3.0.2 Les six étapes de la thérapie

3.0.2 Les six étapes de la thérapie
Les étapes de la thérapie mentionnées ci-dessous ne suivent pas un ordre précis. Il peut être nécessaire d’approfondir une étape chez une personne, et non chez l’autre. Ces étapes fournissent les repères nécessaires à l’analyse fonctionnelle de la problématique d’une personne. Le thérapeute les utilise selon les besoins de la personne.
Cristel Neveu

1. Le désespoir créateur

1. Le désespoir créateur

Parfois une personne peut avoir l’impression d’avoir tout essayé dans la vie pour se sentir mieux et que ce sentiment "d'être mieux" ne dure qu’à court terme. Souvent, après avoir dépensé beaucoup d’effort pour changer l’inconfort (en l’évitant, en se raisonnant, en parlant à des amis), la personne peut se dire alors qu’elle n'y arrive pas (parce que le malaise revient toujours) et qu'elle a besoin d'avoir plus de confiance, d’estime d’elle-même, de motivation ou qu’elle est trop anxieuse, déprimée ou qu’elle n’a pas encore trouvé la bonne manière de régler son problème (malgré toutes les méthodes employées). Habituellement, dans les autres domaines de la vie, quand une personne met autant d’effort, elle obtient souvent des résultats. Et pourtant, dans ce cas, la personne persiste à éliminer l’inconfort à tout prix pour répondre à son exigence de se sentir mieux. Mais, qu’est-ce que cette expérience lui révèle? Et si c’était cet entêtement lui-même, le responsable de cette fausse piste?

Le désespoir créateur est cette reconnaissance qu’il est possible de se retrouver dans un cul-de-sac à répéter de différentes façons les mêmes processus mis en place par le cerveau (la fusion cognitive combinée à l’évitement des états internes désagréables). Est-il plus avantageux de considérer toutes les raisons que le cerveau lui raconte ou de s'en tenir à ce que son expérience vécue lui démontre? La première étape du traitement consiste donc à observer les coûts et bénéfices de cet entêtement contre ses états intérieurs désagréables dans le cheminement de ses choix de vie. Pour cette raison, la formule paradoxale de «désespoir créateur» est employée.

Inspiré du chapitre « Creative Hopelessness » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson (1999)

Cristel Neveu

2. L'acceptation versus le contrôle

2. L'acceptation versus le contrôle

La personne examine ses sensations, ses émotions, ses pensées en scrutant ou contrôlant son environnement intérieur et extérieur pour qu’il corresponde à la « bonne façon d’être ou de faire ».

Les stratégies de contrôle des états intérieurs sont valorisées pour plusieurs raisons :

1) Le contrôle fonctionne quand il s’agit de gérer des choses extérieures à soi-même. Il est possible de sortir de l'environnement extérieur un objet qui dérange. Il est tentant de croire qu'il est possible d'agir de la même manière avec les états intérieurs.
2) Il est souvent demandé aux enfants de contrôler leurs pensées et leurs émotions (ex : une mère qui demande à son fils d’arrêter de pleurer lui dit indirectement qu’elle souhaite qu’il la soulage de son propre malaise de le voir triste. Elle demande à son fils de faire ce qu’elle n’arrive pas à faire elle-même.)
3) En tant qu'enfant, il y a souvent des messages implicites qu’un adulte n’a pas peur et ne pleure pas. L’enfant intériorise qu’il devrait être capable de contrôler ces réactions intérieures parce que les autres le font. Cela ne veut pas forcément dire que les gens apprennent vraiment à contrôler leurs états, mais plutôt à les taire devant les autres. Plus tard, l’enfant peut réaliser la manière déguisée dont les adultes gèrent leurs émotions en prenant de l’alcool, des tranquillisants, en blâmant les autres, etc.
4) Les médias et la société renvoient souvent l’image que le bonheur se résume à une absence d’émotions difficiles.
5) Il arrive que le contrôle des états intérieurs (distraction, absorption dans une tâche, etc.) fonctionne à court terme. Par exemple, une personne peut avoir des pensées qu’elle est sans valeur et devenir un bourreau de travail. Cela n’enlève en rien la pensée qu’elle se sent défectueuse au fond d’elle-même. Le syndrome de l’imposteur en est un bel exemple. Lorsqu’elle est applaudie, la personne a toujours l’impression que les autres la trompe derrière les apparences.

S’il était possible de contrôler ses états intérieurs (à long terme!), il est fort probable que peu de personne serait malheureuse sur terre. Il semble pourtant difficile de remettre en question la stratégie du contrôle, malgré les piètres résultats observés dans les faits et ses conséquences néfastes. Les états intérieurs sont souvent déjà présents en soi lorsque l'individu prend conscience de leur existence. Personne ne demande la présence de pensées désagréables, elles arrivent automatiquement. De plus, le fait de s’impliquer dans la direction de ses choix de vie augmente l'exposition à des réactions internes désagréables (angoisse, insomnie, attentes, déceptions, blessures, etc.). En cherchant à contrôler l’incontrôlable, l'individu cherche souvent alors à manipuler l’environnement (en s’isolant, en fuyant l’intimité relationnelle, en se donnant une pseudo forte estime de soi, etc.). Le contrôle devient alors une protection contre ce à quoi « être vivant » expose. De plus, il peut devenir épuisant de toujours surveiller cet intérieur pour s’assurer qu’un monstre ne sortira pas des rideaux. La thérapie de l’acceptation et de l’engagement rappelle qu’il y a autant de vie dans un moment de douleur que dans un moment de bonheur.

L’alternative au contrôle est l’acceptation. La métaphore du poste de radio permet d’illustrer cette alternative. Imaginez l’existence de deux boutons de contrôle (comme ceux du « volume » et de la « balance ») sur une stéréo. Disons que le bouton du volume représente le degré « d’anxiété » (ou tout autre état intérieur désagréable: colère, culpabilité, pensées dérangeantes, etc.). Ce bouton est gradué de 1 à 10. Le discours intérieur d'une personne ressemble souvent à « l’anxiété est trop élevée. Elle est au maximum de 10 et je veux la baisser à 0. Je souhaite y arriver. » Toute son attention est placée sur ce bouton d’anxiété. Il est cependant possible d'envisager la possibilité de l’existence d’un autre bouton (« la balance »).

Ce bouton est peut-être le seul sur lequel il est possible d'agir, celui du « degré d’acceptation ou d’accueil » (le bouton de «la balance»)? Ce bouton renvoie à la capacité d’ouverture à l’expérience sans chercher à la manipuler, l’éviter, la fuir, la changer ou la modifier. Quand l’anxiété (l’inconfort, dépression, souvenirs déplaisants, pensées obsessives, etc.) est au niveau 10, et qu’une personne cherche de toutes ses forces à la contrôler, à la baisser, à l’enlever, alors elle lutte contre l’anxiété. Le degré d’acceptation est alors à 0. Prenons une autre image, une clef à cliquet sert à resserrer un boulon : une fois la clef enclenchée (qu’importe la direction du mouvement), elle ne fait que resserrer le boulon davantage. De façon similaire, quand le bouton de l’anxiété est élevé et celui de l’acceptation faible, la clef est enclenchée de sorte que l’anxiété ne peut baisser. En effet, si la personne lutte pour ne pas se sentir anxieuse, alors l’anxiété elle-même devient une préoccupation de plus. Elle aurait beau actionner la clef dans tous les sens, elle continuerait à serrer le boulon dans le même sens. Pour cette raison, l’objectif de la thérapie est d’utiliser davantage le bouton de l’acceptation. La personne a beau chercher à contrôler l’anxiété, cela ne donne souvent pas grand chose. Ce n’est pas qu’elle manque d’intelligence ---quoiqu’en dise son cerveau, mais son expérience lui démontre que ça ne fonctionne pas. Si elle augmente le bouton de l’acceptation, le niveau du bouton d’anxiété s’ajustera librement. Parfois il sera bas, d’autres fois, élevé, mais dans les deux cas, il n’y aura plus de lutte inutile menant toujours dans la même direction. L’acceptation est une position active d’accueil et d’ouverture à l’expérience vécue et elle n’a rien à voir avec la passivité de la résignation. Le travail thérapeutique consistera à s’exposer progressivement à des états intérieurs désagréables et à changer cette attitude face à l’inconfort à l’aide d’exercices expérientiels et de métaphores.

Adapté du chapitre « Control Is The Problem, Not The Solution » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson (1999)

Cristel Neveu

3. La défusion cognitive

3. La défusion cognitive

L'être humain a tendance à nager dans ses pensées comme les poissons nagent dans l’eau, inconscients de l’existence de l’eau qui les environnent. Il est facile d'être absorbé par ses pensées au point de ne pas se rendre compte qu’une pensée n’est qu’une pensée, une production du cerveau. Qu’arriverait-il si les poissons devenaient conscients de l’eau?

Au lieu de plonger dans le contenu de ses pensées, il est possible de les envisager comme des pensées qui traversent le cerveau, ni plus ni moins. C’est ainsi, qu’en thérapie, le thérapeute distingue le cerveau de la personne. La personne a des pensées, mais elle n'est pas sa pensée. Il arrive de répéter à toute vitesse une phrase pour faire perdre le pouvoir ou l'emprise d'une pensée sur la personne. La défusion cognitive est une forme particulière d’exposition aux stimuli verbaux de manière à percevoir une pensée pour ce qu’elle est, plutôt que pour ce qu’elle raconte, à percevoir les conceptions de soi-même et des autres comme des conceptions, les évaluations des autres et de soi-même comme des évaluations, etc, et par le fait même, à ne plus considérer le contenu de ces cognitions « si sérieusement » ou comme dangereux, destructif, hostile ou mauvais.

Mais si l'individu n'est pas ses pensées, alors « Qui est-il? » (voir prochaine section du soi contexte)

Adapté du chapitre « The Trouble With Thoughts » dans "Get Out Of Your Mind And Into Your Life" de Steven C Hayes (2005)

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4. Le soi contexte versus le soi concept

4. Le soi contexte versus le soi concept

Il est possible d’établir une distinction entre différentes composantes du SOI.

Le soi concept est le résultat d’un soi construit sur des concepts, des catégorisations verbales de soi-même (caractéristiques, qualités, défauts: besogneux, généreux, etc.), des évaluations de soi-même (estime de soi, degré de confiance en soi), et d’une identification au résumé de l'histoire de vie de l'individu. Par exemple, le fait d'avoir vécu un traumatisme (fait historique) devient une relation de cause à effet “Ce traumatisme m’amène à ne pas me sentir en sécurité dans ce monde” et sert d’explication au comportement actuel “Donc, parce que je ne fais confiance à personne, je m’isole et je ne peux pas vivre ma vie.”

Le soi descriptif est aussi fondé sur des catégories verbales, mais il est de nature descriptive de l’état de la personne dans le moment présent, sans caractère évaluatif. Par exemple : « présentement, je me sens comme ça , je pense ça, je vois ça etc. ». « L’alexithymie » est un terme clinique et un exemple de soi descriptif déficient pour désigner les gens qui ont de la difficulté à identifier et nommer leurs émotions présentes.

Le soi contexte n’est pas fondé sur des catégories verbales ou sur le contenu des pensées, des émotions, des sensations, des souvenirs, ou tout autre réaction intérieure transitoire qui traversent l'individu. Semblable au ciel toujours présent derrière la météo quotidienne, passagère et variée (tempête, soleil, pluie, verglas), le soi contexte est traversé par des émotions, des pensées, des sensations et tous les états intérieurs présents à un moment précis de la journée (la météo intérieure). En d’autres termes, le soi contexte est un espace accueillant ces états intérieurs temporaires, un fond continu et permanent. Il existe alors une distinction entre ce qui habite l'individu au quotidien de passager, transitoire et dépendant de toutes sortes de facteurs intérieurs et extérieurs (hormones, grippe, SPM, personnes rencontrées dans la journée, événements stressants etc..) et ce soi contexte toujours présent, stable malgré tous les événements et épisodes traversés dans le courant de la vie. Qu’importe le vécu d'une personne, il y a toujours à l’intérieur d'elle-même, ce fond indépendant des facteurs intérieurs ou extérieurs. Bien que l'individu a souvent tendance à plonger dans le contenu de sa météo intérieure et à croire que cette météo constitue son identité, le soi contexte se trouve plus profondément, immuable. Par exemple, certaines pensées à une certaine époque de la vie peuvent être différentes présentement. Il serait donc fragile de fonder son identité sur des bases aussi fluctuantes. Sans cette habileté à se connecter au soi contexte, les états intérieurs d’une personne peuvent facilement être extrêmement menaçants. Pour cette raison, la reconnaissance de ce soi contexte est essentielle dans la thérapie de l’acceptation et de l’engagement. Divers exercices expérientiels permettront à la personne de saisir cette dimension d’elle-même.

Éléments de réflexion : Il pourrait être utile de faire une distinction entre l’estime de soi et l’acceptation de soi. Il arrive souvent que des gens, affichant une grande estime d’eux-mêmes par leur reconnaissance sociale, leur réussite financière, leur apparence physique, leur assurance, se retrouvent complètement démolis suite à une faillite, une réputation détruite, un accident grave, etc. Parfois, une apparence plutôt trompeuse par la mise en place de mécanisme de compensation cache de profonds sentiments de défectuosité (alimentés par la dualité du soi concept : faible estime compensée par l’apparence d’une forte estime de soi). Il devient alors dangereux de fonder une estime de soi sur des variables aussi fragiles, pouvant disparaître du jour au lendemain. De plus, cette quête d’une pseudo estime de soi comme preuve à soi et aux autres d’être capable n’est pas forcément rassasiante à long terme. C’est un éternel recommencement! La personne se projette constamment dans le futur en quête de la prochaine preuve à faire et le moment présent lui glisse entre les doigts. L’acceptation de soi repose davantage sur l’accueil de toutes les composantes de la personne à partir du soi contexte. Il ne s’agit plus de rester dans les polarités ou dualités du soi concept (faible/fort; pauvre/riche, déficient/intelligent, etc.) et de chercher à se prouver que la personne appartient à un pôle plutôt qu’à l’autre. Ce qui détermine la direction de sa vie n’est plus cette quête d’estime de soi, mais plutôt cette fidélité à soi-même fondée sur des valeurs qui donnent du sens à la vie dans le moment présent. Il ne s’agit pas de réparer une identité perçue comme défectueuse (soi concept), mais de réorienter cette identité fondée sur des concepts (avec toutes ses réactions internes, incluant le sentiment de défectuosité) vers ce qui tient le plus à cœur (les valeurs).

Inspiré du chapitre « If I'm Not My Thoughts,Then who Am I? » dans "Get Out Of Your Mind And Into Your Life" de Steven C Hayes (2005)

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5. Les valeurs

5. Les valeurs

La façon la plus simple d’illustrer les valeurs est de demander à la personne « quelle personne aimeriez-vous incarner au quotidien dans les différentes sphères importantes de votre vie (familiale, conjugale, parentale, amicale, professionnelle, environnementale, etc.) ?». Il existe plusieurs questionnaires pour clarifier les valeurs d'une personne (traduit en français dans la section « matériel clinique de ce site »), utile pour cette étape de la thérapie. Une valeur est une direction et non un objectif à atteindre. Avoir une vie satisfaisante est souvent associée à l’atteinte d’objectifs personnels. Cette manière de concevoir peut amener un état de privation dans lequel l'individu est souvent en quête de quelque chose dans le futur qu'il n'a pas en ce moment pour être heureux. Ce faisant, son attention est sur la prochaine chose à atteindre et il devient facile d'être absent du présent. L’objet voulu est ailleurs dans le temps et l’espace. De plus, une fois l’objectif atteint, il peut en trouver un autre à atteindre pour répondre à un autre manque, et ainsi de suite. Une valeur n’est donc pas un objet à atteindre (objectif), mais un « principe directif » sous-jacent aux actions quotidiennes. Une valeur perdure dans le temps et ne peut jamais être atteinte. Il s’agit d’un processus : qu’est-ce que la personne sème dans son quotidien pour porter cette valeur ? Quel sens se trouve derrière ses gestes quotidiens? Une valeur peut inclure des objectifs, mais elle n’est pas l’objectif. En d’autres termes, s’il est important pour une personne d’être un partenaire amoureux, qu’est-ce que cette personne fait au quotidien pour démontrer l’importance de cet amour dans son couple ? Elle peut démontrer son amour par le biais d’objectifs (réserver du temps pour le couple, se marier, faire régulièrement des surprises à son partenaire, etc.), mais la valeur est ce qui motive ces objectifs. Un autre exemple de valeur peut être «d’être un parent présent pour ses enfants». Qu’est-ce que cette personne fait au quotidien pour semer dans cette direction ? Dans la thérapie de l’acceptation et de l’engagement, les obstacles relevant de la peur de l’engagement ou du rejet ne sont pas des raisons justifiant l’abandon des valeurs d’une personne. D’ailleurs, les valeurs révèlent les points de fragilité d’une personne. Une personne craignant l’intimité révèle souvent à quel point l’intimité est importante pour elle. Le travail thérapeutique consistera à apprivoiser, accepter et porter ces peurs en les considérant à partir du soi contexte, tout en poursuivant dans la direction de ce qui lui tient à cœur, l’objectif thérapeutique étant d’être plus vivant même si c’est plus souffrant. Il ne suffit pas d’attendre que la souffrance disparaisse pour passer à l’action. En cherchant à contrôler sa souffrance, la personne prend le risque de perdre le contrôle de sa vie.

De plus, les valeurs sont personnelles à chacun et ne sont pas fondées sur des conventions sociales. La compassion pour autrui peut être un acte découlant du besoin d’être vénéré, aimé ou d’obtenir une certaine reconnaissance sociale, ce qui n’a rien à voir avec la compassion découlant d’une fidélité à soi, comme choix d’une valeur de vie. Il est aussi important de ne pas confondre un plan de vie fondé sur les valeurs sociales contemporaines (par exemple, avoir un travail rémunérateur, se marier et être en famille, être un pourvoyeur financier, etc.) avec ses valeurs personnelles. En effet, le danger est de continuer un travail même s'il est insatisfaisant parce qu'il faut être pourvoyeur, de rester dans une relation abusive parce que le divorce serait mal vu par l'entourage. Par ailleurs, les valeurs sont des choix de vie qui ne sont pas fondés sur des raisons ou des évaluations pour/contre dérivées de la logique. Si elles étaient fondées sur des raisons, il serait alors difficile de maintenir ses engagements, car les raisons initiales peuvent changer au cours du temps. Si par exemple, un homme épouse sa conjointe parce qu’elle est belle, reconnue socialement, etc., le jour où elle aura des enfants et qu’elle restera à la maison non exposée aux regards des autres (ou encore, si elle perd ses attributs physiques suite à un accident d’auto), le conjoint s’en désintéressa et ira voir ailleurs. De la même manière, les valeurs ne sont pas fondées sur des émotions. Les émotions sont aussi très instables. Si une personne décide d’en épouser une autre parce qu’elle est passionnément amoureuse d’elle, lorsque des émotions différentes apparaîtront (éloignement suite à un conflit, distance, etc.), elle remettra la relation en question et se dirigera vers une autre personne. Les valeurs ne sont donc pas fondées sur des états temporaires (pensées, émotions, conventions, etc.) qui traversent l'individu.

Adapté du chapitre « Valuing » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson

Cristel Neveu

6. L'engagement à l'action

6. L'engagement à l'action

Après avoir bien défini ses valeurs de vie, la personne arrive au point de se poser une question fondamentale « Est-elle prête à s’engager dans la direction de ce qui lui tient à cœur avec tout ce que cela comporte ? » Le choix d’avoir des enfants (on parle bien ici d’un choix) est un bel exemple pour comprendre l’engagement. S’engager à avoir des enfants, c’est s’engager à en prendre soin quoiqu’il arrive dans la vie. Est-il possible de s'engager dans la direction de ses valeurs de la même manière? Il ne s’agit pas d’essayer. Une personne n’essaie pas d’avoir des enfants, elle les a. De la même façon, est-elle prête à faire le saut de s’engager dans la direction d’une valeur avec tout ce que cela comporte de connu et d’inconnu, de facteurs intérieurs à sa personne et de situations extérieures ? Est-elle prête à dire « oui » à la vie avec tout ce qui va se présenter sur le chemin de cette valeur ? S’engager, ne veut pas dire garantir qu’elle ne va jamais s’écarter du chemin de ses valeurs. En effet, une valeur n’est pas l’atteinte d’un résultat. Il est donc toujours possible de reprendre le chemin en tout temps. Dès que la personne réalise qu’elle s’est éloignée de lui, elle peut faire le choix d'y retourner. Lorsque quelqu'un sème des graines dans son jardin, elle n’a pas la garantie qu’elles vont pousser. Toutefois, elle peut continuer l’acte de semer dans cette direction, qu’importe le résultat. L’important est d’entretenir cette démarche, qu’importe la grandeur des pas effectués en direction de ses valeurs. Cette dernière étape du traitement vise à préciser les actions concordantes aux valeurs de la personne, à aborder les obstacles à franchir et à formuler son engagement dans cette direction.

Inspiré du chapitre « Willingness and Commitment » dans "Acceptance and Commitment Therapy" de Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson

Cristel Neveu

Conclusion

Conclusion

Bien qu'il peut être tentant pour un individu de dépenser beaucoup d’énergie à contrôler (enlever ou diminuer) l’émergence de ses réactions intérieures désagréables, son expérience vécue peut lui révéler la futilité de ces efforts. Ces réactions arrivent souvent comme des réflexes déclenchés par toutes sortes de facteurs contextuels. Si cette personne obéit automatiquement à ces réactions intérieures (émotions, pensées, sensations), elle risque de faire des gestes qu'elle n’a pas réellement choisis, mais dictés par sa programmation arbitraire (histoire personnelle, influences sociales et culturelles, etc.) plutôt que par ses valeurs de vie (ce qui lui tient réellement à cœur). Il est probable que les actions d'une personne restent la seule chose dont elle ait réellement le contrôle dans sa vie, de sorte qu'elle puisse tout de même choisir la manière dont elle va répondre à la présence de ses réactions intérieures. Une des interventions de la thérapie d’ACT contribuant à choisir sa vie plutôt qu’à la subir est de prendre conscience de l’existence d’un observateur intérieur (soi contexte) qui accueille ses états passagers, même ceux dont le contenu est désagréable sans les juger ou les évaluer, les fuir ou les combattre. Il s’agit alors de les reconnaître pour ce qu’ils sont : des processus intérieurs qui la traversent, une sorte de météo intérieure déclenchée par des situations quotidiennes et passées. Après avoir bien déposé ses réactions intérieures en observant ce qui la traverse, la personne peut ensuite choisir d’obéir à leur contenu, si ce contenu est utile dans le sens de ses valeurs (la fonction du contenu est plus importante que sa vérité). L’acceptation, l’observation, la connaissance de ses valeurs et l'engagement à celles-ci sont les meilleurs alliés pour faire ce tri intérieur en laissant ses états intérieurs temporaires (arbitraires et non choisis) avoir moins d’emprise sur ses comportements et ses actions. Le film "Un homme d'exception" traduit de l'anglais "A Beautiful Mind" est un bel exemple illustrant les différents processus de la thérapie. D'après une histoire vraie, ce film relate la vie du mathématicien John Nash, ayant obtenu le prix nobel en 1994. Pour ne pas renoncer à la créativité de son cerveau, il doit accepter l'existence du contenu plus destructif de ce même cerveau, sans obéir à ses directives. Bien que ce contenu destructif soit clairement évident dans ce film, il est ainsi possible que le cerveau abrite d'autres contenus destructifs moins apparents (à ne pas confondre avec soi-même!), affectant les rapports aux autres, à la vie et à soi-même.

Pour conclure, le cerveau possède des ressources extrêmement précieuses pour l'individu. Il l'a aidé à survivre en tant qu'espèce humaine devant les créatures robustes par ses capacités à comparer, planifier, évaluer, à se projeter dans le futur, etc. Toutefois, en lui obéissant comme s'il était le maître de soi-même, il est probable qu'il ait autant le pouvoir de détruire l'individu. Il peut devenir dangereux d'être à son service plutôt que l'inverse. Le cerveau est un bel outil, il s'agit d'apprendre à bien s'en servir et à se rappeler qu'il n'est pas le capitaine, sans le consentement de la personne, du navire de sa propre vie.

Cristel Neveu