langage en prononçant les mots très lentement, avec un accent étranger ou avec la voix d'un personnage de dessin animé ou celle d'un homme politique. La métaphore des représentants de commerce ou celle du bus, qui illustre en outre la notion de valeurs, sont souvent utiles à ce stade.