4. Le soi contexte versus le soi concept
4. Le soi contexte versus le soi conceptIl est possible d’établir une distinction entre différentes composantes du SOI.
Le soi concept est le résultat d’un soi construit sur des concepts, des catégorisations verbales de soi-même (caractéristiques, qualités, défauts: besogneux, généreux, etc.), des évaluations de soi-même (estime de soi, degré de confiance en soi), et d’une identification au résumé de l'histoire de vie de l'individu. Par exemple, le fait d'avoir vécu un traumatisme (fait historique) devient une relation de cause à effet “Ce traumatisme m’amène à ne pas me sentir en sécurité dans ce monde” et sert d’explication au comportement actuel “Donc, parce que je ne fais confiance à personne, je m’isole et je ne peux pas vivre ma vie.”
Le soi descriptif est aussi fondé sur des catégories verbales, mais il est de nature descriptive de l’état de la personne dans le moment présent, sans caractère évaluatif. Par exemple : « présentement, je me sens comme ça , je pense ça, je vois ça etc. ». « L’alexithymie » est un terme clinique et un exemple de soi descriptif déficient pour désigner les gens qui ont de la difficulté à identifier et nommer leurs émotions présentes.
Le soi contexte n’est pas fondé sur des catégories verbales ou sur le contenu des pensées, des émotions, des sensations, des souvenirs, ou tout autre réaction intérieure transitoire qui traversent l'individu. Semblable au ciel toujours présent derrière la météo quotidienne, passagère et variée (tempête, soleil, pluie, verglas), le soi contexte est traversé par des émotions, des pensées, des sensations et tous les états intérieurs présents à un moment précis de la journée (la météo intérieure). En d’autres termes, le soi contexte est un espace accueillant ces états intérieurs temporaires, un fond continu et permanent. Il existe alors une distinction entre ce qui habite l'individu au quotidien de passager, transitoire et dépendant de toutes sortes de facteurs intérieurs et extérieurs (hormones, grippe, SPM, personnes rencontrées dans la journée, événements stressants etc..) et ce soi contexte toujours présent, stable malgré tous les événements et épisodes traversés dans le courant de la vie. Qu’importe le vécu d'une personne, il y a toujours à l’intérieur d'elle-même, ce fond indépendant des facteurs intérieurs ou extérieurs. Bien que l'individu a souvent tendance à plonger dans le contenu de sa météo intérieure et à croire que cette météo constitue son identité, le soi contexte se trouve plus profondément, immuable. Par exemple, certaines pensées à une certaine époque de la vie peuvent être différentes présentement. Il serait donc fragile de fonder son identité sur des bases aussi fluctuantes. Sans cette habileté à se connecter au soi contexte, les états intérieurs d’une personne peuvent facilement être extrêmement menaçants. Pour cette raison, la reconnaissance de ce soi contexte est essentielle dans la thérapie de l’acceptation et de l’engagement. Divers exercices expérientiels permettront à la personne de saisir cette dimension d’elle-même.
Éléments de réflexion : Il pourrait être utile de faire une distinction entre l’estime de soi et l’acceptation de soi. Il arrive souvent que des gens, affichant une grande estime d’eux-mêmes par leur reconnaissance sociale, leur réussite financière, leur apparence physique, leur assurance, se retrouvent complètement démolis suite à une faillite, une réputation détruite, un accident grave, etc. Parfois, une apparence plutôt trompeuse par la mise en place de mécanisme de compensation cache de profonds sentiments de défectuosité (alimentés par la dualité du soi concept : faible estime compensée par l’apparence d’une forte estime de soi). Il devient alors dangereux de fonder une estime de soi sur des variables aussi fragiles, pouvant disparaître du jour au lendemain. De plus, cette quête d’une pseudo estime de soi comme preuve à soi et aux autres d’être capable n’est pas forcément rassasiante à long terme. C’est un éternel recommencement! La personne se projette constamment dans le futur en quête de la prochaine preuve à faire et le moment présent lui glisse entre les doigts. L’acceptation de soi repose davantage sur l’accueil de toutes les composantes de la personne à partir du soi contexte. Il ne s’agit plus de rester dans les polarités ou dualités du soi concept (faible/fort; pauvre/riche, déficient/intelligent, etc.) et de chercher à se prouver que la personne appartient à un pôle plutôt qu’à l’autre. Ce qui détermine la direction de sa vie n’est plus cette quête d’estime de soi, mais plutôt cette fidélité à soi-même fondée sur des valeurs qui donnent du sens à la vie dans le moment présent. Il ne s’agit pas de réparer une identité perçue comme défectueuse (soi concept), mais de réorienter cette identité fondée sur des concepts (avec toutes ses réactions internes, incluant le sentiment de défectuosité) vers ce qui tient le plus à cœur (les valeurs).
Inspiré du chapitre « If I'm Not My Thoughts,Then who Am I? » dans "Get Out Of Your Mind And Into Your Life" de Steven C Hayes (2005)