Notre façon de concevoir le monde est fondée sur un système d’hypothèses ou un système de références. Ce n’est pas parce qu’il y a différents systèmes de références, qu’un système est meilleur qu’un autre, mais c’est simplement une manière de se positionner face à l’objet d’étude.
Comme l’a déjà mentionné Dr Philippe Vuille, on peut s’entendre sur quatre visions principales du monde : le formalisme (centré sur la forme et les symboles, les mathématiques), l’organicisme (la vie est le résultat d’une organisation, par exemple, la maladie est causée par une lésion d’organe), le mécanisme et le contextualisme ou constructivisme.
L’approche mécaniste prédomine dans la compréhension de l’être humain, autant aux niveaux médical que psychologique. On essaie de comprendre l’être humain comme s’il était une machine : on analyse les parties + on cherche des relations entre les parties + les forces qui régissent la machine. On prétend qu’on peut découvrir toutes les parties d’une machine et comprendre son fonctionnement. Sur le plan psychologique, on prétend qu'il est possible d'expliquer le fonctionnement psychologique d’une personne par un modèle de compréhension univoque, considéré comme étant une description véridique, ou une vérité objective de la psyché humaine. Tel que le conçoit l’empirisme de Locke, la connaissance serait alors un calque du monde extérieur sur notre cerveau. En constatant la diversité des théories psychologiques avec chacune des logiques internes très intéressantes, on peut se questionner quant au choix d’une théorie particulière comme étant un modèle exact de compréhension d’un client. Alors, comment choisir, parmi toutes ces théories, celle à privilégier? Les résultats thérapeutiques pourraient nous éclairer. Mais souvent, dans la plupart des approches psychologiques, une fois que la logique du fonctionnement psychologique du client est établie, qu’il y ait changement ou pas, cela ne remet pas en question la justesse, l’évidence ou la vérité du modèle. La thérapie est présentée comme un moyen et non un résultat. Les processus psychologiques internes « les pensées, émotions, attentes, désirs, etc ..» sont analysés et décortiqués et on crée des liens entre eux. On est alors dans la compréhension, la cohérence, la prédiction des comportements, la correspondance qu’ils ont entre eux. Les clients établissent une compréhension de leur problème par des conclusions sur eux-mêmes. La thérapie repose sur l’insight et la compréhension du problème et le résultat est secondaire.
Dans l’approche contextualiste, on prétend qu'il y a une variété d’explications possibles au comportement humain de par toutes les variables du contexte actuel et historique qui peuvent l’affecter. Tenter de retracer la vraie histoire ou de faire des liens peut être intéressant. Mais ce qu’on sort de son contexte se vide de son sens. Mettez-le dans un autre contexte et il prendra un autre sens. Pour cette raison, la compréhension du contenu des pensées, émotions, etc… n’est pas le focus de la thérapie. Comment fait-on pour s’y retrouver devant cette infinité de possibilités ? C’est l’utilité ou la fonction des phénomènes psychologiques dans leur contexte qui vont orienter la thérapie et non la quête d’une vérité objective ou le reflet d’une réalité. On est davantage intéressé aux conséquences que les phénomènes internes (pensées, émotions, images etc..) auront dans le contexte actuel de la personne . Quant une personne mentionne le contenu d’une phrase, on lui demande souvent « À quoi cela vous sert-il de vous dire cela? Où cela vous amène-t-il par rapport à vos valeurs? » plutôt qu'à savoir si cette pensée est vraie, rationnelle, adéquate (sens arbitraire). Toutefois, il est important de préciser que la compréhension ou faire des liens pourront être utilisés en thérapie s'il s'avère que de le faire est utile au client pour s'accepter (la mentalisation peut permet de le faire) et de s'ouvrir à son expérience subjective (incluant le désagréable). En d'autres termes, on est pas intéressé au contenu de cette compréhension, mais à quoi elle sert. On s’attarde donc à son utilité dans son contexte pour aller efficacement vers des buts valorisés. On ne s’attarde donc pas à la pensée en donnant de l’importance à son contenu, à moins que cette pensée ne devienne utile dans le contexte.
Par exemple, disons que l'on vous donne un plan de construction d’une maison ou une photo de cette maison et qu'on vous demande « quelle est la vraie représentation de cette maison? » Est-ce que vous êtes la personne qui va la construire ou vous voulez la reconnaître sur votre chemin? Il n’y a pas de vraie représentation en soi à part l’utilité de cette représentation dans le contexte. On parle alors de contexte fonctionnel.
Votre vérité n’est peut-être pas la même qu'une autre personne parce que vous avez des objectifs différents. Cette vérité pragmatique est différente de la vérité de correspondance ou d’association mentionnée précédemment avec la vision mécaniste. On ne parle pas d’une vérité ontologique, mais d’une vérité fonctionnelle.
Inspiré du chapitre « The Philosophical And Theoretical Foundations Of ACT » dans Acceptance and Commitment Therapy de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson