Exercice de la position d'observateur
Exercice de la position d'observateurLa notion de «soi comme contexte» n'est pas d'un abord facile. Dans ce petit exposé pratique en partie basé sur l'approche de Hank Robb j'ai utilisé le terme de position d'observateur. Il prend la forme d'un courriel adressé à un patient présentant un «trouble anxieux» après une première séance pour lui suggérer un exercice en rapport avec les points abordés durant la séance. C'est d'ailleurs dans ce contexte que la majeure partie en a été rédigée.
Essayez le plus souvent possible d'adopter une position d'observateur de vos «événements privés». Il est vraisemblable que personne ne peut, même avec des années d'entraînement, y parvenir plus de quelques minutes par jour. Mais même quelques secondes peuvent faire une grande différence, suivant le moment.
Une position d'observateur, qu'est-ce que cela veut dire ?
Il peut être utile de distinguer les pensées, les images et les sensations. Vos pensées sont comme un programme de radio dans votre tête. Les images sont comme une photo ou comme un film (avec ou sans le son). Comme sensations physiques, vous pouvez percevoir le battement de votre coeur, un vertige, une douleur, une impression de chaleur ou de froid, etc. Même si nous pouvons avoir un certain contrôle sur nos pensées, nos images et nos sensations, elles nous «viennent» la plupart du temps sans que nous leur ayons rien demandé. Vous pouvez bien sûr décider de faire venir maintenant telle ou telle pensée. Mais le plus souvent, les «événements privés» se produisent spontanément.
Pour trouver la position d'observateur, il suffit de vous concentrer sur un objet (votre montre, un stylo, etc.) Vous remarquerez qu'il ne vous est jamais possible de vous concentrer sur cet objet au point que vous ne pouvez plus remarquer que vous êtes là en train de concentrer votre attention sur lui. La position d'observateur, c'est l'endroit depuis où vous remarquez que vous êtes en train de le faire.
Vous prouvez pratiquer (il suffit de quelques minutes par jour) l'exercice suivant qui vous donnera une meilleure idée de ce que c'est que la position d'observateur et qui vous permettra ensuite de progressivement la développer comme une ressource à laquelle vous pourrez avoir accès dans les moments difficiles. Attention ! Les moments difficiles le sont précisément parce que, pendant ces moments-là, la position d'observateur est particulièrement difficile à garder. Ils ne constituent donc pas une très bonne occasion de s'exercer. Vous risquez fort de vous décourager rapidement. Si vous voulez apprendre à skier, vous n'allez pas faire vos premiers essais sur la neige glacée d'une piste escarpée et difficile un jour de blizzard. Il vaut mieux s'entraîner par beau temps sur la petite pente ensoleillée derrière l'hôtel.
Asseyez-vous, laisser vos yeux se fermer et regardez les pensées, les images et les sensations physiques aller et venir comme vous regarderiez évoluer un paysage. Quand vous remarquez que vous avez une pensée, identifiez-la en vous disant : J'ai la pensée que... Faites-en de même avec les images (j'ai l'image que...) et avec les sensations physiques. Si vous avez la pensée qu'il ne vous vient pas de pensée, c'est déjà une pensée dont vous pouvez prendre note.
Vous pouvez aussi pratiquer de manière informelle. J'essaie par exemple de garder cette position d'observateur quand je descends à pied de la gare jusqu'à mon cabinet le matin. Il est rare que j'y parvienne plus de quelques dizaines de secondes. A tout moment, je me retrouve «dans ma tête», à jongler avec les rendez-vous, les lettres que je devrais écrire, ce que je ferai le week-end, etc. et je peux ainsi marcher plusieurs centaines de mètres en «pilotage automatique». Vous connaissez sans doute bien cette impression. Quand on remarque qu'on est ainsi «perdu», on peut toujours reprendre la position d'observateur. Il suffit de porter son attention sur certains aspects de l'environnement qui sont toujours présents. La respiration en est un. Je sais, c'est une drôle de notion de l'environnement. Mais depuis l'endroit où j'exerce cette position d'observateur, ma respiration est quelque chose de périphérique, une chose que je peux observer de la même manière que des réalités physiquement plus lointaines comme les sons et d'autre plus proches encore comme les pensées. Porter son attention sur le paysage sonore, sur les sensations auditives comme un sous-groupe des sensations physiques, est également un bon moyen de retrouver la position d'observateur dans laquelle, vous l'avez compris, il est difficile de rester longtemps. Il est particulièrement difficile de rester en position d'observateur vis-à-vis des pensées. Pourtant les pensées font aussi, depuis la position de l'observateur, partie de l'environnement. Elles sont cependant habiles à vous la faire quitter, en vous proposant d'entrer dans un débat ou de vous absorber dans l'élaboration d'un projet. Si vous avez voyagé en Afrique du Nord, vous avez dû faire l'expérience, dans les ruelles d'une Médina, de ces enfants qui s'accrochent à vos basques en voulant à tout prix vous servir de guide. Il y a les petits qui n'ont pas encore beaucoup de force et qui n'arrivent pas à nous faire dévier de notre route. Mais les grands peuvent exercer une force de traction considérable ! De la même manière, certaines pensées ont davantage de force, d'autres en ont moins. C'est également une dimension qu'il est possible, avec de l'exercice, d'observer.
Vous remarquerez peut-être que depuis cette position, vous pouvez remarquer et voir énormément de choses. Par contre, il est difficile de la voir puisque c'est depuis là que vous voyez ! Depuis elle, vous pouvez observer la tempête. Si la «météo» que vous observez quand vous regardez le «paysage» de vos événements privés peut être très changeante, il ne peut rien arriver à la position de l'observateur, qui reste accessible et inchangée quel que soit le déchaînement des éléments. On s'y trouve parfois comme dans cette partie centrale du cyclone où la vitesse du vent reste nulle et qu'on appelle «l'oeil».